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L'ombre du passé

_Partie 7_

Je regarde l’horloge du salon et vois qu’il est déjà 20 heures 15. J’ai pris du retard aujourd’hui à cause du courant qui n’arrêtait pas de faire des va et vient à tout moment.

Mais j’ai pu finir, c’est l’essentiel.

Je finis de mettre la nourriture dans les bols en plastique que je referme puis je mets dans le panier.

Je sors de la maison et je la referme avant d’aller déposer les clés chez les voisins. Enfin je me suis mise en route.

Les rues étaient plus bondées que la journée. Faut dire aussi que dans ce quartier, les gens sont comme des chauves-souris. Ce n’est que la nuit qu’ils semblent prendre vie.

Et la majorité, c’est juste pour aller traîner dans les boîtes, les bars et autres. Souvent je me dis que ces gens doivent être envoûtés.

Ils n’ont aucun but dans la vie, se contentent de la misère dans laquelle baigne leur existence. Ceux qui font partie de la vie active, ont comme métier : braqueur, assassin, voleur, etc…

Les filles ce n’est pas beaucoup mieux. Quand elles ne s’offrent pas aux vieux soûlards qui grouillent dans les bars tard la nuit parce qu’ils fuient leur foyer et ne leur donnent qu’à peine 500 FC (à peine 50 FC de plus que le prix du taxi à Kinshasa) ; elles vont faire le trottoir sur le Boulevard du trente juin, où elles ont plus de chance de rencontrer des gens de rang social un peu plus elevé . Mais malgré cela, elles sont toujours là et n’avancent en aucune façon dans leur vie. Tchiup !

Quinze minutes plus tard, j’arrive enfin à destination. J’ouvre le portail et salue les différentes personnes que je vois à mon passage.

- Eh, Ya Aïda, tu es là?

Je me tourne vers Lydia qui vient vers moi. On se fait une accolade et elle me débarrasse du panier que j’ai entre les mains.

Elle m’accompagne jusque sous la véranda et va chez elle prendre deux chaises qu’elle emmène pour que nous nous asseyions.

- Elle : Hum ! Ya Aïda, tu deviens de plus en plus belle hein.

- Moi : Krkrkr tu veux dire énorme.

- Elle : Mais non, ça te va même toutes les rondeurs que bébé Lydie te donne là.

- Moi : lol Je t’ai déjà dit que c’est pas la peine de rêver, je ne donnerai pas à mon enfant un vilain prénom comme ça.

- Elle : Ah ! Ya Aïda, c’est quel mauvais cœur comme ça ?

- Moi : Pardon ma petite, il y a déjà une Lydia, donc c’est amplement suffisant comme ça

- Elle : Non Ya Aïda, ça c’est seulement le mauvais cœur

- Bonsoir

Mon sourire s’est immédiatement figé sur mon visage pendant que mon regard croisait le sien. Le temps fut comme suspendu et mon souffle se fit court.

Il franchit les quelques pas qui nous séparaient et arriva à notre niveau.

- Lui : Vous allez bien ?

- Nous : Oui oui

- Lui : Ok

Il se dirigea vers la porte qu’il entreprit d’ouvrir à l’aide de sa clé. Il l’ouvrit les secondes qui suivirent et entra à l’intérieur.

- Lydia : Bon, Ya Aïda moi je rentre.

- Moi : Ok ma chérie, on se voit plus tard.

Elle m’aide à me lever puis fait entrer le panier à l’intérieur. Je la suis dans la cuisine et sors les assiettes que je vais déposer sur la petite table en bois du salon.

Lydia ressort et s’en va pendant que je pose les bols sur la table où j’avais auparavant déposé les assiettes en porcelaine.

Je retourne dans la cuisine prendre la bouteille d’eau que j’ai oublié dans le panier et un verre avant de rentrer au salon.

Après avoir tout bien installé, je branche la télé et me mets à zapper calmement les chaînes de télé. Je zappe assez longtemps avant de m’arrêter sur une chaîne où on passe le film «Pretty woman ».

J’aime beaucoup ce film. Il est romantique et montre parfaitement que nos différences ne sont pas toujours un obstacle quand les sentiments sont là et qu’ils sont vrais.

