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#Chapitre 3

Le lendemain matin, Clarisse s’assit dans le salon, son café à peine entamé, les paupières lourdes. Elle n’avait pratiquement pas fermé l’œil de la nuit. Le message anonyme reçu la veille la hantait encore. Il s’était imprimé dans sa mémoire avec la précision d’un scalpel.

> "Tu crois qu’il t’aime encore ? Tu devrais ouvrir les yeux."

Ce n’était qu’une phrase, mais elle avait suffi à fissurer ses certitudes. Elle ne savait pas d’où venait ce message ni pourquoi il lui avait été envoyé, mais une chose était sûre : quelqu’un voulait qu’elle découvre quelque chose. Et elle allait découvrir quoi.

Elle attrapa son ordinateur portable, l’alluma et fixa l’écran un moment, hésitante. Devait-elle fouiller ? Se transformer en détective ? Cela lui semblait mesquin, indigne d’elle. Pourtant, l’idée de rester passive, de fermer les yeux sur l’évidence, lui paraissait encore pire.

Elle ouvrit leur boîte mail commune. Rien d’étrange. Des messages banals, des confirmations de rendez-vous, des factures. Tout semblait en ordre. Trop en ordre. Elle consulta ensuite les messages de Malik sur Messenger, ceux qu’il lui écrivait quand leur couple allait bien, lorsqu’il la surnommait « ma lumière ». Depuis quelque temps, ces petits mots s’étaient faits rares. Presque inexistants.

Un frisson la parcourut. Était-elle devenue invisible à ses yeux ? Ou était-ce elle qui avait arrêté de regarder ? Elle referma brutalement l’ordinateur. Il lui fallait de l’air.

Pendant ce temps, de l’autre côté de la ville, Malik était déjà installé en terrasse au petit café où Neya lui avait donné rendez-vous. Il avait commandé un expresso qu’il n’avait pas encore touché. La nervosité lui nouait l’estomac. Il s’efforçait de rester calme, de garder son masque. Mais à l’intérieur, quelque chose se fissurait.

Il n’aurait jamais cru que Neya reviendrait vers lui. Encore moins de cette façon. Elle avait changé. Elle n’était plus la jeune femme fébrile qu’il avait connue. Il sentait en elle une force nouvelle. Elle contrôlait désormais les échanges. C’était elle qui dictait le rythme. Et lui… il n’était plus que spectateur.

La porte du café s’ouvrit, et Neya entra. Elle portait une robe beige fluide qui lui donnait une allure presque irréelle. Ses cheveux étaient relevés en un chignon flou, et son regard tranchait avec la douceur de son apparence. Froid, précis. Intrusif.

Elle s’arrêta devant sa table, le jaugeant sans un mot.

— Assieds-toi, dit Malik d’une voix qu’il voulait détendue.

— Non. Pas encore. Dis-moi d’abord : tu comptes me dire la vérité aujourd’hui ?

Il leva lentement les yeux vers elle. Un demi-sourire s’étira sur son visage, sans atteindre ses yeux.

— Tu m’as dit que tu savais déjà tout, non ? Il n’y a plus rien à cacher.

Neya croisa les bras sur sa poitrine, penchant légèrement la tête.

— Tu sais très bien que ce n’est pas vrai. Ce que je sais, ce sont des morceaux. Des fragments. Ce que je veux maintenant, c’est le tableau entier.

Elle s’assit finalement, mais ne le quitta pas du regard. Malik sentit sa gorge se serrer. Il n’aimait pas ce regard. Pas venant d’elle.

— D’accord, souffla-t-il. Tu veux la vérité ? Je vais t’en donner un bout. Oui, je suis marié. Et oui, je t’ai menti.

Il baissa les yeux vers sa tasse de café et ajouta dans un murmure :

— Mais ce n’est pas aussi simple que tu le penses.

— Ce ne l’est jamais, répondit-elle. Mais je veux comprendre, Malik. Je veux savoir pourquoi tu es venu vers moi. Pourquoi tu m’as menti. Pourquoi tu m’as laissée t’aimer alors que tu ne pouvais rien me donner en retour.

Un silence lourd s’installa entre eux. Dans le fond du café, une chanson douce passait à la radio. Une ballade mélancolique. Elle semblait souligner chaque mot non prononcé entre eux.

