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04

Le lendemain matin se leva paisiblement, baignant le paysage d'une douce lumière

dorée. Alors que le soleil s'apprêtait à se lever à l'horizon, grand-mère Abigail était déjà debout,

fraiche et alerte, bien avant le chant du coq. Sa silhouette menue se découpait dans l'obscurité

de sa cabane endormie. Les rayons pâles de l'aube caressaient délicatement la cuisine rustique

Où grand-mère Abigail s'activait. Elle avait allumé le feu et réchauffait avec soin les restes du

repas de la vielle dans le chaudron.

Pendant que la nourriture réchauffait, grand-mère Abigail se dirigea vers la cours arrière.

Ses petites filles, encore enveloppées dans leurs couvertures, profitaient des derniers instants

de sommeil. Les pas légers de grand-mère Abigail traversèrent le jardin où les premières

gouttes de rosée scintillaient les feuilles des plantes.

Les poules, fidèles compagnes de la cour, se promenaient déjà de ci, de là, picorant ici et là

les grains éparpillés. Grand-mère Abigail leur apporta des graines de maïs sec, répandant une

poignée devant elle avec un sourire attendri. Les petites créatures à plumes s'affairaient

joyeusement, leur cacophonie de caquètements remplissant l'air matinal. Pendant ce temps, son fidèle compagnon à quatre pattes, Pitou, se tenait à côtés. Le chien aboyait avec enthousiasme à chaque passant qui osait s'aventurer près de la maison.

Alors que grand-mère Abigail vaquait à ses occupations matinales, elle aperçut Soledad

émergeant doucement de son sommeil. Un sourire chaleureux se dessina sur son visage ridé

alors qu'elle se hâtait vers elle, portant deux tabourets en bambou qu'elle plaça soigneusement

à l'extérieur.

Elles s'installèrent sur le tabouret, une communion silencieuse s'établissant entre

elles.

- Tu as bien dormi, Sooo ? Demanda grand-mère Abigail d'une voix douce, tout en caressant les cheveux de Soledad.

- Oui, grand-mère. Répondit Soledad d'une voix timide.

- Je te sers à manger ma chérie?

- Non merci, grand-mère, ne te dérange pas. Quand j'aurais faim, j'irai me servir moi-

même.

- OK, mon trésor, acquiesça grand-mère Abigail.

Un court silence s'installa entre elles, empreint de compréhension mutuelle.

- Que s'est-il passé hier ? Demanda doucement grand-mère Abigail.

Le visage de Soledad, déjà empreint de tristesse, s'assombrit davantage. Elle semblait

vouloir enfouir les événements de la veille au plus profond de son etre. Grand-mère Abigail

posa sa main droite sur son épaule, lui assurant du regard qu'elle pouvait tout lui confier, en

toute confiance. Soledad éclata en sanglots, libérant le poids de ses émotions. Grand-mère

Abigail l'enveloppa de ses bras réconfortants, lui murmurant des paroles apaisantes. Elle savait

combien il était important pour Soledad de se sentir soutenue, aimée et en sécurité.

Les larmes coulaient librement sur les joues de Soledad, son visage marqué par la douleur et la détresse.

Après quelques instants, Soledad réussit à reprendre son souffle, ses sanglots se calmant

progressivement. Elle leva les yeux, avec une voix tremblante, elle commença à lui raconter les

événements douloureux de la veille.

Grand-mère Abigail se doutait bien de ce qui était arrivé Soledad. Cependant, la révélation

de celle-ci l'a touchée bien plus profondément que prévu, provoquant des larmes qui ont

échappé à son contrôle, lui rappelant de nombreux événements du passé. Elle se souvint que sa

première fille, avant maman Anny, avait perdu la vie à l'âge de quatre ans à la suite d'un viol.

ce qui avait entrainé son expulsion du foyer conjugal. Son époux l'avait accusée de sorcellerie

à la suite de rumeurs rependues par certains villageois malveillants. Lorsque ces actes ignobles

se perpétuèrent dans le village après son départ, son époux comprit que les rumeurs à son

encontre étaient fausses. Alors, il lui demanda simplement de revenir. Bien qu'elle soit

retournée chez ses parents, elle avait refusé de retourner auprès de son mari. Cependant, ses

parents l'avaient forcée à le faire, menacé de devoir rembourser la dot si elle s'opposait.

Finalement, elle avait cédé, convaincue par ses amis qu'aucun homme du village n'épouserait

une femme ayant déjà porté l'enfant d'un autre homme.

Grand-mère Abigail cessa brusquement de se raviver ces souvenirs douloureux, qui

menaçaient d'ébranler son cœur fragile. Elle se tourna alors vers Soledad, dont les larmes

coulaient toujours. Son visage était marqué par la douleur, ses yeux rougis et

enflés. De nouvelles larmes se formaient constamment, prêtes à s'échapper, tandis que son

souffle était irrégulier, entrecoupé de sanglots étouffés qui secouaient son corps.