J’étais tellement concentrée sur la télévision que je n’ai pas tout de suite remarqué que Caleb était à côté de moi.

- Lui : Wow, tu es tellement dans ton film que tu ne daignes même pas m’accorder d’attention.

- Moi : Oh ! Excuses-moi, c’est juste que j’aime tellement ce film

- Lui : Ah ! Oui ? Qu’a-t-il de spécial ?

- Moi : Rien mais ça me fait juste rêver. Un peu comme l’histoire de Cendrillon. Comme quoi tout le monde mérite un peu de bonheur dans sa vie et je me dis qu’un jour peut-être moi aussi je pourrais goûter à un peu de bonheur, même si c’est juste pour quelques secondes

- Lui : Tu l’auras, je te le promets et pas juste un bonheur de quelques secondes.

On est resté silencieux à se regarder longtemps. La voix avec laquelle il a dit ces choses avait provoqué un trouble en moi. Et la façon qu’il avait de me regarder là tout de suite ne faisait qu’accélérer les battements de mon cœur.

- Caleb se raclant la gorge: Hum hum

Je me levai pour l’aider à se laver les mains dans la bassine que j’avais posée par terre à côté de lui mais il m’arrêta.

- Lui : Non, non laisses!

Je me suis donc rassise sur le fauteuil et j’ai continué de regarder mon film pendant que lui a entamé la bouffe.

Trente minutes plus tard, il avait fini. J’ai voulu débarrasser mais là encore, il a refusé.

Il a débarrassé lui-même la table et essuyé aussi. J’ai entendu l’eau couler dans la cuisine et ça m’a intrigué. Alors je me suis levée et je me suis rendue à la cuisine où j’ai trouvé Caleb en train de faire la vaisselle.

N’ayant pas toujours de cuisine moderne dans nos pauvres demeures des bas fonds, certaines maisons ne disposent pas de robinet dans la maison ou carrément pas de cuisine du tout comme la mienne, mais juste une pièce où l’on rangeait les assiettes, casseroles ustensiles de cuisine et autres babioles incombant à la cuisine.

Et dans le cas de Caleb, c’était une cuisine sans robinet. Donc il faisait la vaisselle dans une bassine remplie d’eau posée à même le sol.

- Moi, avançant vers lui : Mais que fais-tu ? Laisses je vais le faire!

- Lui : Non

Je le regarde sans rien dire. Son ton est sans appel et je n’ai pas d’autre choix que de retourner m’asseoir calmement au salon devant la télé.

Il vient me rejoindre sur le fauteuil et prend la télécommande que j’avais posé sur la petite table du salon pour diminuer le volume de la télé. On entendait encore les voix provenant du petit écran mais c’était suffisamment bas pour avoir une discussion car j’avais l’impression que c’est ce qu’il voulait, qu’on discute.

Apparemment j’avais raison parce qu’il me dit :

- Il faut qu’on parle Aïda

L’heure semblait grave vu son expression faciale.

- Moi : Je t’écoute, quelque chose ne va pas ?

- Lui : Il y a quelques mois je t’ai demandé pourquoi chaque soir tu m’apportais à manger et tu m’as répondu quoi ?

- Moi : Que c’était pour te remercier de ce que tu avais fait pour moi

- Lui : Mais ça va faire 6 mois que tu me remercies.

- Moi : Et alors ?

- Lui : Et alors ? Et alors ce n’est pas bien dans ton état de faire autant d’efforts

- Moi : Mais ça ne me dérange pas.

- Lui : Il n’est pas question de ça mais plutôt question des répercussions que cela pourrait avoir sur l’état du bébé.

- Moi : Ok, je m’en vais dans ce cas.

Je fais mine de me lever mais il me retient.

- Lui : Ne te fâches pas!

- Moi : Que je ne me fâche pas pourquoi ? Tous les jours je me décarcasse pour te contenter mais même un sourire, je n’y ai pas droit. Et ce soir tu as été plus que clair donc…

- Lui, me coupant : Donc rien du tout. Ida…

Mon cœur bondit quand je l’entendis m’appeler comme ça. Tout le monde m’appelait Aïda, mais pas lui. Je ne sais d’où l’idée lui était venue de me raccourcir ainsi mon prénom, mais je sais qu’en dehors de lui je ne voulais que personne d’autre ne m’appelle comme ça.

