#Chapitre 2

Neya fixait toujours son écran. La photo de mariage restait là, figée, comme une gifle numérique. Malik, dans son élégant costume ivoire, arborait un sourire qu’elle reconnaissait à peine. Et la femme à son bras, Clarisse, irradiait d’un bonheur tranquille.

Ce n’était pas une erreur. Ce n’était pas une ex. