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Chapitre 1_A: DRÔLE DE COÏNCIDENCE

Cinq longues années se sont écoulées depuis que j’avais fait le choix de quitter le Bénin. Depuis que le bus de la compagnie ATT1 que nous avions pris très tôt ce matin a fait son entrée dans la ville de Calavi2, j’ai noté des changements énormes malgré le fait que la nuit soit déjà tombée. Les voitures qui roulent à des vitesses exagérées, les motocyclistes qui semblent tous pressés comme s’ils avaient le feu aux trousses, les embouteillages divers, les femmes joliment maquillées et vêtues comme si elles se rendaient à un carnaval et qui arpentaient les trottoirs en faisant bouger leurs jolis fessiers sans se soucier de faire des victimes au passage…La liste des différences existant entre les grandes villes situées au Sud du Bénin et celles

qu’on a traversées en quittant le Nord est bien longue et je ne parviendrai sûrement pas à la terminer cette nuit.

Je m’étire sur mon siège et jette un coup d’œil près de mon voisin qui dormait paisiblement. Sa soutane lui allait comme un gant et accentuait la délicatesse de ses traits. Le père Daniel ZINSOU doit être âgé d’une cinquantaine d’années si je me fie à ses cheveux blancs. Mais il est possible qu’il soit plus jeune et qu’il ait vieilli à cause de la tâche hardie qu’il mène depuis des années dans la petite ville de Gaya3. Il a sûrement vu des vertes et des pas mûres. Il est souvent confronté à des histoires qui dépassent l’entendement et il s’implique énormément pour aider ses fidèles à aller mieux. C’est exactement ce qu’il fait avec moi en ce moment. Ce qui explique qu’il ait quitté pour quelques jours la Mission Sainte Marie ViAnnay4 en ma

compagnie. Il voulait s’assurer que je mène à bien la

mission que je me suis fixée.

Le père Daniel ZINSOU est un homme très sympathique que j’ai eu la chance de rencontrer il y a un an. Il m’avait tendu la main à un moment où j’étais certaine que mes jours sur cette terre étaient désormais comptés. Sans son aide, je serais probablement morte à l’heure actuelle. Avec sa taille moyenne, ses épaules larges mais qui s’harmonisaient parfaitement avec son physique, une barbiche rugueuse supplantant ses lèvres aux contours parfaitement bien dessinés, il faisait penser aux maîtres du secondaire. Mais la douceur de son regard atténuait la sévérité de ses traits délicats. Il avait été transféré à Gaya il y a trois ans environ et depuis il se consacre à la Mission Sainte Marie ViAnnay. Il m’a été d’un soutien énorme.

Je détournai le regard du père Daniel et me concentrai de nouveau sur la ville de Cotonou qu’on traversait à présent. L’éclairage diffusé par les lampadaires disposés de manière harmonieuse au niveau du terre-plein central rendait la ville encore plus attrayante. Il fut un temps où j’adorais vivre par ici. Je me considérais comme la reine de cette ville et je sillonnais les boîtes de nuit en compagnie d’autres filles aussi délurées que moi. La ville nous appartenait ! On connaissait tous les coins branchés…On se faisait inviter par les hommes riches et on dépensait leur argent sans que notre cœur ne tremble. On était la raison pour laquelle leurs épouses dormaient en pleurant seules dans leurs lits. Nous le savions mais nous n’en avions cure. On se disait fièrement « Si elles n’arrivent pas à retenir leurs maris à la maison, est-ce que c’est de notre faute ? ». La réponse était

« Non ». Donc la vie continuait pour nous.

Le problème quand on mène ce genre d’existence est qu’on oublie que tôt ou tard, on finit par payer d’une façon ou d’une autre ! Tant que les épouses de ces messieurs demeuraient dans l’ombre, tout allait bien pour nous…Jusqu’à ce qu’on devienne soit même l’épouse d’un homme et qu’on soit confrontée à ce problème. Je poussai un soupir. Je suis épuisée. On a démarré à sept heures du matin de Malanville5 et actuellement il sonnait déjà vingt heures. On avait encore une trentaine de minutes à passer dans le bus. Ne sachant pas quoi faire pour tuer le temps, je me replongeai dans mes pensées et laissai les souvenirs affluer à ma mémoire.

Après la bastonnade que m’avait infligée mon père devant ma rivale, j’avais rejoint mon appartement avec la rage au cœur. J’avais été tentée d’appeler Floris pour me plaindre mais cela aurait été trop bête de ma part. Elle s’attendait forcément à ce que je me plaigne auprès de notre homme. Comme j’étais mal en point, j’avais préféré prendre du recul pour mieux sauter. J’étais étudiante en deuxième année de droit et j’avais un petit-ami…Mauricio AGUIAR. Je l’aimais bien. Il était pauvre certes mais il était beau ! Le genre qui te donne des palpitations dans le ventre quand tu le vois apparaître en face de toi. J’avais bien essayé de l’envoyer au diable vu qu’il ne pouvait même pas assurer mon loyer mais il avait quelque chose que les autres hommes n’avaient pas…Mauricio n’était pas un coureur de jupons. Il venait d’une famille pauvre mais se battait pour s’en sortir avec ses études. Je l’aidais financièrement et lui de son côté m’apportait son aide avec mes cours. On avait choisi le droit privé tous les deux. Il voulait se spécialiser en criminologie. Le master 1 coûtait la peau des fesses dans le temps.

Malgré le fait qu’il avait un emploi à temps partiel, il trouvait toujours du temps pour moi. Il était bien élevé, galant et travailleur. Quand on sortait ensemble, je me sentais juste bien car Mauricio attirait beaucoup le regard des jeunes filles et de mon côté, je n’étais pas laide…On formait un super couple. On avait fait deux ans ensemble malgré les hauts et les bas. Plus le temps passait, plus il entendait des rumeurs et venait me demander de lui rendre des comptes. On disait que je sortais avec des hommes riches, que j’étais une pétasse…Je lui disais qu’il s’agissait juste des commérages des mauvaises langues. Et il me croyait.

Puisque papa m’avait passée à tabac et que je ne voulais pas être vue dans cet état, je lui avais fait appel. Je me souviens encore de l’expression de son visage quand il était

venu me voir. Son regard était devenu métallique, indéchiffrable et avec une voix emplie de colère, il m’avait demandé :

-Qui t’a fait ça, Béryl ?

J’aurais pu lui dire la vérité mais il aurait fallu que j’explique les raisons qui avaient poussé un père à se comporter comme un sauvage sur le corps de sa propre fille. Mauricio était capable d’aller voir papa pour demander des comptes. Ne voulant pas prendre de risques, j’avais alors menti en prétendant qu’on m’avait attaquée hier nuit alors que j’étais allée acheter à manger la nuit.

-Et c’est seulement maintenant que tu m’appelles ? Depuis hier nuit ? avait-il grogné.

-J’avais la tête ailleurs franchement bébé, avais-je répondu sur un ton des plus misérables.

-Ils étaient au nombre de combien ? Qu’est-ce qu’ils t’ont volé ? Est-ce qu’ils t’ont violée ? Avait-il demandé en me dévisageant avec colère.

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