Au-delà des apparences
Ma mère, les yeux écarquillés, prit une profonde inspiration avant de demander, la voix tremblante de peur et d’incompréhension :
Ma mère : Sinon quoi ?
Mon père, la mine grave, répondit d’une voix basse, presque étouffée par le poids des paroles qu’il s’apprêtait à dire. Son regard s’échappait, comme s’il avait du mal à admettre la réalité qui l’attendait.
Mon père : Ils sont dangereux. Il m’a encore accordé un délai. Je continuerai mes affaires, et je ferai tout ce que je peux avec mon entreprise et mes voitures pour rembourser. Ça serait… risqué, tu sais.
Ma mère, cherchant à comprendre, fronça les sourcils et haussant légèrement la voix, l’air inquiet et tendu :
Ma mère : Un peu comme si tu travaillais pour eux, non ?
Mon père se mordit la lèvre, la fatigue et la culpabilité marquées sur son visage. Il ferma les yeux un instant avant de répondre, sa voix tremblante de résignation et de fardeau :
Mon père : Je n’ai pas trop le choix. Lucie et toi êtes tout pour moi.
Il embrassa ma mère avec une tendresse maladroite, avant de se lever brusquement, comme s’il espérait échapper à cette conversation. Ensemble, ils quittèrent la chambre, leurs pas lourds résonnant dans le silence oppressant, laissant une lourde atmosphère derrière eux, pleine de non-dits.
Sept ans plus tard .
Je me souviens de cette époque avec une précision étrange, comme si elle faisait encore partie de mon quotidien. À l’époque, j’étais une petite fille comblée, avec des sourires toujours prêts à surgir, un cœur insouciant. L’entreprise de mon père avait redémarré avec succès, et il avait pu rembourser la plupart de ses dettes. Il avait même ouvert un magasin de vêtements pour ma mère, afin qu’elle puisse avoir une activité propre à elle, à côté de son rôle à la maison.
Mes parents m’aimaient profondément, et pour une petite fille de mon âge, cela suffisait amplement à me rendre heureuse. Je me souviens de ces moments simples mais précieux, quand le week-end, mon père nous emmenait au parc. Là, il courait avec moi sous le soleil, riant avec ma mère qui, assise sur un banc, nous regardait avec un sourire tendre. Ces moments de bonheur étaient rares, mais lorsque nous les partagions, tout semblait soudain plus léger.
Même si parfois des menaces venaient troubler notre quotidien, je voyais mon père se battre pour nous, donner le meilleur de lui-même. Il ne m’expliquait jamais vraiment ses problèmes, mais je sentais, dans chaque geste, dans chaque regard, qu’il était prêt à tout pour nous protéger. Il se montrait toujours fort et rassurant, même lorsque je percevais, entre les lignes, l’épuisement qui pesait sur ses épaules.
Les vacances passaient rapidement, et pendant ces moments, ma mère et moi partions souvent chez ma tante, la grande sœur de ma mère. Cette dernière avait dû abandonner ses études après être tombée enceinte. Mes grands-parents, très stricts, lui avaient imposé de ne pas reprendre sa vie avant d’avoir terminé ses études. Après son accouchement, ma tante avait essayé de reprendre ses études, mais cela n’avait pas fonctionné. Elle s’était retrouvée dans une situation compliquée, avec un compagnon peu impliqué et des parents qui l’avaient mise à l’écart. Pour subvenir à ses besoins et à ceux de son enfant, elle avait travaillé dans un bar pendant plusieurs années. Elle vivait dans une toute petite chambre, étroite et spartiate, avec son bébé.
Lorsque ma mère s’était mariée avec mon père, elle avait acheté une petite maison à ma tante et lui envoyait une pension alimentaire pour l’aider. Mais malheureusement, peu avant ma naissance, son enfant était décédé, la laissant avec un vide difficile à combler. À mes un an, ma tante avait rencontré un homme avec qui elle s’était mariée. Cet homme possédait une entreprise stable et plutôt réputée, et ensemble, ils avaient acheté une villa. Ma tante m’avait alors invitée à venir passer du temps chez elle pour que je puisse tisser des liens avec sa fille, Éloïse, ma cousine.
Ainsi, chaque été, ma mère et moi partions chez ma tante. Toutefois, mes souvenirs de ces séjours sont teintés de mélancolie et de distance. Ma tante, bien qu’elle m’invitait sous prétexte de vouloir renforcer nos liens, n’était pas particulièrement aimable. Elle se montrait distante, voire froide, et je me sentais souvent comme une intruse dans sa maison. La manière dont elle me traitait était teintée de sarcasme et de reproches voilés, comme si ma présence était un fardeau pour elle. Ses sourires étaient rares, et lorsqu’elle m’adressait la parole, c’était souvent sur un ton sec, voire autoritaire.
Ma cousine, elle, était une petite fille gâtée, capricieuse, qui faisait des scènes dès que ses parents lui refusaient quelque chose. Elle avait tout ce qu’elle voulait, et c’était parfois un peu trop. Ma tante, cependant, ne faisait aucun effort pour corriger son comportement. Au contraire, elle lui permettait de se comporter ainsi, la laissant toujours échapper à ses responsabilités. C’était frustrant de la voir se comporter comme si tout lui était dû, tandis que moi, je n’avais jamais la place que je pensais mériter dans cette famille.
Mais il y avait tout de même des instants où ma tante et ma cousine, même inconsciemment, arrivaient à me faire sourire. Parfois, le soir, après le dîner, nous nous installions tous ensemble dans le salon. Même si je me sentais en décalage, il y avait des éclats de rire, des moments de légèreté où ma tante racontait des histoires de famille, et ma mère, hilare, nous rejoignait dans cette complicité. C’était rare, mais dans ces moments-là, tout semblait moins lourd.
Je voyais que ma tante faisait de son mieux pour s’occuper de sa fille, mais parfois je ressentais que ses efforts étaient tout sauf sincères. Je n’étais qu’un ajout dans cette famille, un élément qui semblait déranger plutôt qu’apporter de la chaleur. Même si j’essayais de m’adapter à cette situation, il était difficile de me sentir acceptée, de tisser des liens comme elle le souhaitait.
