
Résumé
Ça fait près d’une heure de temps que je roule et que je me laisse bercer par la douce musique Naija qui passe en boucle dans la voiture. Mon téléphone n’arrête pas de sonner, mais j’ignore ces appels. Je sais qu’ils vont tous me tuer, mes potes, car je suis très en retard. Je leur ai promis que je serai bien à l’heure, mais comme d’habitude je ne parviens jamais à respecter ma parole. En bon couche-tard et lève –tard, c’était prévisible, mais d’un autre côté elle ne m’a pas laissé le choix Imani. Elle est assise à côté de moi et sa robe légèrement relevée et dévoilant ses cuisses me fait encore penser à tout ce qui s’est passé la veille. Je la lorgne de temps en temps et elle fait pareil. On ne parle pas, mais rien que l’expression de nos regards en disent long sur toute la ligne. Elle est consciente que notre amourette ne mettra pas long, ce qui est tout à fait vrai ; elle m’a prouvé tout ces derniers temps qu’elle fait partie de ces « run girls », cette catégorie de filles qui se font essentiellement entretenir par les hommes. Je la dépose rapidement devant son appartement et je file. Elle me lance juste un.
Chapitre 1
LE REVERS DU MIROIR
Chapitre 1 :
Ça fait près d’une heure de temps que je roule et que je me laisse bercer par la douce musique Naija qui passe en boucle dans la voiture. Mon téléphone n’arrête pas de sonner, mais j’ignore ces appels. Je sais qu’ils vont tous me tuer, mes potes, car je suis très en retard. Je leur ai promis que je serai bien à l’heure, mais comme d’habitude je ne parviens jamais à respecter ma parole.
En bon couche-tard et lève –tard, c’était prévisible, mais d’un autre côté elle ne m’a pas laissé le choix Imani. Elle est assise à côté de moi et sa robe légèrement relevée et dévoilant ses cuisses me fait encore penser à tout ce qui s’est passé la veille. Je la lorgne de temps en temps et elle fait pareil. On ne parle pas, mais rien que l’expression de nos regards en disent long sur toute la ligne. Elle est consciente que notre amourette ne mettra pas long, ce qui est tout à fait vrai ; elle m’a prouvé tout ces derniers temps qu’elle fait partie de ces « run girls », cette catégorie de filles qui se font essentiellement entretenir par les hommes.
Je la dépose rapidement devant son appartement et je file. Elle me lance juste un…
-Bisous. On se voit quand?
Je fais mine d’avoir entendu; je lui fais une bise rapide sur la joue et un petit clin d’œil, sans lui donner de réponse. Je sais, je fais toujours des promesses que je ne tiens pas, mais je suis comme ça, je ne suis pas très stable et je préfère ne pas m’engager avec ce genre de fille. Pendant ce temps, mon téléphone fait des siennes, je finis par décrocher.
-Allo ? Je suis là dans 20 minutes… Oui désolé ! Oui je sais ! Je sais ! Abeg ! Abeg ! Fais pas le con ! De toutes les façons, c'est qui qui détient les clés du château ? C’est moi ! Alors un peu de patience !
En deux semaines je peux dire que j’ai battu un vrai record en matière d’organisations festives, de sorties et des virées de toute nature ; deux semaines intenses de fêtes, d’ambiance moderne, d’alcool coulant à flots et deux semaines pleines à me taper toutes sortes de nanas. D’ailleurs, j’ai promis à deux d’entre elles de me suivre dans cette petite aventure d’un week-end. Je saurai bien gérer Sheila et Wendy. J’ai dit à Sheila d’arriver trois jours après notre arrivée et quant à Wendy, elle serait là le même jour que nous, mais en début de soirée. Ce n’est qu’un jeu pour moi. Bon, assez rêver, mes copains m’attendent depuis un bon moment, même si j’ai toujours eu du mal à me retrouver dans les faubourgs de cette ville surpeuplée, Lagos, l’une des plus grandes villes du Nigéria. L’adresse indiquée, Adeloa Odeku Street, et le nom de l’hôtel, « BBQ R US Hotel and Restaurant, est parfaitement lisible sur Google Map.
A peine entré dans le hall, je suis surpris par un accueil des plus chaleureux, venant du personnel de cet hôtel où je n’ai encore jamais mis les pieds. Je suis sur la réserve, tandis que l’un des employés de l’hôtel s’approche de moi et me tend la main avec beaucoup de véhémence.
- Bonsoir ! Vous … Vous êtes bien le fils d’Oshi ?
- Comment ça ? Vous me connaissez ?
- C’est … C’est votre …
Nous sommes brusquement interrompus par l’arrivée de Peter qui nous rejoint quelques minutes plus tard.
-Non, c’est moi qui leur ai dit.! Le hasard a voulu que ton père apparaisse à l’écran ici et la chance c’est que tu étais à ses côtés.
Je l’amène à côté, car je n’y comprends rien à rien.
-Qu’est-ce que tu leur as dit exactement ? C’est quoi ça?
-Juste que tu es mon ami, le fils de … Tu vois ? Question de faire…
-Non Peter ! Tu me caches quelque chose. J’espère que tu ne te sers pas de ça pour…
-Noooon ! En fait voilà, voilà, je… J’ai fait la connaissance du gérant de l’hôtel il n’ y pas longtemps et… Il a l’intention d’ouvrir un club ici.
-Et où est le rapport avec moi ?
-Les nuitées gratuites. Il cherche un parrain.
-Pffff ! N’importe quoi!
-Elles nous seront offertes au moins une fois par semaine, c’est garanti !
-Où sont les autres ? On bouge !
