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Chapitre 003

Lina ne sut jamais combien de temps elle resta figée contre l’arbre, la respiration saccadée.

Ezekiel ne bougeait pas. Il la fixait, comme s’il attendait qu’elle cesse de lutter, qu’elle comprenne qu’il avait déjà gagné.

Puis il recula d’un pas, lentement.

— Viens.

Elle secoua la tête.

— Jamais.

Son regard s’assombrit.

— Si tu refuses de marcher à mes côtés, tu me forcera à employer d’autres moyens.

Elle sentit sa gorge se serrer.

— Vous allez quoi ? Me séquestrer ?

Il haussa légèrement les épaules.

— Si c’est nécessaire.

Son calme glaça Lina plus sûrement qu’aucune menace criée. Elle comprit qu’il ne plaisantait pas. Il n’avait pas besoin de hurler, ni de lever la main. Il avait le pouvoir. Et il savait qu’elle n’avait personne à qui se raccrocher.

Elle se força à respirer.

— Qu’est-ce que vous attendez de moi ? répéta-t-elle d’une voix rauque.

— Que tu me donnes une chance de te prouver que tu n’as rien à craindre.

— Vous… avez détruit ma vie. Vous m’avez isolée, vous avez fait tabasser un innocent… Comment osez-vous prétendre que je n’ai rien à craindre ?

Pour la première fois, elle crut voir une ombre d’hésitation traverser son regard.

— Tu ne peux pas comprendre maintenant. Mais un jour, tu sauras que c’était nécessaire.

— Nécessaire ? Vous êtes malade.

— Peut-être, souffla-t-il. Mais c’est la seule façon pour moi de garder intacte la seule chose que j’ai jamais aimée.

Elle se mordit la lèvre jusqu’au sang.

— Vous ne me connaissez pas. Vous ne savez rien de moi !

Son expression se fit plus grave.

— Je sais tout.

Il plongea la main dans la poche intérieure de son manteau et en sortit un dossier épais. Il le tendit vers elle.

— Tes bulletins scolaires, tes certificats médicaux, les lettres que tu as écrites à ta mère, les factures de ton appartement. Je sais ce que tu aimes manger, ce que tu lis, ce que tu rêves de devenir.

Elle n’osa pas prendre le dossier.

— Vous… vous avez enquêté sur moi ?

— Pas enquêté. Veillé.

Elle se sentit nauséeuse.

— Vous… m’espionnez depuis combien de temps ?

— Depuis le jour où tu es venue passer ton entretien d’embauche, il y a cinq ans.

Elle recula d’un pas.

— Vous êtes fou.

Il referma lentement le dossier, comme si tout cela n’était qu’une formalité.

— Peut-être. Mais c’est la vérité.

Elle sentit un vertige la prendre. Tout vacilla. Elle crut qu’elle allait s’évanouir.

Il tendit une main vers elle.

— Je ne veux pas te faire de mal, Lina. Mais je ne peux pas te laisser partir. Pas maintenant.

Elle le regarda comme on regarde un prédateur.

— Vous n’avez pas le droit.

Un léger sourire étira ses lèvres.

— Le droit est une illusion. Le pouvoir est la seule réalité.

Elle secoua la tête, les larmes brouillant sa vue.

— Qu’est-ce que vous allez faire ?

— Rien… si tu acceptes de venir avec moi.

— Et si je refuse ?

Son regard devint dur comme la pierre.

— Alors je prendrai ce que tu refuses de m’offrir. Ta liberté.

Elle comprit qu’il ne bluffait pas.

Il sortit un téléphone de sa poche, composa un numéro sous ses yeux.

— Une voiture va venir. Tu as dix minutes pour décider.

— Décider quoi ?

— Si tu montes de ton plein gré. Ou si je dois t’y contraindre.

Le combiné toujours collé à son oreille, il la fixait avec une intensité qui la vidait de toute force.

— Lina. Tu es à moi. Il est temps de l’accepter.

Elle recula, cherchant une issue, un témoin, une main tendue. Mais le parc était désert.

Elle sut qu’elle n’avait nulle part où fuir.

Et qu’à partir de ce moment, sa vie ne lui appartenait plus.

Le téléphone toujours collé à son oreille, Ezekiel ne la quittait pas du regard.

