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** *NATHALIE YOUL* **
Je regarde la photo de ma petite fille et puis j’ai mal au cœur. Elle me manque oh. Ça fait un an qu’elle est morte mais on dirait que ça fait hier. C’est elle qui venait ambiancer ma maison. Je me suis jouée les fortes devant mon fils mais vrai vrai j’avais mal. C’est elle qui avait commencé à transformer mon fils en un homme plus gentil lui qui ne souriait jamais avec les gens. Ce comportement m’a toujours fatigué mais il ne m’écoutait pas. Il a fallu Inès pour le faire changer un peu. Un peu seulement. Ça m’a vraiment fait mal de voir mon fils aussi triste. Mon fils, mon unique fils. Dieu seul sait à quel point je l’aime. Je ne vois même pas ma vie sans lui. Je dépose la photo d’Inès et décroche mon portable. Quand je vois le numéro de mon fils je me mets à sourire.
– Allô chéri. Comment tu vas ?
– « Bonjour maman. Je vais bien. Je rentre aujourd’hui. »
– Vraiment ? Je demande toute heureuse.
– « Oui maman. L’avion ne va pas tarder à décoller. À toute à l’heure. »
– À toute à l’heure.
Je raccroche et m’en vais vite dans la cuisine. Je retrouve mes servantes. J’ai deux servantes, enfin mon fils m’a donné deux servantes sans me demander ma permission et j’ai moi-même prise Matou pour ne pas qu’elle reste au chômage après la mort d’Inès. Donc j’ai trois maintenant. Je ne sais même pas ce que je fais avec les trois mais mon fils dit qu’il ne veut pas que je fasse quelque chose.
– Bonjour ici. Mon fils revient aujourd’hui. Matou tu vas m’aider à préparer tout ce qu’il aime et vous les deux-là je veux que vous va chez lui pour nettoyer.
Elles disent oui et je demande à Matou de prendre une feuille pour écrire ce qu’on va acheter pour préparer.
– Tantie tu ne vas plus recommencer à étudier ? Me demande Matou en écrivant ce que je lui dis.
– Je vais reprendre mais je ne sais pas quand. Affaire d’étudier à la maison là ça me fait dormir et puis les maitres là chôcôbissent trop dans mes oreilles.
– Mais il y a des écoles pour les grandes personnes.
– Hum je sais mais comme il y avait funérage de ma petite fille et puis mon fils est parti au Maroc j’ai dit je vais attendre qu’il revient d’abord.
– D’accord tantie. Sinon tu parles bien maintenant.
– Oui oui je sais. Je me suis amélioralisé.
– Non c’est amélioré.
– En tout cas tu as compris.
Nous rions et sortons faire les courses. Nous montons dans ma voiture et mon chauffeur nous conduit jusqu’au super marché. Ma voiture est suivie par une autre voiture. Mon fils a mis deux gardes de corps derrière moi avant de partie. Mon fils est mon plus grand bonheur et malgré sa richesse il n’a pas honte de moi. Je ne sais pas lire et écrire. Bon maintenant ça va, je peux lire un peu un peu. C’est pour écrire-là qui est un peu compliqué. Mes parents ne m’ont pas mis à l’école. C’est quand mon fils a eu l’argent qu’il a voulu que j’apprenne. Il a pris des maitres de maison pour moi et l’année passée je passais au CM2 mais à cause de la mort de ma petite fille j’ai arrêté. Je vais reprendre cette année. Nous rentrons à la maison après avoir fait toutes les courses pour recevoir mon bébé. Je vais lui préparer tout ce qu’il aime. Je suis tellement pressée de le voir.
Enfin mon fils revient au pays. Je suis vraiment contente. Depuis le matin je chante seulement. Un an qu’il est parti que je me sentais vide à l’intérieur de moi. Terry est mon seul enfant ce qui fait qu’on est vraiment proche. Nous avons traversé les pires moments ensemble. Nous n’avons pas toujours été riches. Loin de là. Terry et moi venons de l’un des quartiers les plus bas d’Abidjan précisément d’Andokoi situé dans la commune de Yopougon. On habitait près de la décharge. La vie n’était pas facile que même des fois pour manger c’était problème. Mais comme toutes les mamans qui aiment leur enfant je donnais petit nourriture qu’on gagnait à mon fils pour que lui au moins soit rassasié. J’ai fait de petits boulots comme servante, commerçante, fanico (les femmes qui lavent les vêtements à domicile) et même femme de ménage journalière. C’est-à-dire que si quelqu’un a sa maison sale ou ses toilettes et qu’il n’a pas le temps voire même n’a pas envie de les laver c’est moi qui m’en charge et à la fin on me paye. Le problème était que ce n’était pas tous les jours que je gagnais pour faire. Je pouvais faire deux à trois jours sans rien avoir. Mais quand je gagne, je pouvais avoir 5 mille en un jour ou quand la journée était bonne 10 mille mais ça ne suffisait pas vraiment parce qu’à chaque fois on avait toujours de quoi à acheter pour les cours de Terry. Oui malgré notre pauvreté je voulais à tout prix que mon fils soit instruit. Moi je n’ai pas eu la chance donc je voulais forcément que mon fils parte. Je me suis dit que si lui est instruit, il pourra trouver plus tard un travail pour nous sortir de la misère même si ce n’était pas des millions.
