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Chapitre 002

Le lendemain, Lina ne se leva qu’après plusieurs heures passées à fixer le plafond, sans parvenir à dormir. Son corps était épuisé, mais son esprit refusait de céder.

Elle prit une douche brûlante, espérant que la chaleur laverait ce sentiment d’invasion. En vain. L’eau coula sur sa peau comme un reproche.

Quand elle se regarda dans le miroir, elle ne reconnut pas son reflet. Ses traits paraissaient tirés, ses cernes creusaient son regard. Il y avait dans ses yeux une détresse qu’elle n’avait jamais vue auparavant.

Elle s’habilla sans soin, noua ses cheveux en un chignon maladroit. Elle avait l’impression d’endosser un costume qui n’était plus le sien.

Avant de sortir, elle hésita longuement. Son téléphone était toujours posé sur la table basse, là où elle l’avait laissé la veille. Elle le prit avec une précaution absurde, comme si l’appareil pouvait exploser dans sa main.

Elle inspira. Puis ralluma l’écran.

Il n’y avait aucun nouveau message.

Elle rangea le téléphone dans son sac, verrouilla la porte derrière elle et descendit l’escalier, chaque marche grinçant comme un avertissement.

Dans le hall, elle croisa le regard de Mme Gaillard. La vieille dame voulut lui adresser un signe de la main, mais se ravisa, baissant la tête comme si elle avait honte.

Lina comprit qu’elle aussi avait reçu un avertissement. Peut-être qu’ils les avaient tous reçus.

Elle poussa la porte de l’immeuble. L’air du matin était plus froid encore que la veille. Une lumière terne baignait la rue.

Elle avança sans réfléchir. Il n’était plus question de métro ni de bureau. Tout ce qu’elle voulait, c’était marcher, s’éloigner, trouver un endroit où réfléchir.

Ses pas la menèrent jusqu’au parc Monceau. Elle n’avait pas conscience d’y être entrée. Ce ne fut que lorsqu’elle sentit le gravier sous ses semelles qu’elle réalisa où elle se trouvait.

Le parc était presque désert. Quelques joggeurs passaient, indifférents. Un couple promenait un chien qui jappait en tirant sur sa laisse.

Elle s’assit sur un banc, les mains posées à plat sur ses cuisses.

Elle se demandait si elle n’était pas en train de devenir folle.

— Pourquoi moi ? souffla-t-elle.

Le vent agita les branches au-dessus de sa tête, et pour un instant, elle s’imagina qu’elles allaient se refermer sur elle comme des griffes.

Elle ferma les yeux.

— Parce que tu es la seule chose que je désire.

Sa gorge se serra. Elle rouvrit les yeux d’un coup.

Il se tenait à deux pas d’elle, vêtu d’un long manteau noir. Ses cheveux sombres étaient ramenés en arrière, révélant un visage qu’elle connaissait trop bien pour ne l’avoir vu qu’à la télévision : Ezekiel Delacroix.

Le milliardaire. Le philanthrope. L’éditeur à qui appartenait la maison qui l’employait.

Elle voulut parler, mais aucun son ne franchit ses lèvres.

Il la regardait avec une intensité qui la cloua sur place. Ses yeux étaient d’un gris si pâle qu’ils semblaient presque translucides.

Il esquissa un sourire, sans chaleur.

— Enfin, je peux te parler sans écrans, sans interférences.

Elle se leva d’un bond, reculant de plusieurs pas.

— C’est vous… souffla-t-elle. C’est vous qui… qui me surveillez ?

— Depuis longtemps.

Elle chercha autour d’elle, espérant voir quelqu’un, n’importe qui, qui viendrait l’aider. Mais personne ne prêtait attention à eux.

— Pourquoi ? demanda-t-elle, sa voix brisée.

Ezekiel avança d’un pas. Il ne fit aucun geste brusque. Pourtant, chaque mouvement semblait contenir une menace.

— Parce que je suis tombé amoureux de toi il y a cinq ans. Et que je n’ai jamais cessé.

Ses lèvres tremblèrent.

— C’est de la folie.

— Peut-être. Mais c’est la mienne. Et tu en fais partie.

Elle recula encore, mais son dos heurta le tronc d’un arbre. Elle se sentit prise au piège.

Il la contempla sans ciller.

— Tu n’as plus besoin d’avoir peur. Plus personne ne pourra t’approcher.

— C’est vous qui avez… qui avez fait agresser Julien ?

Un silence tomba, si profond qu’elle crut entendre battre son cœur.

— Je fais ce qu’il faut pour que tu restes intacte. Pour que personne ne te contamine.

Elle eut un haut-le-cœur.

— Vous êtes malade.

Son sourire s’effaça. Ses yeux s’assombrirent.

— Et toi, Lina… tu es à moi. Tu peux te débattre, tu peux refuser, tu peux me haïr. Mais rien ne changera cela.

Elle sentit ses jambes céder sous elle. Elle s’agrippa à l’écorce de l’arbre pour ne pas tomber.

— Vous ne pouvez pas décider ça…

— Pourtant, je l’ai décidé. Et je tiendrai ma promesse.

Elle chercha son téléphone dans son sac, mais il lui attrapa doucement le poignet. Pas de violence, juste une fermeté glacée.

— Si tu appelles la police, je serai prévenu avant qu’ils ne décrochent. Si tu t’enfuis, je saurai où tu vas.

Elle releva les yeux vers lui. Dans un autre contexte, elle aurait trouvé son visage magnifique. Mais ici, il lui parut plus cruel qu’aucun autre.

— Vous ne pouvez pas me forcer à…

— Non, murmura-t-il. Pas à t’offrir. Mais à rester près de moi, oui.

Elle sentit les larmes monter.

— Qu’est-ce que vous attendez de moi ?

Il approcha son visage du sien, si près qu’elle sentit son souffle contre sa bouche.

— Que tu comprennes. Que tu acceptes. Et qu’un jour, tu me regardes autrement que comme un monstre.

Elle ferma les yeux, espérant que c’était un cauchemar.

Mais quand elle les rouvrit, il était toujours là.

Et elle sut qu’il ne partirait plus.

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