Et ça me faisait toujours quelque chose quand je l’entendais le dire.

- Lui :… Ne crois pas que je ne suis pas content, au contraire ça me fait toujours plaisir de te voir tous les jours et j’adore ta nourriture mais tu vas accoucher d’un jour à l’autre et tout le travail que tu fais pour me « remercier » pourrait être fatal au bébé.

- Moi : Tchiup!

Je retire brutalement mon bras de sa main et je me lève. Je me dirige vers la cuisine et il veut me suivre mais quelqu’un frappe à la porte au même instant. Je ne m’en préoccupe pas et poursuis par contre ma route vers la cuisine où une fois arrivée j’entreprends de ranger les bols dans le panier que j’avais apporté.

Avec toute ma rage, j’attrape mon panier et je sors de la cuisine. Mais quand j’arrive au salon, je stoppe net. J’ai tout bonnement du mal à croire à ce que je vois tout de suite.

Sandra est bien assise dans le fauteuil où Caleb et moi étions assis un peu plus tôt. Elle porte une mini robe blanche singlet avec des sandales plates au pied. Les cheveux tirés en queue de cheval et un léger maquillage qui ne faisait que rajouter à la beauté qu’elle était.

Je vis Caleb sortir de la chambre au même moment et me regarder étonné.

- Lui : Où vas-tu ?

C’est à ce moment que Sandra se tourne vers moi. Apparemment elle n’avait semble-t-il pas remarqué ma présence depuis que j’étais là. Sa mine se décomposa et elle me regardait l’air de demander : «qu’est-ce-que tu fous là ? ».

Je ne lui ai plus accordé la moindre attention et me suis plutôt tournée vers Caleb qui attendait toujours que je lui réponde.

- Moi : Effectivement je m’en vais, mais ce n’est pas bien grave à ce que je vois.

- Lui : Mais qu’est-ce-que tu racontes ? En plus il est tard et je ne peux pas te laisser sortir seule à cette heure.

- Moi : écoutes Caleb, je ne veux pas m’énerver davantage, donc tu me laisses passer!

Caleb me regarda déconcerté quelques minutes avant de me demander de l’attendre pour qu’il me raccompagne. J’ai voulu bouder mais il m’a bien signifié que je n’avais pas à discuter avec lui.

Il est donc sorti acheter du crédit et m’a demandé de l’attendre. Il est sorti pour nous laisser seules Sandra et moi dans son petit salon.

J’étais toujours arrêtée là, debout avec mon panier entre les mains. Puis j’ai senti un petit malaise, alors je me suis adossé contre le mur.

- Et dire que c’est moi qu’on traite de pute dans ce quartier là.

J’ai ouvert les yeux que j’avais fermé quand j’ai senti le malaise et je me suis tournée vers l’autre chose là.

Elle me regardait de façon hautaine et me détaillait de la tête au pied avec mépris.

- Moi : Il n’y a pas de fumée sans feu ma chère.

- Elle : C’est qui ta chère sale souillon là? Tu penses que nous sommes de la même catégorie toi et moi ?

- Moi :…

- Elle : Une pauvre fille comme toi. Ça fait à peine 6 mois que Samba est en prison et toi tu viens déjà écarter tes jambes malgré le gros bidon que tu ballades de maison en maison. Pauvre fille, te faire sauter c’est tout ce que tu sais faire non.

- Moi : On devrait créer une association alors.

- Elle : Tchrr Tu me prends pour ta camarade pour qu’on crée association ensemble ? Une misérable comme toi, obligée de courir derrière les hommes pour pouvoir t’offrir le gîte et le couvert. Si ça a marché avec Samba là, je te dis déjà que c’est pas la peine d’espérer faire ton numéro de petite orpheline victime de guerre là à Caleb, abandonnes déjà ton idée parce que je suis déjà sur le dossier là, donc vas déjà chercher un père à ton bâtard d'enfant là loin de nous, c’est compris ? Tchiup !

