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J’avais oublié de préciser que Mauricio me croyait vierge. Pendant deux ans, il ne m’avait jamais fait l’amour. Je lui avais menti au début de notre relation et il avait décidé qu’on attende le mariage pour avoir des rapports charnels. Il était auréolé de rigueur et de principes inébranlables…Choses que je ne partageais pas du tout mais qui faisait son charme. Quand j’avais secoué la tête, il avait soupiré bruyamment.
-Ils m’ont juste battue, Mauricio. Je n’avais même pas mon portable sur moi et cela les avait énervés apparemment. Je ne veux pas qu’on me voit comme ça.
-La police…
-Ne les trouvera jamais ! Inutile de faire durer cette
humiliation. J’ai juste besoin que tu t’occupes de moi.
Il avait hoché la tête et n’avait pas failli à sa tâche. En moins d’un mois, j’avais meilleure mine. Et je reprenais avec mes habitudes d’antan. J’avais relancé sans tarder Floris qui était revenu en courant comme un chien devant un os. Je n’avais même pas pris la peine de lui relater ce qui s’était passé. Si dans le passé, mes intentions étaient seulement de gagner plus d’argent avec lui, ces dernières avaient changé. Je voulais devenir l’épouse du
député…C’était devenu ma préoccupation quotidienne. Pendant trois mois, j’ai mis mon piège en place autour de lui…Il était devenu dingue de moi. Il parlait de me prendre comme sa deuxième femme.
Je me considérais comme trop précieuse pour être le second choix d’un homme. Je lui avais bien fait comprendre cela. Floris me comblait de cadeaux, d’argent. On faisait l’amour tous les jours dans l’appartement qu’il louait juste pour que nous puissions nous voir au calme. Je lui mettais la pression en lui faisant comprendre que d’autres hommes me faisaient la cour et demandaient ma main. Bizarrement, il ne me sortait pas les discours connus des hommes mariés. Il ne me parlait pas de ses engagements vis-à-vis de sa femme, il ne parlait jamais d’elle comme il aurait dû le faire dans de pareilles circonstances ! La plupart des hommes mariés ou en couple ont une manière commune de
se comporter quand ils savent que la femme de dehors connait l’existence de celle qu’ils qualifient de « titulaire ». Il s’arrangent à faire comprendre à celle « de dehors » que la « titulaire » demeurera à sa place et que rien ne changera. La maîtresse devient alors un objet sexuel. Quand il est mal baisé chez lui, il court rejoindre la maîtresse pour se détendre.
Les maîtresses disent que cela ne les dérange pas de jouer ce rôle mais elles ne disent pas toujours la vérité. Quand le portable du monsieur sonne, il dit à la maîtresse de rester silencieuse et quand la « titulaire » a le malheur de demander : « Tu es avec qui ? », le bon monsieur a l’insolence de répondre Personne. Ce moment où la maîtresse se retrouve réduite à sa plus simple expression n’est qu’un exemple parmi tant d’autres...
Floris était un homme un peu bizarre. Il y avait plein de petits détails que je voyais mais que je refusais d’analyser. Dieu nous lance des avertissements très souvent mais quand on a l’esprit fermé comme c’était mon cas, on passe à côté. Avec le recul, quand je repense à tous ces petits détails insignifiants, je me rends compte que j’avais la vérité devant moi. Floris avait un tatouage en forme de serpent sur son dos. Il prétendait que ce n’était qu’un tatouage mais quand je voulais toucher ça, il se dérobait. A chaque fois qu’on faisait l’amour, il émettait une sorte de sifflement en guise de gémissement. Et après, je me sentais vidée de mon énergie…Le plus troublant était que je faisais des rêves perturbants après l’amour. Je voyais un serpent tel que celui tatoué sur le dos de Floris s’enrouler autour de moi et m’avaler en entier. Je me réveillais en sursaut et je me disais que c’était le tatouage qui me déstabilisait.
Crénom de nom, la situation était bougrement bizarre mais l’écervelée que j’incarnais dans le temps était juste obnubilée par son désir de se faire entretenir par un homme riche et bien positionné dans la société. Pourtant, j’avais tout ce qu’il fallait pour être une femme indépendante. J’aurais pu me concentrer sur mes études. J’ai fini par laisser tomber Mauricio. Il m’avait surprise un jour au restaurant avec Floris et avait fait un scandale. Loin de s’en formaliser, Floris m’avait demandé de faire un choix.
J’étais amoureuse de Mauricio mais je tenais à évoluer dans la vie. Floris était ma mine d’or et je ne voulais pas le laisser filer. Entre l’argent et l’amour, j’ai choisi le premier…J’ai choisi Floris en espérant oublier Mauricio avec le temps. Je crois que j’ai brisé quelque chose chez Mauricio. Je n’oublierai jamais le regard qu’il m’avait lancé quand je lui ai demandé de s’en aller. C’était la
dernière fois que je voyais Mauricio. Nos chemins ne se sont plus jamais croisés mais j’ai eu l’occasion de repenser à lui maintes fois…Face à la tempête dans laquelle je m’étais retrouvée, il m’était arrivé de me demander ce qui se serait passé si j’avais choisi Mauricio plutôt que Floris. Malheureusement, je ne peux pas réécrire mon passé.
Les secousses du bus me ramenèrent à la réalité. Je me rendis compte qu’on pénétrait dans une sorte de bâtiment peint en jaune. Les passagers qui s’étaient assoupis s’éveillaient tout doucement. Le chauffeur effectua une dernière manœuvre avant d’immobiliser totalement le véhicule.
-Fin du voyage ! Tout le monde descend ! cria-t-il.
-Enfin ! Murmura le père Daniel. Ce n’est pas trop tôt. J’ai
bien cru qu’on ne parviendrait jamais à destination.
Il extirpa son corps du siège et s’étira. Je pris mon petit sac que j’avais gardé près de moi durant tout mon voyage et attendit patiemment que le passage se libère avant de descendre à mon tour du bus. L’air frais des soirées du mois de juillet m’accueillit. J’inspirai un bon coup avant de suivre le père Daniel qui se dirigeait déjà vers l’extérieur du bâtiment.
-Mon père…On devrait appeler la dame pour voir sa
position actuelle.
