#Chapitre 4
Le lendemain du message anonyme, Clarisse n’était plus la même.
Elle avait toujours été calme, méthodique, presque froide dans sa manière de gérer le quotidien. Mais depuis qu’elle avait vu ces mots — « Ton mari te trompe depuis des mois. Regarde qui il fréquente. » — quelque chose avait changé.
Elle ne posa aucune question. Ne fit aucune scène. Mais ses silences devinrent plus lourds. Plus tranchants. Chaque regard adressé à Malik semblait cacher une tempête soigneusement contenue.
Et Malik, lui, ne remarqua rien.
Ou plutôt, il fit semblant.
Ce soir-là, Malik rentra tard, une fois de plus. Clarisse était déjà installée dans le canapé, une série Netflix en pause sur l’écran, mais les yeux fixés sur son téléphone.
— Désolé du retard, dit-il machinalement.
— Je ne t’attendais pas, répondit-elle sans même lever les yeux.
Il s’arrêta, un peu surpris par le ton.
— Tu veux qu’on parle ?
— Tu veux me dire quoi ? Où tu étais ? Ce que tu fais ? Ou tu veux me raconter encore un de tes jolis mensonges ?
Il la regarda longuement.
— Je crois qu’on est tous les deux fatigués, Clarisse.
— Pas moi. Moi, je me réveille enfin.
Elle se leva, contourna le canapé, s’approcha de lui. Le regard planté dans le sien.
— Tu vois, Malik… j’ai longtemps fermé les yeux. Je me disais que ce que je ne vois pas ne me détruirait pas. Mais je crois que je suis en train de redevenir une femme. Une vraie. Et une vraie femme ne reste pas là à regarder son homme la trahir sans réagir.
Elle passa devant lui, monta les escaliers, sans attendre sa réponse.
Malik resta figé.
Ce n’était pas de la colère. C’était pire.
C’était le calme d’une tempête qui se prépare.
Pendant ce temps, Josué, de plus en plus fatigué par la tension avec Nolwenn, répondait à un message inattendu : un appel de Clarisse.
— Josué ? Tu as une minute ?
— Toujours. Qu’est-ce qu’il y a ?
— Je me sens seule. Très seule. J’aurais besoin de parler. Juste parler.
Un silence. Puis Josué soupira.
— Donne-moi l’adresse.
Clarisse avait préparé un repas simple, mais raffiné. Une robe en satin noir moulait parfaitement ses courbes. Josué, en la voyant ouvrir la porte, fut saisi d’un malaise étrange. Elle n’avait jamais été aussi belle. Ni aussi dangereuse.
— Je sais que tu es l’ami de Malik, dit-elle dès qu’ils furent assis. Et je ne veux pas que tu te sentes piégé. Ce que je veux, c’est juste un moment de vérité. Un moment sans mensonges.
— Tu veux parler de lui ? demanda Josué.
— Je veux parler de moi. De ce que je ressens. De ce que je suis en train de devenir. Je veux sentir que je vis, Josué. Et toi ? Est-ce que tu te sens vivant ?
Il la regarda. La sincérité dans ses yeux. Le tremblement léger dans ses mains. Le vin dans leurs verres qui montait doucement.
— Non, répondit-il.
Elle se leva. Fit quelques pas. Puis se retourna lentement.
— Alors pourquoi est-ce qu’on continue tous à vivre des vies qui nous tuent à petit feu ?
Il ne sut pas répondre.
Elle s’approcha. Lentement. Se posta devant lui. Et cette fois, elle ne recula pas.
— Ce soir, j’ai envie d’oublier que je suis la femme de Malik. Et toi, oublie que tu es son ami. Juste pour quelques heures.
Josué sentit son cœur battre plus fort. Une tension irrespirable s’installa. Mais au lieu de fuir, il se leva, s’approcha d’elle à son tour. Leurs visages à quelques centimètres. Le souffle court.
Clarisse l’embrassa.
Et ce n’était pas un baiser volé.
C’était une déclaration de guerre.
Dans la chambre conjugale, le drap glissa sur les épaules de Clarisse. Son corps épousa celui de Josué avec une lenteur calculée. Chaque geste, chaque soupir, chaque mouvement était chargé d’une intensité rare. Comme si ce qu’ils faisaient était interdit… mais nécessaire.
Elle le chevaucha lentement, ses hanches ondulant au rythme de sa vengeance. Il la tenait par la taille, la regardant droit dans les yeux, sans honte, sans peur.
— Encore, murmura-t-elle. Ne t’arrête pas.
Et il obéit. Comme s’il devait expier une faute.
Une heure plus tard, haletants, nus, en sueur, ils restèrent allongés, sans un mot. Leurs cœurs battaient encore fort. Clarisse tourna la tête vers lui.
— On vient de commettre quelque chose de grave.
— Je sais, répondit Josué.
Elle sourit tristement.
— Alors pourquoi est-ce que j’ai envie de recommencer ?
Le lendemain matin, Malik se réveilla seul. Clarisse était déjà levée. La maison était silencieuse.
Un mot l’attendait sur la table.
> « J’ai pris une journée. J’ai besoin d’espace. »
Il soupira. Puis attrapa son téléphone.
Pas de message de Neya non plus.
Il avait semé le chaos partout.
Et récoltait maintenant les tempêtes.
Chez elle, Neya écrivait dans un journal. Une habitude qu’elle avait reprise depuis que Malik était entré dans sa vie.
> « Je sais qu’il ment. Je le sens. Mais je me surprends à l’aimer. C’est peut-être moi, la plus faible. Ou la plus folle. »
Elle relut ces lignes, puis soupira. Un appel en attente sur son téléphone.
C’était… Josué.
— Salut, dit-elle.
— Je crois que j’ai fait une bêtise, répondit-il, la voix grave.
— Dis-moi.
— Clarisse. Hier soir. On a… on s’est laissé emporter.
Un long silence.
— Tu le regrettes ? demanda-t-elle doucement.
— Je ne sais pas encore. Mais je sais que rien ne sera plus comme avant.
— Alors prépare-toi. Parce que ce n’est que le début.
Et en effet, ce n’était que le début.
Clarisse, ce matin-là, n’était pas partie travailler.
Elle avait rendez-vous avec un avocat.
Elle voulait tout savoir sur les droits d’une épouse trahie. Et sur ce qu’elle pourrait obtenir si elle décidait de tout faire exploser.
Mais elle voulait aussi une autre chose : le numéro d’un journaliste d’investigation. Quelqu’un capable de faire tomber Malik publiquement… s’il le fallait.
Et pendant qu’elle se préparait, Josué, lui, errait dans la rue, incapable de comprendre ce qu’il venait de faire : trahir son meilleur ami, avec sa femme.