Elle voyait dans ses yeux la certitude glaciale de celui qui n’a jamais entendu le mot non.

Elle recula encore, mais son dos heurta de nouveau l’arbre derrière elle.

Il referma le combiné avec un calme méthodique.

— La voiture arrive.

— Non, souffla-t-elle. Non, je ne vous suivrai pas.

— Tu crois que tu as le choix ?

Elle se pencha pour ramasser son sac, prête à courir. Ses doigts tremblaient trop pour réussir à l’attraper correctement.

Il fit un pas vers elle. Pas de précipitation, pas de violence. Juste cette autorité muette qu’il portait comme une seconde peau.

— Je t’en prie, Lina. Ne rends pas ça plus difficile que nécessaire.

— Si vous m’approchez encore… Je hurle.

Son regard se durcit, et pendant une fraction de seconde, elle vit la part la plus sombre de cet homme : celle qui n’avait aucun scrupule, aucun frein moral.

— Personne ne viendra, dit-il d’une voix basse. J’ai fait en sorte qu’on ne nous interrompe pas.

Elle sentit la panique monter. Son cœur cognait contre sa poitrine si fort qu’elle eut peur qu’il cède.

Elle jeta un coup d’œil à l’allée. Tout était vide. Le couple avec le chien avait disparu. Les joggeurs aussi.

Elle comprit qu’il avait prévu ce moment depuis longtemps. Qu’il avait orchestré chaque détail.

Elle serra le poing.

— Vous… vous êtes un monstre.

— Non. Je suis seulement un homme qui sait ce qu’il veut.

Le grondement d’un moteur se fit entendre au bout de l’allée. Une berline noire approchait, phares allumés malgré la lumière blafarde du matin.

Elle sut qu’il ne bluffait pas.

— Monte avec moi, Lina. Sans cris. Sans heurts. Il n’y a aucune raison que cela dégénère.

Elle chercha une échappatoire. Si elle courait, si elle hurlait, peut-être…

Il lut sa pensée avant qu’elle ne bouge. Il posa doucement une main sur son bras. Pas une prise violente. Pas encore. Mais ferme.

— Je ne te ferai pas de mal. Mais si tu m’obliges à t’enlever par la force, tu le regretteras plus tard.

Son souffle se bloqua.

— Lâchez-moi.

— Non.

La voiture s’immobilisa à quelques mètres. Un chauffeur en costume descendit. Il n’adressa pas un mot à Lina. Il ouvrit la portière arrière avec la précision d’un domestique habitué aux ordres qui ne se discutent pas.

Ezekiel se pencha, son visage tout près du sien.

— Si tu refuses maintenant, tu n’auras plus aucune liberté de décider plus tard.

Elle le regarda, les larmes plein les yeux.

— Pourquoi ? Pourquoi moi ?

Sa voix s’adoucit, presque une caresse.

— Parce que tu es la seule lumière dans ma nuit.

Elle sentit ses jambes céder. Il la retint contre lui, la tenant par les épaules.

— Lâchez-moi…

— Je ne peux pas.

Le chauffeur patientait, impassible.

Elle sut qu’elle ne pourrait pas se débattre. Pas ici. Pas seule.

Ezekiel desserra un peu sa prise.

— Tu peux marcher jusqu’à cette voiture. Ou je t’y porterai.

Elle ferma les yeux. Tout son corps hurlait qu’elle devait se battre. Mais une autre part d’elle, la plus fatiguée, la plus désespérée, songeait qu’il avait raison : il avait déjà gagné.

Quand elle rouvrit les paupières, il l’observait avec cette intensité qui lui donnait la nausée.

Elle inspira.

— Si je monte… Qu’est-ce que vous allez me faire ?

Il effleura sa joue du bout des doigts.

— Rien que tu ne sois prête à accepter. Pas encore.

Elle frissonna malgré elle.

Ses jambes obéirent avant sa conscience. Elle fit un pas vers la voiture. Puis un autre.

Elle sentit la main d’Ezekiel sur le bas de son dos, comme une promesse.

Quand elle s’installa sur la banquette arrière, le cuir glacé sous ses cuisses, elle comprit qu’il n’y aurait plus de retour.

Il referma la portière derrière elle.

Puis il vint s’asseoir à ses côtés.

Et le silence s’abattit, plus terrifiant que tout ce qu’elle avait connu jusque-là.

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