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Chapitre 2

Je devine bien qu’il s’agisse de l’épouse du Monsieur qui se dirige vers moi, très souriante. Elle est toute grassouillette, et me tend la main avec beaucoup de décence, que je lui rend bien.

-Merci madame.

- Tu parles français ?

-Oui très bien.

-Nous sommes heureux de t’accueillir parmi nous. Ce n’est pas joli joli ici, mais ne t’en fais pas nous ferons tout notre possible pour que tu sois à l’aise.

-Merci, c’est très gentil à vous.

-Fais surtout comme chez toi.

Pendant que je monte mes affaires dans la chambre qui m’est réservée, j’ai le temps d’apercevoir par l’entrebâillement de la porte d’une des chambres, les jambes d’une fille légèrement croisées. Ça doit être leur fille, pensai-je directement ; elle parle au téléphone et ne semble pas prêter attention aux bruits qui proviennent du couloir. Quelques instants plus tard, je me rends vraiment compte que tout le monde porte un grand intérêt à ma personne et tente de me ménager dans tous les sens. Le repas est servi à mon honneur, et j’apprécie bien une ou deux spécialités du pays, dont le fameux « Njapche » que me présente la maîtresse de maison et que je ne parviens pas à bien prononcer.

-Ca c’est le plat de chez nous les Bamoun. Dit Aïcha, la maîtresse de maison.

-Ah d’accord! J’ai tout le temps pour apprendre à le prononcer. Ai-je ironisé.

Ce qui amuse tout le monde. L’ambiance est assez bonne malgré le petit inconfort qui finit par me gagner bien après. La fille que j’ai vue assise dans sa chambre descend les marches et vient se joindre à nous ; sans hésiter, elle s’assoit près de moi et me lance un bonjour très sympa auquel je réponds de la même manière. Aïcha, la mère sursaute en la voyant et fait rapidement les présentations.

- Nous l’avons complètement oubliée celle-là. C’est Irina notre fille. Irina ? C’est Erwin, le fils de…

-Ah oui je sais. Celui qui vient du Nigéria. Le fils de papa « Oshi ». Je suis au courant. Nice to meet you !

-Moi de même.

-Tu parles français ? Waouh ! Alors comment tu trouves le Cameroun ?

- Je viens tout juste d’arriver, j’aurai le temps de…

-T’en fais pas. Je suis là pour ça. Je te ferai découvrir pleins d’endroits, tu vas voir tu ne vas pas t’ennuyer, je…

-Irina ! Je te rappelle qu’Erwin est venu uniquement dans le cadre des études et nous allons le guider dans ce sens. L’interrompt sa mère, visiblement très agacée. Ce qui finit par me mettre très mal à l’aise.

-Ok désolée. Je faisais juste la conversation. Rétorque-t-elle, un peu honteuse.

-Eh bien, réoriente bien le sujet de la conversation. Ne te méprends pas; il n’est pas venu pour s’amuser, mais pour étudier. Rajoute sa mère.

-Bon ça va. On ne va pas en faire tout un drame. Dit-elle.

Irina finit par se taire et ne plus dire un mot. Personne ne semble se préoccuper de sa présence, ce qui m’intrigue un peu. Et pour couronner le tout, elle n’a pas pris la peine de se servir. Ça fait plus de dix minutes que je l’observe et qu’elle fait la moue tout en faisant des dessins imaginaires sur la natte de la table. Ni les parents, encore moins les deux oncles et tantes assis avec nous à table, personne ne lui adresse la parole. Après moult hésitations, je fini par lui poser la question gentiment et à voix basse.

-Ça va? Tu ne manges pas ?

- Non.

-Pourquoi ?

-Pas faim.

-Mais avale au moins quelque chose, ça donne l’impression que tu n’es pas à l’aise avec nous.

-C’est bien le cas.

Sur ce, elle se lève brusquement sans s’excuser, me souhaite un bon appétit avant de disparaître rapidement. Quelques secondes plus tard, on finit par entendre le bruit du claquement violent de la porte de sa chambre. C’est un silence de mort qui plane pendant plusieurs secondes. Célestin le père finit par briser la glace en me posant une question sur mes projets.

-Alors fiston, dis-nous ? Qu’est-ce qui t'a motivé à venir continuer tes études ici ? Ce sont tes parents ?

-En fait je … j’ai pris cette décision tout seul.

-Ah oui? L’Université Catholique est une bonne Institution; c’est l’une des meilleures ici. En tout cas je ne peux que t’encourager. Tu as l’air brave.

- Merci.

Il me le dit en levant son verre de vin en ma direction. Ensuite il se racle la gorge, se cure machinalement les dents et puis reprend.

-Comme nous le disions tantôt, ton père a souhaité que ton séjour ici se passe bien. Nous n’aimerions pas qu’il t’arrive quelque chose de mauvais dans le sens où tu n’es venu ici uniquement pour les études. Le reste n’a pas d’importance et je te prie de considérer cela. C’est une promesse que nous avons faite à « Oshi » et il est hors de question que cela ne soit pas respecté, et moi-même je ne me le pardonnerais pas. J’espère que je me fais bien comprendre ?

-Oui… Monsieur, j’ai bien l’intention de me focaliser uniquement sur mes études, c’est tout ce qui compte à présent

-Ok. Ne tient pas compte de certains détails qui pourraient te faire croire le contraire. Vraiment, c’est sans importance.

