Chapitre 4
Exaucée, calmement, murmura à son correspondant : « Je te rappelle ».
Elle raccrocha l’appel lorsqu’une voix lui demanda : « Qui était-ce ? ».
– C’est Jo, maman !
– Oh, encore ce Josaphat ! Qu’est-ce que ce jeune homme t’a fait manger, bon sang ?
– Maman, je peux jurer que ce jeune homme ne m’a rien fait pour que je l’aime jusqu’à ce point. Je l’aime et crois-moi, je n’arrêterai jamais de l’aimer, maman.
La mère, sans mot, retourna à la porte.
***
Deux jours plus tard.
Clarisse, assise au salon, suivait la télévision. Elle était concentrée sur sa série préférée quand son téléphone portable s’est mis aussitôt à sonner. Les paroles que se disaient les protagonistes du film l’avaient tellement absorbée qu’elle n’entendait pas le téléphone vibrer ni sonner. Le téléphone, après avoir longuement sonné, s’est éteint. De nouveau, il a commencé par sonner. C’est cette fois-ci que la luminosité de l’écran de l’appareil a attiré son attention. Elle saisit le téléphone et le décrocha.
– Allô, maman ?
– Oui, ma chérie, comment vas-tu ?
– Je vais très bien, maman, merci, et vous ?
– Je vais bien ! Alors, as-tu réussi à trouver le numéro de Josaphat ?
– Non, maman ! Ces derniers jours, je ne l’ai pas vu sur le campus.
– Oh, je vois ! Espérons que tu le voies demain.
– C’est aussi ma prière.
– Ok, porte-toi bien et bien de choses à la famille !
– Je n’y manquerai pas, maman.
Clarisse raccrocha l’appel et de nouveau, se concentra sur l’écran téléviseur.
***
Pendant ce moment, Exaucée était à la cuisine, en train de faire le repas du soir. Elle faisait des navettes. S’arrêtant devant le lavabo, elle lavait des oignons quand une silhouette est apparue.
– Bon travail, ma chérie !
– Merci, a-t-elle répondu sèchement.
La nouvelle venue, s’approchant de plus près d’elle, s’arrêta dans son dos et poussa une quinte de toux.
– Exaucée, est-ce que ça va ?
– Bien sûr que ça va ! répondit la questionnée tout en continuant ses travaux.
– Alors, pourquoi depuis quelques jours, je te sens presque réticente ?
– Rien !
La mère, croisant les bras, s’adossa contre le mur.
– Tu es vraiment sûre que tu n’es pas réticente ces derniers jours ?
– Je n’ai pas fait le constat, maman !
– Oh, je vois ! Dans ce cas, je suppose que c’est moi qui me trompe. Alors dis-moi, continues-tu de voir Josaphat ?
– Oui, maman ! Et pourquoi cette question ?
– Rien !
Maman Exaucée se retira du mur et s’approcha de plus près de la cuisinière.
– Écoute, Exaucée, tu es ma fille et enfant unique ! Je peux te jurer que ton destin n’est pas avec ce jeune homme…
– Maman, s’il te plaît, je veux être seule.
– Je ne peux pas te laisser seule. Exaucée, ton avenir avec ce jeune homme présage un grand malheur. Je suis née avec le don d’oracle. Quand quelque chose sera meilleur dans l’avenir, Dieu me l’annonce depuis le présent. Voilà pourquoi je te propose de rester loin avec ce jeune homme. Ou si tu veux, je peux te dire tout sur lui.
Exaucée se tourna et croisa le visage de sa mère. À travers son regard, la mère devina ce qui était sur son cœur et lui répondit aussitôt : « Ne sois pas étonnée ni surprise ».
– Ce jeune homme te fera souffrir et tu regretteras de t’être mise ensemble avec lui. Voilà pourquoi je voudrais que tu le quittes à temps avant le pire moment.
La mère prit une pause et attrapant la tête de sa fille par les cheveux, lui murmura :
– J’ai un homme à te proposer ! C’est l’enfant d’un ministre. Je te jure qu’avec lui, tu seras éternellement heureuse.
Doucement, elle retira la main de sa mère de ses cheveux.
– Je suis désolée maman ! Je préfère vivre le pire avec Josaphat que d’accepter l’homme que tu me proposes.
Sur ce, la jeune fille quitta la cuisine, abandonnant tout.
La mère, la regardant s’éloigner, laissa couler une larme avant de se diriger vers la sortie.