« Ma cher petite-fille, je sais que ce soit un sujet difficile à aborder, car notre société en a fait

un tabou. Pourtant, le viol est une réalité, et de nombreuses femmes en sont victimes. Elles

préfèrent souvent garder le silence, de peur d'être rejetées par la société. Il est essentiel que tu

saches que ce qui t'est arrivé hier n'était en aucun cas ta faute, ok ? Et cela ne le sera jamais !

Il est important de parler de ce sujet pour briser le silence et encourager des discussions ouvertes. Nous devons mettre un terme à ce comportement odieux de certains hommes qui considèrent les femmes comme des objets, simplement parce qu'elles sont nées femmes ! Si un

jour tu parviens à identifier ces hommes, n'aie pas honte de les dénoncer. Je veux simplement

que tu sache que je suis là pour toi, ta mère aussi et tes sœurs. Si jamais tu te sens mal alaise et

que tu as besoin de parler, nous sérons toujours là pour toi. As-tu compris, mon petit cœur ? »

- Oui, grand-mère, répondit Soledad, qui commençait à se sentir un peu mieux après avoir

écouté les paroles réconfortantes de grand-mère Abigail.

Grand-mère Abigail entama alors des conversations animées et divertissantes avec

Soledad, qui retrouvait le sourire. Les mots s'échangeaient, les rires résonnaient, créant une

atmosphère de complicité entre elles.

Finalement, Soledad prit une grande inspiration et révéla à sa grand-mère qu'elle avait obtenu

son Baccalauréat. A cet instant précis, le visage de grand-mère Abigail s'illumina d'un grand

sourire radieux. Ses yeux pétillaient d'orgueil et d'émotion, tandis que son cœur se remplissait

de joie. Elle prit doucement les mains de Soledad dans les siennes. Les mots

semblaient lui manquer, submergée par un flot d'émotions intenses. Se levant soudainement,

elle jeta sa canne qui lui servait de soutien et essaya de faire quelques petits pas de danse tout

en chantant des louanges dans sa langue maternelle. Soledad, émerveillée, se leva rapidement pour l'empêcher de tomber. Les bruits extérieurs réveillèrent Soline, qui se précipita pour se joindre à la célébration.

Grand-mère Abigail, embrassant encore l'euphorie de la célébration intime, réunit Soledad

et Soline autour d'elle avec une expression sérieuse sur son visage. Elle leur demanda de garder

ce que s'était passé la nuit dernière entre elles trois, soulignant l'importance de prèserver ce secret dans l'intérêt de Soledad, ce qu'elles acquiescèrent.

Juste après, grand-mère Abigail demanda à Soledad de fermer la cabane, afin de se rendre

tous les trois chez eux pour célébrer sa réussite.

En arrivant dans la concession des Kamdem, elles trouvèrent papa Massayo, occupé à fendre

du bois avec une expression concentrée sur son visage, tandis que maman Anny s'affairait avec

énergie dans la cuisine. Jade et Margueritte étaient affairées à la lessive.

Grand-mère Abigail ne pouvait contenir sa joie plus longtemps. Alors qu'elles se préparaient

à annoncer la nouvelle, elle entama un chant, sa voix résonnant dans les rues du village. On

pouvait entendre ses paroles s'élever :

« Vous allez me respecter dans ce village ! Vous respecterez ma famille ! Vous respecterez ma petite fille ! La seule bachelière de Ndang!

Combien-étiez-vous à dire qu'une femme ne pouvait réussir cet examen ? Sortez ! »

Maman Anny aperçut sa mère et ses filles s'approcher en célébrant. Intriguée et curieuse

de connaître la raison de cette joie contagieuse, elle se retourna vers elles avec un sourire

interrogateur. Lorsque la nouvelle fut partagée, maman Anny laissa échapper un cri de joie. Son

visage s'illumina d'une fierté maternelle. Elle abandonna les casseroles et les poêles, laissant

momentanément ses tâches culinaires pour se joindre à la célébration. Papa Massayo posa sa

hache, essuyant la sueur de son front et esquissa un sourire. Ses deux autres épouses, Jade et

Margueritte, qui avaient également entendu ces cris joyeux, continuèrent vaillamment leurs

tâches sans pour autant bouger.

Les paroles de grand-mère Abigail se propagèrent à travers les maisons voisines, attirant

l'attention des villageois qui sortirent pour voir ce qui se passait.

Papa Massayo, heureux, et encore plus heureux en sachant que la dot de sa fille avait

considérablement augmenté, saisit son téléphone et appela Monthé, le vignerons le plus réputé

du village. Avec enthousiasme, il commanda cinq bidons de vin de palme pour cette occasion

spéciale.

La nouvelle de la réussite de Soledad se répandit rapidement dans tout le village. La

concession des Kamdem se remplit de plus en plus. L'ambiance était au rendez-vous, avec

chacun saluant Soledad avant de rejoindre la fête. La musique animée s'éleva, les pas de dance

commencèrent à rythmer la cour.

La nuit tomba, mais l’éclat de fête illuminait la concession. Ils célébrèrent toute la nuit et

les filles avaient complètement oublié la douleur de la nuit précédente.

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