Je prends en considération les paroles de Célestin, étant donné que c’est bien ce que j’ai décidé de faire, me concentrer sur mes études et les détails selon ses dires qui pourraient me faire croire le contraire me font directement penser à Irina, leur fille. Irina n’est qu’un détail. J’en déduis qu’il a dû se passer quelque chose de très grave et qu’ils la considèrent tout simplement comme une enfant capricieuse. Mais au fond, je sens que c’est une fille sympa qui voulait juste faire la conversation avec moi, chose que je trouve tout à fait normale.

Je me suis juré de ne pas retomber dans certains travers; je me suis juré de ne pas me laisser emporter par quelques distractions, mais surtout je me suis juré de ne pas me laisser séduire ou encore de séduire une fille. Il est près de 22h lorsque je prends congé de tout le monde qui me souhaite une bonne nuit.

Je suis couché dans ma chambre et je n’arrête pas de me tourner et de me retourner sans cesse. Je n’arrête pas de penser à Irina. Pas une fois de la soirée elle n’est ressortie de sa chambre et pas une fois je ne l’ai entendue. Tout cela m’intrigue et me dérange au point où j’aimerai vraiment lui parler et essayer de comprendre ce qui se passe. Je sais, il se fait tard et ce n’est pas du tout décent d’aller cogner à pareille heure dans la chambre d’une fille. Ne trouvant toujours pas le sommeil, je me lève pour aller au petit coin soulager ma vessie. Je longe le couloir à pas de loup, sans faire du bruit, ma vessie est sur le point d’exploser; j’entends du bruit provenant de la chambre d’Irina. Je suis étonné de voir la lumière et plus je me rapproche, plus j’entends des voix, celles de son père et de sa mère. Ils lui parlent à voix basse, mais très durement; puis je j’entends Irina sangloter.

-Tu as déjà causé trop de dégâts comme ça et ce n’est pas sur celui-ci que tu vas jeter ton dévolu. Lui dit Aïcha, sa mère. On te connait très bien! Tu veux l’allumer ou quoi? Cette fois-ci on ne veut pas de scandale. La dernière fois, on a tout fait pour cacher cette histoire avec celui qui t'avait mise enceinte, à 16 ans. Il a été obligé de payer pour qu’on te fasse avorter et étouffer cette histoire. Donc pardon! Pardon! Reste loin, je dis bien, reste loin de ce garçon, Erwin. Heureusement que cette année on va t’envoyer chez ta grand-mère pour fréquenter. Là-bas, tu seras plus calme.

-Quoi ? Je ne pars pas là-bas ! Je ne vais nulle part. Mieux je me pends ! Rétorque Irina en sanglotant.

-Célestin, toi parle lui. Peut-être que moi j’ai les mots durs je ne sais pas.

-Tu fais ce que ta mère te dit tu as compris ? Si tu restes ici tu vas créer les problèmes. Je ne veux pas te voir à côté de ce garçon. Ça suffit! Tu me fais tellement honte si tu savais. Ce qu’il s’est passé il y a deux ans ne t’a pas suffit? Hein? Où est ta dignité ? Les mêmes choses! C’est comme ça que tu as fait la dernière fois, et on a vu le résultat. Je ne sais pas, mais parfois j’accuse ta mère de t’avoir trop dorloté.

-Ne m’accuse pas Célestin. Nous sommes deux, et elle est notre enfant unique. Tu voulais que je fasse comment? Toi aussi tu l’as dorlotée, et plus que moi. Ne fais pas comme ci je l’ai accouchée seule.

Je fonce directement aux toilettes, je me soulage et je file dans ma chambre. Je sens qu’au final les choses vont se gâter dans cette maison, et j’ai bien peur d’être au centre de tout ça. Ils ont bien l’intention de se débarrasser de leur propre fille à cause de moi; je ne suis pas d’accord. Dès le lendemain, je leur ferai part de mon intention de prendre une chambre au campus. Il est hors de question que je m’attarde plus longtemps ici, bien que cette fille occupe subitement et bêtement mes pensées; je ne veux pas qu’elle me tourne la tête, même si je la trouve diablement belle.

Quelques minutes plus tard, j'entends frapper à ma porte.

Je me redresse, un peu surpris ; ça fait à peine dix minutes que je suis retourné me coucher, et la voilà qui frappe à ma porte. Elle vient de finir avec ses parents. Ils ont raison, elle a sûrement des manières provocantes et aguicheuses. Je commence à le pressentir. Si je lui ouvre la porte, je suis bien conscient du trouble que je laisserai paraître. Je préfère donc ignorer ses coups à la porte. Je constate que le couloir est allumé; je perçois le reflet de son ombre au bas de la porte; elle semble ne pas vouloir s’en aller. Je me lève lentement, tout en ravalant ma salive avec beaucoup de peine. J’ai bien l’intention de lui dire que ce n’est pas une bonne idée et qu’il vaudrait mieux qu’elle aille se coucher. J’allume, j’arrange quand même le col ma chemise de nuit, question de jouer le beau, et je lui ouvre… je tombe nez-à-nez sur le père, Célestin.

-Bonsoir fiston. J’ai entendu du bruit dans le couloir. Pourquoi tu ne dors pas ?

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