***
La cour du campus était diablement remplie de monde. La devanture du portail était aussi pleine de monde. Tantôt on voyait les étudiants entrer ; tantôt on voyait d’autres sortir.
Ginette, confortablement assise dans sa voiture avec ses grosses lunettes calées sur le nez, s’impatientait de la sortie de sa fille. Elle était là, à observer tous ceux qui sortaient du campus quand soudain, elle a vu sa fille sortir avec un jeune homme au teint clair. À leur suite, marchait Clarisse. Ils s’étaient tous alignés horizontalement. Exaucée était au milieu. Sa camarade était à sa gauche et le jeune homme à sa droite.
À travers la vitre, Ginette voyait sa fille en train de parler tout en marchant avec ses accompagnateurs. Elle fixa plus son regard sur le jeune homme que sur quiconque d’autre.
Lorsque les trois s’éloignèrent, elle enleva sa ceinture de sécurité et ouvrit la portière.
Lentement, elle se mit à la suite de sa fille et ses compagnons.
Calmement, elle les suivit jusqu’au moment où ils bifurquèrent dans une von et pénétrèrent dans la cour d’une maison. Au lieu de pénétrer elle aussi dans la cour de cette maison, elle s’est retenue. Juste à quelques mètres du portail de la maison, se trouvait un hangar sous lequel une dame vendait.
La géante femme au teint métis se dirigea vers le hangar et tout sourire, salua la vendeuse.
– Bonne arrivée, madame ! Que puis-je faire pour vous ?
– Oh, que vendez-vous ?
– Du riz gras.
– Ah, d’accord !
Ginette alla s’asseoir sous le hangar.
– Vendez-moi de votre riz. Je ne veux pas une grande quantité, juste cent francs. Avez-vous du poisson ?
– Oui.
– Servez-moi le riz et ajoutez-y un poisson.
La vendeuse servait le plat quand tout à coup, Exaucée a traîné sa moto de la cour de la maison. À sa suite, le même jeune homme et Clarisse.
Exaucée s’assit sur le siège côté conducteur et parlant avec les deux, elle riait aux éclats. À travers ses manières, on voyait combien elle était enthousiaste. Le jeune homme, lui aussi, venait de dire quelque chose qui a arraché un rire sonore aux deux jeunes filles.
Ginette, depuis son coin, voyait le jeune homme parler à Exaucée et lui toucher l’épaule.
Les trois parlaient et riaient à gorge déployée. Sur ce portail, ils ont passé plus de dix minutes à parler et à rire à gogo.
Ginette, vidant son plat, observait, avait son regard sur sa fille et ses deux amis.
Enfin, Exaucée a démarré la moto. Clarisse, sans attendre une seconde, est montée sur le siège arrière. Le jeune homme, pour souhaiter ses adieux aux deux jeunes filles, leur a serré la main, chacune.
– S’il vous plaît madame, a appelé maman Exaucée, n’est-ce pas le jeune homme qu’on appelle Josaphat qui est en train de serrer la main aux jeunes filles là-bas ?
La vendeuse du riz, ayant regardé dans l’adresse où son interlocutrice doigtait, acquiesça de la tête.
– Oui, c’est Jo ! Vous le connaissez ?
– Oui, il fut mon élève.
– Ah, je vois ! Sinon, c’est là qu’il habite avec sa famille.
– Avec sa famille ?
– Oui !
– Mais c’est bien ! J’aimais trop ce jeune élève parce qu’il faisait partie de mes plus brillants élèves.
– Oui, en matière de travail, il est super bon. En matière d’éducation aussi, n’en parlons pas. C’est un jeune homme qui respecte bien.
– C’est vrai ! J’irai lui faire un coucou avant de rentrer chez moi.
– Ah, il sera très content de vous recevoir chez lui, encore que vous fûtes son enseignante.
– Vraiment !
Ginette, sans terminer son riz, paya l’addition et se leva.
– Merci madame et à très bientôt ! a-t-elle dit à la vendeuse en se dirigeant vers le portail de la maison de laquelle venaient de sortir sa fille et son amie.
À peine s’approchait-elle du portail quand tout à coup, un jeune homme sortait de la cour. C’était le même jeune homme que la grande dame voyait depuis quelques minutes en compagnie de sa fille.
– Bonjour monsieur, a-t-elle dit lorsqu’elle s’est approchée de ce dernier.
– Oui, bonjour maman Exaucée, comment allez-vous ?
– Je vais bien, merci ! Comment avez-vous su que je suis la mère d’Exaucée ?
