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Le jardin interdit

La nuit, ma mère essuyait ses larmes, mais rien n’y faisait, elles continuaient de couler, inarrêtables. Mon père, lui, dormit sur le canapé du petit salon de l’hôtel, tandis que ma mère et moi partagions le lit de la chambre. Elle me serra dans ses bras toute la nuit, comme pour se raccrocher à un semblant de sérénité.

Le lendemain matin, comme prévu, mon père insista pour que nous quittions l’hôtel et retournions à la maison. Lentement, il avait convaincu ma mère, bien qu’elle restât sur ses gardes.

De retour chez nous, la maison avait été entièrement rangée par les domestiques. Pourtant, malgré leurs efforts, quelques objets brisés ou disparus laissaient des traces de l’intrusion. Ce n’était plus vraiment notre chez-nous, mais une maison empreinte d’une tension silencieuse.

Depuis notre retour, tout avait changé. Maman et moi vivions comme emprisonnées dans la maison. Papa nous interdisait de sortir, même pour profiter du jardin. La peur qu’il exprimait dans ses ordres résonnait dans chaque recoin de notre quotidien. Finies les promenades, les jeux dehors, les visites d’amis. Le monde extérieur n’existait plus pour nous.

Une distance froide s’était aussi installée entre mes parents. Maman dormait désormais dans ma chambre avec moi, tandis que papa restait seul dans leur chambre conjugale. À table, ils ne se parlaient presque plus. Maman me racontait des histoires le soir pour m’aider à m’endormir, mais ses sourires n’étaient plus que des façades. Quant à papa, il devenait une ombre dans la maison, rentrant tard, partant tôt, et presque invisible.

Je me souvenais de mes anniversaires passés, avant tout cela. Chaque année, maman me préparait des petits gâteaux, des bougies et des décorations. La maison se remplissait de rires et de musique. Mes amis venaient jouer, et on s’amusait dans le jardin, sous le soleil. Je me souvenais de cette liberté, de l’air frais, du parfum des fleurs, de ces moments où tout semblait possible. Mais cette année-là, il n’y avait rien. Aucun gâteau, aucun sourire, juste un vide énorme qui m’écrasait.

Une semaine après notre retour, c’était mon anniversaire. Cette année-là fut marquée par une première : il n’y avait ni gâteau, ni cadeaux, ni fête. Étrangement, je ne ressentis pas de tristesse. J’avais simplement demandé à ma mère une chose, une seule :

— Maman, je veux juste un peu jouer dehors et sentir les fleurs.

Ma mère, gênée, hésita avant de répondre doucement :

— Ma chérie, on doit écouter papa et rester dans la maison.

— Juste cinq minutes, promis, insistai-je.

Elle posa ses mains sur mes épaules, le regard désolé.

— Lucie, n’insiste pas, ok ?

Déçue, je quittais la chambre en courant et me précipitai dans le salon. Là, je m’approchais de la grande baie vitrée. De l’autre côté, le jardin m’appelait. Les fleurs, la pelouse verdoyante, le ciel immense… tout semblait tellement libre, tellement loin. Je posais ma main contre la vitre, comme pour toucher ce monde inaccessible.

Ma mère arriva derrière moi et posa une main rassurante sur ma tête.

— Quand tout sera fini, me dit-elle avec douceur, je te promets que toi, moi, papa, et le bébé que j’ai dans mon ventre, nous jouerons tous ensemble dans ce jardin.

Je posais ma tête contre sa poitrine, cherchant un peu de réconfort dans sa chaleur.

Je me souvins de ces jours où maman et moi jouions ensemble dans la maison. Même si nous ne pouvions pas sortir, nous faisions des jeux, des activités, comme si cela pouvait compenser cette privation. Je me souvenais de nos après-midis à colorier, de nos lectures de contes, et des séances de cuisine où nous préparions des biscuits. À ces moments-là, nous nous contentions de notre petit monde, mais quelque part, l’ombre de ce que nous avions perdu flottait toujours autour de nous.

Le soir, alors que nous dînions en silence, un bruit de serrure brisa l’habituelle monotonie. C’était lui. Papa était enfin là. Dès que je reconnus ce son, je me levai d’un bond, ignorant les avertissements de ma mère sur le danger d’ouvrir la porte à quelqu’un.

Je courus à toute vitesse vers l’entrée. Dès que la porte s’ouvrit, je sautai dans ses bras, pleine d’une joie que je n’avais pas ressentie depuis longtemps.

— Papa ! cria-je en serrant son cou de toutes mes forces.

Il m’embrassa tendrement sur les joues.

— Joyeux anniversaire, mon cœur, murmura-t-il, la voix teintée d’une douceur inhabituelle.

Je pensais que nos problèmes étaient enfin terminés. J’avais envie d’y croire, mais ce n’était qu’une illusion. Papa referma la porte derrière lui et salua ma mère d’un simple « Bonsoir », froid et distant.

— Viens, toi, tu t’assois là, comme avant ! lui dis-je en tirant sa main vers la table.

Il me suivit docilement et prit place. Ma mère, elle, restait en retrait, les bras croisés et le regard voilé d’inquiétude. L’atmosphère à table était étrange, un mélange de retrouvailles timides et de tensions sous-jacentes.

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