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Un équilibre fragile

John ne s’expliquait pas totalement ce qui était en train de se passer.

Il ne s’était rien passé d’extraordinaire. Pas de grande révélation, pas de moment dramatique. Juste une conversation, une présence, et cette sensation étrange qu’il n’avait pas besoin de se cacher avec elle.

Les jours suivants, il continua sa routine. Mais il se surprit à remarquer les petits changements.

Comme la manière dont son regard cherchait Anna dès qu’il entrait dans le café.

Ou le fait qu’il attendait inconsciemment un signe d’elle, un sourire, un hochement de tête, quelque chose qui confirmait que cette connexion n’était pas qu’une illusion passagère.

Un soir, alors qu’il s’installait à une table, elle arriva presque au même moment.

— Salut.

Son ton était léger, naturel. Comme si leur présence l’un pour l’autre était déjà une évidence.

— Salut.

Anna jeta un coup d'œil à son carnet.

— Tu l’as ouvert, finalement ?

Il hésita.

Puis, lentement, il hocha la tête.

Elle sourit, visiblement satisfaite.

— Et ?

— Et… c’est un début.

Il ne dit rien de plus, et elle ne demanda pas de détails. Mais elle semblait comprendre que c’était un pas important.

Elle posa son propre carnet sur la table et s’installa en face de lui, comme si c’était la chose la plus naturelle du monde.

— Tu veux qu’on écrive ensemble ? proposa-t-elle soudain.

John haussa un sourcil.

— Comment ça ?

— Toi, tu débloques quelque chose en écrivant. Moi, j’essaie de mieux structurer ce que je ressens. Peut-être qu’à deux, ça marche mieux.

Il fixa la couverture de son carnet noir.

Écrire à côté de quelqu’un ? Partager ce moment qui, jusque-là, avait toujours été intime, solitaire ?

Il aurait dû refuser.

Mais contre toute attente, il attrapa un stylo et ouvrit son carnet.

Anna fit de même.

Un silence s’installa. Pas gênant. Juste concentré.

Et pendant un instant, il n’y avait plus rien d’autre que le bruit léger du papier, le frottement discret de l’encre, et cette sensation indescriptible de ne plus être seul dans ce qu’il ressentait.

Les mots semblaient couler plus facilement ce soir-là. John, habituellement si méticuleux dans son choix de phrases, se laissait aller à écrire sans trop réfléchir. Les idées se bousculaient dans sa tête, et il les capturait rapidement sur le papier, comme s’il craignait qu’elles ne s’échappent. Anna, de son côté, semblait tout aussi absorbée. De temps en temps, elle levait les yeux, observant John avec une curiosité discrète, puis replongeait dans son propre carnet.

Le temps passa sans qu’ils ne s’en rendent vraiment compte. Le café se vida peu à peu, les autres clients partirent, et le bruit de fond s’estompa. Il ne restait plus qu’eux deux, immergés dans leur bulle d’écriture.

Finalement, Anna posa son stylo et étira ses bras au-dessus de sa tête.

— Alors ? demanda-t-elle, un sourire malicieux aux lèvres. Tu as trouvé ce que tu cherchais ?

John ferma son carnet lentement, comme s’il protégeait quelque chose de précieux.

— Je ne sais pas encore, répondit-il honnêtement. Mais c’est… différent. Écrire avec quelqu’un d’autre. Ça change la perspective.

Anna hocha la tête, comprenant parfaitement ce qu’il voulait dire.

— C’est comme si on partageait un peu de soi-même, sans vraiment avoir besoin de parler. C’est étrange, mais… agréable.

Il la regarda, cherchant dans ses yeux une confirmation qu’elle ressentait la même chose. Et il la trouva. Il y avait une complicité naissante entre eux, quelque chose qui dépassait les mots.

— On recommence demain ? proposa-t-elle, presque timidement.

John hésita un instant, puis sourit.

— Pourquoi pas ?

Ils quittèrent le café ensemble, chacun emportant son carnet comme un trésor. La nuit était calme, et les rues presque désertes. Ils marchèrent côte à côte, sans se presser, profitant de ce moment de tranquillité.

— Tu sais, dit Anna après un long silence, je crois que tu as raison. C’est un début.

John tourna la tête vers elle, intrigué.

— Un début de quoi ?

Elle haussa les épaules, un sourire énigmatique aux lèvres.

— D’autre chose. Quelque chose de nouveau. On verra bien où ça nous mène.