Le jeune homme, tout sourire, répondit : « Je n’ai pas besoin qu’on me dise que vous êtes sa mère avant que je n’en devine ».
– Mais comment ?
– Parce que, à travers votre regard, on lit sans se tromper, toutes les caractéristiques du visage de votre fille. En trois mots, vous vous ressemblez.
– Merci ! Alors, c’est vous, Josaphat ?
– Oui, c’est moi, Josaphat !
– Je vois ! C’est donc vous le jeune homme de qui me parle ma fille ?
– Oui, c’est moi Josaphat.
– D’accord ! J’ai des choses à vous dire, mais pas maintenant. Puis-je avoir votre numéro de téléphone ?
– Avec plaisir, maman !
– Merci !
Ginette déverrouilla son téléphone et le tendit à son interlocuteur. Celui-ci le saisit et y composa son numéro de contact.
– Tenez, c’est bon ! dit-il en rendant le téléphone.
– Merci, nous gardons le contact.
Ginette se retourna sur la pointe de ses pieds, direction campus, là où elle avait abandonné sa voiture.
***
Le soleil, après avoir longuement brillé dans le ciel, avait pris une direction, celle menant à son coucher. Ses rayons n’étaient plus brûlants.
Exaucée, assise dans le jardin vert, manipulait son ordinateur portable quand son téléphone s’est mis à sonner. Abandonnant le clavier de l’ordinateur, elle saisit l’appareil téléphonique et décrocha l’appel.
– Oui, bonsoir !
– Où es-tu actuellement ? demanda son interlocuteur.
– Je suis à la maison, en train de faire des exercices sur mon ordinateur.
– Oh, je vois ! J’espère que ta mère ne t’a rien dit !
– Ma mère ? Au sujet de quoi ?
– À mon sujet quand elle m’a quitté bien sûr !
– Ma mère ?
– Oui, ta maman !
– Comment ? Tu te trompes ou quoi, Jo ?
– Je ne me trompe pas ! Ta maman est venue à la maison aujourd’hui ! Elle venait quand je l’ai croisée sur le portail.
– Attends, Jo ! Tu parles de ma mère ?
– Bien sûr ! N’est-ce pas une femme au teint clair comme toi ?
– Bien sûr !
– D’une taille élancée avec des mèches sur la tête.
– Mais c’est elle !
– Elle est venue aujourd’hui ! Je l’ai reconnue par vos looks qui se ressemblent. Ou ne la ressembles-tu pas ?
– Bien sûr, on se ressemble ! Qui lui a indiqué ta maison ?
– Je n’en ai aucune idée ! Vous étiez parties à peine quand elle est venue.
– C’est incroyable ! Je suis sûre que c’est Clarisse qui lui aurait donné des indications menant chez toi. Cette fille va me sentir.
Exaucée raccrocha l’appel d’un coup et immédiatement, composa un nouveau numéro. S’impatientant au bout du fil, une voix finit par l’accueillir.
– Clarisse, appelle-t-elle, depuis quand tu es devenue si mauvaise ?
– De quoi parles-tu…
– Tu me la fermes ! Pourquoi as-tu indiqué la maison de Jo à ma mère sans mon consentement ?
– Moi, indiquer la maison de Jo à ta mère ? Tu te trompes ou bien tu…
– Tu me la fermes ! À partir d’aujourd’hui, reste dans ton camp et n’ose plus m’approcher.
Très furieuse, Exaucée raccrocha l’appel.
Ginette, assise au salon, fouillait le tiroir de sa tablette quand son téléphone portable s’est mis à sonner. Abandonnant tout, elle décrocha l’appel.
– Allô maman ?
– Oui, ma chérie, comment vas-tu ?
– Ça ne va pas ! Étiez-vous allée chez Jo aujourd’hui ?
– Pourquoi cette question ?
– Je vous ai posé une question, maman ; répondez-moi.
– Clarisse, est-ce ta liberté qui te permet de me gronder dessus ?
– Maman, vous m’avez déçue ! Pourquoi êtes-vous allée chez le jeune homme sans le consentement de votre fille ?
– Je n’ai pas besoin de faire recours au consentement de ma fille pour faire quoi que ce soit…
– Alors là, vous avez tort ! Et une chose : faites de votre nécessaire pour dire à votre fille que je ne suis pas cette personne qui vous a indiqué la maison de Josaphat, je vous en prie.
Ginette était encore au téléphone lorsque tout à coup, sa fille pénétra dans la chambre, une grande mine sur le visage.
