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En venant à Cotonou, je cherchais à calmer mes tourments intérieurs pas à être mise en face de la personne que j’ai lâchement trahi. La vie est une vraie garce au final ! Que me réservent les prochaines heures ? Je n’étais pas une impie dans le passé mais ma foi s’est renforcée au cours des dernières années. Et je suis convaincue que la géhenne peut m’être évitée si je me comporte bien afin de racheter mes erreurs du passé.

***Mauricio AGUIAR***

-Que penses-tu de la jeune femme qui accompagne le père Daniel ?

La voix douce et mélodieuse d’Anna me tira de mes pensées. La soirée s’était déroulée comme dans un rêve pour ma part. J’ai dû faire un effort surhumain pour ne pas exploser de colère à chaque fois que mon regard croisait celui de Béryl. J’ai dîné normalement et ensuite, j’ai prétexté une certaine fatigue, histoire de prendre la clé des champs. Allongé sur le lit depuis près d’une heure, je n’étais pas parvenu à fermer les yeux. Je revivais sans cesse le passé.

-Elle m’a l’air tranquille, murmurai-je en guise de réponse.

-Tranquille ? répéta Anna. Ce n’est pas le mot que j’aurais

employé pour la désigner. Elle me ressemble beaucoup !

-Quoi ?

-Je veux dire…Elle est comme moi ! Je ne parle pas de traits physiques mais de l’ensemble. Elle est belle…Je dirais même qu’elle est plus belle que moi. Et rien qu’en se fiant à son regard, je peux deviner une intelligence sans borne. J’aime aussi son teint ! Il est parfait…Je me demande quel produit elle utilise pour avoir un tel éclat avec sa peau noire.

-Pourquoi tiens-tu à te comparer à elle ? Demandai-je sur un ton bourru.

-Je n’y tiens pas lâcha Anna avec désinvolture. Oublie ça.

Elle retira sa robe qui glissa sur le sol. Son corps svelte apparu. Mon regard s’attarda sur son ventre strié de vergetures. Elle avait un corps parfait avant de tomber enceinte. Son ventre a perdu de sa fermeté après deux grossesses. Cela aurait pu poser un problème étant donné que je suis un perfectionniste mais j’ai appris à aimer le nouveau corps de ma femme. Anna se dirigea vers la salle de bain, son postérieur se balançant au gré de sa démarche. Elle possède un beau chaloupé ! Si je n’avais pas l’esprit si perturbé, je lui aurais déjà sauté dessus. Mais ce soir, j’avais la tête ailleurs.

La présence de Béryl dans ma maison me perturbait. Elle se trouvait dans une des chambres d’invité à l’heure actuelle. Je ressentais l’envie d’aller la rejoindre juste pour lui demander la raison de sa présence. Il y a sept ans, elle m’a brisé le cœur. Après notre rupture, je me suis tenu éloigné

des femmes durant sept ans avant de rencontrer Anna.

Elle est comme moi ! Je ne parle pas de traits physiques

mais de l’ensemble. Elle est belle.

Les mots d’Anna me revinrent en mémoire. La précision de l’analyse de ma fiancé m’avait dérouté mais j’avais choisi de faire comme si de rien n’était. Chaque homme possède des critères de sélection bien définis quand il s’agit de choisir une épouse. Pour ma part, Anna avait attiré mon attention car physiquement elle me rappelait Béryl. Elle ne possédait pas la beauté particulière de cette dernière mais elle s’en rapprochait. Et elle était aussi intelligente que mon ex ! Je n’avais pas encore fait le deuil de Béryl quand j’ai rencontré Anna. Mes intentions au départ en faisant la cour à Anna étaient de me convaincre que je pouvais passer à

autre chose. Puis contre toute attente, Anna s’est révélée

être différente de mon ex.

