
Résumé
John n’avait jamais cherché à plaire. Il s’était toujours vu comme un homme banal, un peu trop silencieux, un peu trop dans sa tête. Pourtant, sans le vouloir, il laissait derrière lui une empreinte invisible. Un regard trop intense, une attention sincère, une manière d’écouter qui faisait vaciller les cœurs. Ce soir-là, dans une ville où la technologie avançait plus vite que les âmes, il était assis au comptoir d’un café à l’ambiance tamisée, entouré de murs recouverts d’écrans diffusant des œuvres d’art en perpétuelle transformation. Il observait la pluie tomber à travers la vitre, son esprit ailleurs. Il pensait à Elle.
L’effet papillon
John n’avait jamais cherché à plaire. Il s’était toujours vu comme un homme banal, un peu trop silencieux, un peu trop dans sa tête. Pourtant, sans le vouloir, il laissait derrière lui une empreinte invisible. Un regard trop intense, une attention sincère, une manière d’écouter qui faisait vaciller les cœurs.
Ce soir-là, dans une ville où la technologie avançait plus vite que les âmes, il était assis au comptoir d’un café à l’ambiance tamisée, entouré de murs recouverts d’écrans diffusant des œuvres d’art en perpétuelle transformation. Le Nox, un petit café niché entre deux immeubles aux façades de verre, était l’un des rares endroits où le temps semblait ralentir. Ici, pas d’hologrammes publicitaires ni de drones livreurs, juste une musique feutrée et la chaleur d’un monde encore un peu humain.
John observait la pluie tomber à travers la vitre, son esprit ailleurs. Les gouttes s’écrasaient sur l’asphalte en un rythme hypnotique, transformant la ville en un kaléidoscope de lumières diffuses. Il pensait à Elle.
À ce sourire fugace qu’il avait surpris l’autre jour. À cette voix qu’il aurait voulu entendre un peu plus longtemps. Si seulement…
Mais pendant qu’il se noyait dans ses rêveries, deux paires d’yeux l’observaient.
La première appartenait à Elya, assise quelques tabourets plus loin. Brune, élégante, le regard affûté comme une lame. Son tailleur sombre contrastait avec l’éclat de ses lèvres rouges. Analyste en cybersécurité, elle passait ses journées à décortiquer des failles invisibles, à anticiper les attaques avant qu’elles ne surviennent. Mais ce soir, c’était John qui attirait son attention. Depuis plusieurs semaines, elle l’observait. Il n’était pas comme les autres. Trop sincère, trop brut. Un mystère à élucider.
L’autre regard appartenait à Anna, installée dans un coin du café, un carnet de croquis posé devant elle. Ses cheveux auburn cascadant sur ses épaules, elle dessinait d’un trait léger, esquissant le profil de John sur la page. Illustratrice pour une maison d’édition spécialisée en récits immersifs, elle passait souvent ici après ses journées de travail, à la recherche d’inspiration. Ce soir, elle l’avait trouvée. Il y avait quelque chose dans sa posture, dans ce mélange de mélancolie et de douceur, qui la fascinait.
John, lui, ignorait tout de cet étrange ballet qui se jouait autour de lui. Son cœur battait pour une autre.
Une silhouette fugace traversa son esprit, et son regard se durcit un instant. Il porta machinalement sa tasse à ses lèvres, le café noir brûlant réveillant ses sens. Il ne savait pas encore que cette soirée allait marquer un tournant.
Un frisson imperceptible parcourut l’air du Nox, comme si quelque chose venait de basculer.
John déposa sa tasse sur le comptoir dans un tintement léger. Il ne remarqua pas qu’Elya détourna rapidement les yeux, feignant de fixer l’écran interactif diffusant les nouvelles du jour. Il ne vit pas non plus Anna refermer doucement son carnet, son crayon glissant contre la couverture dans un mouvement hésitant.
Il n’était pas conscient de l’effet qu’il produisait.
Un serveur humanoïde s’approcha pour débarrasser sa tasse vide, son regard artificiel scannant brièvement ses expressions faciales.
— Encore un café, monsieur ? demanda-t-il d’une voix neutre mais étrangement apaisante.
John secoua la tête et fit glisser son doigt sur son bracelet connecté pour payer. L’écran holographique afficha une animation confirmant la transaction avant de disparaître. Il se leva, ajustant le col de sa veste, prêt à quitter le Nox.
Mais une voix l’arrêta.
— Attends.
C’était Elya.
John tourna légèrement la tête, surpris. Ils s’étaient déjà croisés ici, parfois un échange de regards, un sourire poli. Mais elle ne lui avait jamais parlé.
Elle se leva de son siège et s’approcha lentement. Une confiance naturelle émanait d’elle, et pourtant, John perçut un léger trouble dans son regard, un détail infime qu’il était probablement le seul à remarquer.
— Je peux t’offrir un dernier verre ? demanda-t-elle, un sourire à peine esquissé.
John hésita. Non pas parce qu’elle ne lui plaisait pas – elle était indéniablement belle, captivante même – mais parce qu’il n’avait pas la tête à ça. Son esprit était ailleurs, tourné vers une autre.
Elya, percevant son hésitation, haussa légèrement un sourcil et ajouta :
— C’est juste un verre, pas un interrogatoire.
Elle tenait sa coupe de vin entre ses doigts fins, jouant légèrement avec le bord du verre. Elle avait l’habitude de mener les jeux d’attraction, de poser les règles. Mais ce soir, elle n’était pas certaine d’avoir l’avantage.
John inspira doucement. Il allait refuser, poliment, comme il le faisait toujours. Mais quelque chose dans la manière dont elle le regardait – une pointe de curiosité sincère, peut-être un défi – le fit changer d’avis.
— D’accord, mais juste un.
Il se rassit, et un serveur vint immédiatement proposer une nouvelle boisson.
De l’autre côté du café, Anna observa la scène, les doigts crispés sur la tranche de son carnet. Elle connaissait ce moment. Ce basculement imperceptible où quelqu’un entre dans la vie de quelqu’un d’autre.
Elle aurait voulu détourner les yeux, mais elle n’y arrivait pas.
Elle regarda John s’installer face à Elya, leurs verres se frôler sur le bois verni de la table. Un pincement s’insinua dans sa poitrine. Pourquoi ça me dérange autant ? Elle n’avait jamais osé lui parler. À quoi s’attendait-elle ?
John, lui, s’appuya légèrement contre le dossier de sa chaise et observa Elya. Elle était différente des autres femmes qu’il connaissait. Il le sentait. Il était bon pour ça, pour percevoir les nuances invisibles.
— Tu viens souvent ici, remarqua-t-il, plus pour briser le silence que par réelle curiosité.
Elle eut un petit sourire.
— J’aime bien l’endroit. C’est l’un des rares où l’on peut encore se regarder dans les yeux sans qu’un écran s’interpose.
John hocha lentement la tête. Il comprenait ce qu’elle voulait dire.
Mais alors qu’ils échangeaient leurs premiers mots, quelque chose en lui restait ailleurs. Une autre présence, un autre visage hantait son esprit.
Et à quelques tables de là, Anna referma son carnet, le cœur plus lourd qu’elle ne l’aurait cru.