C’est devenu une habitude à chaque fois que je fais mon apparition dans des endroits pareils. Mais ce n’est pas de ma faute, car je m’appelle Erwin Obikwelu, originaire de ce pays, le Nigéria et je suis bien le fils de cet éminent homme, très connu et célèbre, le milliardaire « Oshi », son petit nom. Et ma mère se prénomme Mary. Depuis mon retour définitif il y a deux ans, j’aurais pu très bien opter pour autre chose, si je voulais. Je suis né en France, et j’ai passé la plus grande partie de mon enfance entre le Nigéria et l’Europe. A l’époque mes parents vivaient et travaillaient à Paris ; mon père était un représentant diplomatique là-bas et ma mère était son attachée de presse. Ils ont fini par rappliquer au pays quelques années plus tard et mon père s’est lancé très vite dans les affaires, ce qui lui a valu ce surnom.
Mon Bac en poche, j’ai opté pour un retour définitif, mais pas en grande pompe au départ puisque je n’avais pas encore posé mes bases. Peter, je l’ai rencontré fortuitement dans l’avion qui me ramenait et la coïncidence a voulu que nous rentrions pour les mêmes raisons. Tout comme moi, il en a eu tout simplement marre de vivre là-bas où tout est parfois gris et froid en permanence. On nous considère comme de parfaits Ajebutter*, (se dit quelqu'un qui est né avec une cuillère en argent dans la bouche ou qui est gâté et n'a pas connu la dureté de la vie).
Depuis lors, nous ne nous sommes plus jamais quittés, et voilà deux ans que ça dure, deux ans que cette amitié surpasse tout au point de remettre tout en jeu, même nos familles respectives. Quelque soit une situation donnée, une décision importante à prendre, l’avis de Peter compte plus que tout. La loyauté qu’il a toujours affiché à mon égard, le soutien moral que j’ai reçu de lui lorsqu’il a appris ce qui s’est passé à Paris, lui seul a pu me comprendre sans porter de jugement sur mes actes. Seul Peter m’a sorti des situations des plus rocambolesques, et ça, personne ne peut le comprendre, ni mes parents, encore moins mon frère aîné, James. Kingsley et Olawade les deux autres garçons ont rejoint la bande juste après.
Je n’ai peut-être pas la même conception, ni la même vision des choses comme me le signifient tout le temps mes parents lorsqu’ils ont l’occasion de me voir. C’était prévisible, ils en ont vraiment marre et me le font savoir. J’ai eu une discussion avec eux la veille de mon départ brusque pour Lagos ; je suis parti de là en leur claquant presque la porte au nez. C’est mon vieux qui a commencé en premier et m’a appelé dans un des petits salons, j’ai été surpris de constater que mon frère James était de la partie ; il arborait une mine de dédain et de désolation à mon égard, mais il a oublié qu’il y a deux jours nous nous sommes croisés au « Empire Nightlife » d’Abuja, une boite de nuit où il régnait en grand maître, sans oublier les liasses de billets qu’il effeuillait galamment, sourire aux lèvres accompagné des plus grandes Ashawo* (prostituées). Il a juste oublié l’émeute qui a failli se produire par sa faute juste après son départ. Je me suis toujours tu, trouvant cela grotesque et enfantin d’avouer tout aux parents. En bon Igbo qui se respecte, mon père, en prenant la parole, a commencé par me citer toute une série de proverbes et adages de notre région avant d’entamer le sujet proprement dit.
-On utilise le proverbe pour confondre l'imbécile. C’est bien un proverbe Igbo et retiens-le bien. Je suis obligé de passer par-là pour te faire comprendre que tes agissements, nous en avons par-dessus la tête.
-J’ai 20 ans et j’ai le droit de…
-Je ne sais pas si tu t’en rends compte. Ça fait deux ans! Deux années pleines où tu n’as passé ton temps qu’à faire la java un peu partout ici. Et ton avenir ? Tu y penses ? Ta mère et moi avons l’intention de te trouver une inscription en Europe, tu n’as qu’à choisir, soit la France, ou…
-Non ! Je… je … je ne retourne pas là-bas .
-Quoi? Demande mon père ahuri.
-Je dis que je n’y retourne plus.
-Mais… mais… Tu deviens fou ma parole!
Ma mère se lève et se met à taper des deux mains, comme si on venait de lui annoncer un deuil. Mon père, très irrité, reprend la parole…
-Je crois que tu as des problèmes psychologiques. Il y a quelque chose qui ne va pas. C’est parce que la vie que tu mènes ici te plait n’est-ce pas ? Tu es incapable de prendre tes responsabilités. On te donne tout, tu as tout ce que tu veux. Même tes escapades, nous te les permettons, parce que nous ne voulons pas te frustrer. Et c’est comme ça que tu nous remercie ? Tu… Tu ne veux plus aller à l’école ? A 20 ans?
-Je prends les décisions que je veux papa. En France j’ai bien vécu tout seul. Vous n’étiez plus là.
-Mais tu vivais bien chez le couple Bonnaire et sous mon couvert je te rappelle. Aujourd’hui nous sommes en froid, par ta faute !
-C’est pour cette raison que je suis parti de là, pour voler de mes propres ailes. Je me suis pris un appartement, j’ai bossé dur et j’ai eu mon diplôme, tu vois. Je ne suis pas si con que ça.
-Tu volais de tes propres ailes. Tu veux bien rectifier que c’est encore nous, c’est encore moi qui t’envoyais les sous pour vivre. Ne dis pas de bêtises. Tu es incapable de te prendre en main tout seul.
-C’est vrai, dans ce cas je n’y retourne pas.
-