Anna est la gentillesse incarnée. Elle possède un grand cœur et elle est extrêmement généreuse. Ce n’est pas une femme intéressée par la stabilité financière qu’un homme peut lui apporter. Elle travaillait déjà quand je l’ai connu et elle ne manquait de rien. C’était une femme indépendante. En plus, elle est honnête et fidèle à ses engagements. Tout son cursus scolaire s’était déroulé dans un cadre chrétien et du coup, elle a eu le temps de connaître Dieu. Elle était vierge quand je l’ai connue car elle attendait son homme. La première fois qu’elle m’a avoué en me regardant droit dans les yeux, qu’elle était encore vierge, j’ai failli péter un câble…J’avais l’impression d’entendre Béryl me dire la même chose. J’avais cru cette dernière alors qu’elle se payait ma tête. J’ai failli envoyer Anna au diable mais au

prix d’un effort surhumain, j’ai décidé de lui donner sa chance…Après tout, elle était différente de Béryl. Et je n’ai pas eu tort de le faire.

Que fait Béryl avec ce prêtre ? Et où se trouve son fils ?

Tout au long de la soirée, parmi les multiples interrogations qui faisaient tourner mon cerveau, il y avait une question que je brûlais de poser : As-tu effectivement assassiné Charly SATIGNON ? Pendant toute la période de son mariage, je suivais les actualités concernant le couple SATIGNON. J’ai déprimé comme un con après le mariage de Béryl. J’ai ressenti une sorte de plaisir malsain quand j’entendais les gens critiquer Béryl puisque trois ans après leur mariage, elle n’avait pas donné un seul enfant à son mari. J’ai pleuré de rage quand elle a mis au monde leurs triplés. Puis un an plus tard, le drame a frappé le couple. Je

suis tombé de haut en apprenant qu’un avis de recherche était lancé contre elle parce qu’elle aurait peut-être assassiné son beau-frère. Elle a disparu durant cinq ans et aujourd’hui, elle réapparaissait comme si de rien n’était.

Il faut que tu discutes avec elle Mauricio. Tu héberges une fugitive sous ton toit. Tu peux avoir des problèmes avec la justice.

Je n’avais aucune envie de discuter avec elle ! Aucune envie de replonger dans le passé et de revivre toute la douleur que m’avait infligée cette femme. Elle m’avait fait passer pour un imbécile aux yeux de tout le monde. Elle me trompait sans cesse et quand j’entendais des rumeurs, comme un idiot, j’allais lui demander des comptes. Le pire était que je n’ai jamais soupçonné Béryl de me mentir.

Alors comment pourrais-je discerner aujourd’hui le vrai du

faux ?

-Demain matin, j’ai une réunion importante avec mon chef. Je sais que je ne devrais pas te demander cela mais…

-Anna, s’il te plaît…

-Chéri, tu leur tiendras juste compagnie en attendant mon retour. Le père Daniel m’a demandé de les mettre en contact avec un journaliste de l’ORTB. Finalement, j’ai préféré me tourner vers mon ami qui est directeur de la chaîne de télévision.

Je me redressai brusquement.

-Pourquoi est-ce que le père Daniel voudrait rencontrer un journaliste ? Demandai-je d’une voix âpre.

-Je ne pense pas qu’il s’agisse de lui. J’ai plutôt l’impression que c’est Béryl qui a besoin du journaliste mais je peux toujours me tromper.

Ma curiosité légendaire s’éveilla automatiquement. Lorsqu’Anna m’a demandé la permission d’accueillir l’homme de Dieu et une de ses accompagnatrices, je m’attendais à tomber sur une vraie sœur. Je n’ai donc pas posé de questions approfondies.

-Ils viennent de Malanville n’est-ce pas ? Interrogeai-je sur

un ton empli d’indifférence.

-Non…Du Niger.

Alors Madame SATIGNON avait trouvé refuge dans ce pays ! Je m’allongeai de nouveau, l’esprit tourmenté. Pendant une fraction de seconde, je ressentis le besoin de confier à mon épouse que Béryl est mon ex. Mais révéler cela à Anna reviendrait à ouvrir la boîte de Pandore. Et je ne suis pas encore prêt pour cette expérience.

Demain est un autre jour.