Il ne répondit pas, mais il sentit une petite flamme s’allumer en lui. Une flamme qu’il avait cru éteinte depuis longtemps. Peut-être qu’Anna avait raison. Peut-être que c’était vraiment un début.

Et pour la première fois depuis longtemps, John se surprit à anticiper le lendemain avec impatience.

Le lendemain, John arriva au café plus tôt que d’habitude. Il avait passé une grande partie de la nuit à repenser à leur conversation, à ce moment partagé, à cette étrange complicité qui semblait s’être installée entre eux. Il n’arrivait pas à mettre des mots précis sur ce qu’il ressentait, mais une chose était sûre : il avait hâte de revoir Anna.

Il s’installa à leur table, celle près de la fenêtre, et commanda un café. Il sortit son carnet, mais cette fois, il ne l’ouvrit pas tout de suite. Il fixa la page de couverture, comme s’il attendait qu’elle lui révèle quelque chose. Peut-être une réponse à toutes les questions qui tournaient dans sa tête.

Anna arriva quelques minutes plus tard, un sourire aux lèvres et un sac en bandoulière qui semblait contenir bien plus que son carnet.

— Salut, dit-elle en s’asseyant en face de lui. Tu as déjà commencé ?

— Non, pas encore, répondit-il en refermant légèrement son carnet. J’attendais… enfin, je ne sais pas trop.

Elle sourit, comme si elle comprenait parfaitement ce qu’il voulait dire.

— Moi non plus, je n’ai pas vraiment écrit ce matin. J’avais l’impression que… ça devait attendre d’être ici. Avec toi.

Il y eut un silence, mais pas un de ces silences gênants. C’était un silence complice, comme si leurs pensées se croisaient sans avoir besoin de mots.

Anna sortit son carnet et le posa sur la table, puis elle plongea la main dans son sac et en sortit deux petits gâteaux emballés dans du papier transparent.

— Tiens, j’en ai pris pour nous. C’est un peu une tradition chez moi. Écrire, c’est mieux avec quelque chose de sucré.

John prit le gâteau avec un sourire reconnaissant.

— Merci. Je n’avais pas pensé à ça.

Ils mangèrent en silence, puis Anna ouvrit son carnet et prit son stylo.

— Alors, on y va ?

John hocha la tête et fit de même. Cette fois, les mots vinrent plus facilement. Il écrivit sans réfléchir, laissant ses pensées se déverser sur le papier. De temps en temps, il levait les yeux et voyait Anna, concentrée, le stylo glissant rapidement sur la page. Il se sentait étrangement en paix, comme si cette simple présence à ses côtés lui donnait une sorte de permission d’être lui-même.

Au bout d’un moment, Anna posa son stylo et leva les yeux vers lui.

— Tu veux qu’on partage un peu ? demanda-t-elle doucement.

John hésita. Partager ses écrits, c’était quelque chose qu’il n’avait jamais fait. Ses mots étaient toujours restés secrets, enfermés dans les pages de son carnet. Mais avec Anna, il se sentait différent. Il se sentait en sécurité.

— D’accord, dit-il finalement. Mais toi d’abord.

Anna sourit et commença à lire un passage de ce qu’elle venait d’écrire. C’était une réflexion sur le temps, sur ces moments qui semblent suspendus, où tout devient plus clair, plus intense. John écouta attentivement, captivé par la manière dont elle exprimait des choses qu’il avait lui-même ressenties sans jamais pouvoir les formuler.

Quand elle eut terminé, elle le regarda, un peu nerveuse.

— Alors ?

— C’est… magnifique, dit-il sincèrement. Tu as une façon de voir les choses qui est… unique.

Elle rougit légèrement, puis lui fit signe de lire à son tour.

John prit une profonde inspiration et commença à lire. Sa voix était hésitante au début, mais au fur et à mesure, il se laissa emporter par ses propres mots. Il lut un passage sur la solitude, sur cette sensation d’être toujours un peu à part, et sur cette lumière qu’il avait commencé à entrevoir depuis qu’il avait rencontré Anna.

Quand il eut terminé, il y eut un silence. Anna le regardait, les yeux brillants.

— C’est beau, John. Vraiment. Tu as une façon de décrire les choses qui… touche.

Il sourit, un peu gêné, mais profondément touché par ses mots.

— Merci, dit-il simplement.

Ils restèrent assis là un moment, à échanger des regards, des sourires, et des silences qui en disaient plus que des mots. Puis Anna reprit son stylo.

— On continue ?

John hocha la tête.

— Oui, on continue.

Et ils se replongèrent dans leurs carnets, côte à côte, comme si le monde extérieur n’existait plus

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