Eh ! Seigneur. J’ai rêvé ou l’autre chose vient de m’insulter et d’insulter mon enfant aussi ? Eh !

J’ai déposé mon panier par terre et j’ai fouillé à l’intérieur. J’ai sorti la grosse louche en bois que j’avais dedans et je me suis redressée. L’autre idiote regardait ailleurs tellement j’étais un cafard pour elle. Ça m’arrangeait même.

J’ai avancé vers elle et je lui ai assené le premier coup sur son vilain dos là. La go se lève en sursaut et se gratte le dos en sautillant comme si elle avait des milliers de fourmis dans le dos.

- Moi : De quel droit oses-tu traiter mon enfant de bâtard ? Je préfère avoir un bâtard que battre le record d’avortement du quartier que tu détiens.

La go continue seulement de sautiller en s’attrapant le dos et moi je donne un nouveau coup mais cette fois sur ses fesses.

- Mais, que se passe-t-il donc ici ? Demanda Caleb qui venait de rentrer.

Je ne sais ce qui s’est passé mais au même instant, Sandra a commencé à se rouler par terre comme si un démon la possédait. Elle s’est mise à pleurer dans sa langue maternelle et je n’y comprenais strictement rien. Tchiup !

Caleb s’est dirigé vers elle et l’a aidée à se redresser. Elle s’est agrippée à lui comme un singe à une branche d’arbre.

- Elle : Sniff mama eeh qu’est-ce-que j’ai fait à cette fille ?

- Caleb : Calmes toi Sandra!

- Elle : Me calmer ? A cause de toi on me frappe ici. Sniff elle dit que tu es son gars et que je ne dois plus t’approcher même pour te dire bonjour … sniff... Je lui ai dit qu’on entretenait simplement des rapports de bon voisinage mais elle a commencé à m’insulter que je suis une pute et que tu vas juste me baiser après me laisser sniff sniff mama eehh mama na ngaiii eeehhh

Dans d’autres circonstances j’aurais ri mais là, j’étais juste wow… Abasourdie par le numéro digne de broadway que Sandra nous offrait.

Si je n’avais pas assisté à toute la scène qu’elle venait de maquiller à sa sauce, je l’aurais moi-même cru. D’ailleurs c’était le cas de Caleb quil me regardait horrifié puisqu’il me demanda :

- C’est vrai Aïda ?

J’avais juste la bouche ouverte. Il osait vraiment me demander ça ?

- Sandra : C’est vrai ooh Caleb sniff c’est vrai

Ma consternation était à son comble. Il croyait vraiment à ce que la chose là disait ? O-kay.

Je suis allée vers mon panier que j’ai pris et je suis sortie du salon très en colère. Mais je n’ai même pas pu faire cinq pas que j’ai senti qu’on agrippait mon bras.

- Moi : Pardon Caleb, lâches moi et retournes auprès de ta… ta… ta je sais pas quoi là.

- Lui : Calmes toi d’abord et expliques moi ce qui s’est passé.

- Moi : T’expliquer quoi ? Ta femme t’a déjà tout dit non.

- Lui : De un ce n’est pas ma femme, de deux pourquoi l’as-tu frappé ? En plus dans ton état comment peux-tu te permettre des bagarres ?

- Moi : Je m’en fous de la nature de vos relations Caleb, et puis je ne me suis pas battue mais je l’ai frappée et puis si c’était à refaire je le refer… ais.

J’ai tenu mon ventre et j’ai commencé à m’affaisser petit à petit jusqu’à m’asseoir sur le sol.

- Caleb : Ida ? ça va ?

Il s’est précipité vers moi et m’a pris dans ses bras mais il s’est arrêté et s’est mis à regarder son pied.

- Lui : Seigneur, tu as perdu les eaux ?

J’ai juste acquiescé d’un hochement de tête.

- Lui : Mon Dieu, paniques pas, je vais t’emmener à l’hôpital

Je respirai fortement et je ne cessais de prier pour mon bébé.

« Seigneur, faites que tout aille bien »

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