— Ce que j’ai ressenti avec toi, ce n’était pas faux, dit-il enfin. Mais j’étais déjà pris. Piégé, peut-être. Ou lâche. Je ne sais pas.

— Tu aurais pu partir. Tu aurais pu choisir, rétorqua-t-elle, amère.

— Et toi, Neya ? Tu es revenue, pourquoi ? Pour me punir ? Pour me faire tomber ?

Elle le regarda droit dans les yeux, longuement.

— Peut-être, dit-elle. Peut-être que je veux que tu ressentes un peu de ce que j’ai ressenti quand tu m’as brisé. Ou peut-être que je suis juste curieuse de voir jusqu’où tu es prêt à aller pour protéger ton mensonge.

Pendant ce temps, Clarisse, en proie à l’angoisse, avait quitté la maison. Elle avait besoin de parler, de vider son cœur. Sans réfléchir, elle appela Josué. Elle savait que c’était risqué. Josué était le meilleur ami de Malik. Mais justement, s’il y avait bien quelqu’un qui pourrait l’éclairer sans trahir directement, c’était lui.

Ils se retrouvèrent dans un parc calme, à l’ombre d’un grand chêne. Clarisse avait les yeux rougis, le regard perdu.

— Tu vas bien ? demanda Josué, sincèrement inquiet.

— Tu sais que non, murmura-t-elle.

Il la laissa parler. Elle lui raconta le message, les doutes, les silences de Malik, son changement d’attitude. Josué resta silencieux pendant tout le récit.

— Je ne veux pas l’accuser à tort, tu sais. Mais je sens que quelque chose a changé. J’ai l’impression d’être dans le noir. Et ça me fait peur.

Josué soupira. Il connaissait Malik. Il savait aussi ce qu’il avait été capable de faire par le passé. Mais il ne voulait pas trahir son ami. Pas directement. Pourtant, devant la douleur de Clarisse, il sentit son propre silence lui peser.

— Je vais te dire quelque chose, Clarisse. Je ne sais pas tout. Mais je sais que Malik traverse une période trouble. Il est… perdu. Et ce n’est pas à cause de toi. C’est lui, le problème. Pas toi.

Elle le regarda avec gratitude. Un mélange de soulagement et de peur.

— Tu crois qu’il me trompe ?

Josué ferma les yeux une seconde.

— Je crois qu’il lutte. Contre lui-même. Mais je crois aussi qu’il est en train de glisser.

Retour au café. Malik s’était levé. Il n’en pouvait plus de ce huis clos. Neya se leva à son tour, le suivant.

— Tu comptes fuir encore une fois ? demanda-t-elle.

— Ce n’est pas fuir. C’est respirer. Tu me suffoques, Neya.

Elle s’approcha lentement de lui. À quelques centimètres de son visage.

— Tu crois que ce que tu m’as fait ne m’a pas suffoquée ? Tu crois que je vais te laisser tranquille ? Tu ne mérites pas ma paix.

Il la fixa. Il y avait quelque chose de cassé dans ses yeux. De douloureux. Il avait blessé cette femme, et elle n’était pas revenue pour le pardonner. Elle était revenue pour que la douleur circule à nouveau. Pour que le poison se répande.

— Tu veux quoi ? Que je quitte Clarisse ? Que je me détruise ?

Elle pencha la tête, un demi-sourire aux lèvres.

— Non. Je veux que tu regardes en face ce que tu es devenu. Un lâche. Un menteur. Et je veux que tu saches que tôt ou tard, ce que tu caches finira par exploser. Tu sais pourquoi ?

Il la regarda, sans répondre.

— Parce que je ne suis plus la fille que tu as abandonnée. Je suis celle qui va te mettre face à ta vérité.

Elle se retourna et partit, le laissant seul, au milieu de ses contradictions.

Ce soir-là, Clarisse rentra chez elle avant Malik. Elle s’assit sur le canapé, les yeux perdus dans le vide. Elle savait que quelque chose allait changer. Elle le sentait dans l’air. Comme une tempête qui s’annonçait, encore lointaine, mais inévitable.

Quand Malik entra, elle ne se leva pas. Il vit son visage fermé, ses mains crispées sur ses genoux.

— On peut parler ? demanda-t-elle.

Il hocha la tête, mais un frisson le traversa.

Elle se tourna vers lui.

— Je veux que tu me dises la vérité. Toute la vérité.

Et dans son regard, il sut que ce soir, il ne pourrait plus reculer.

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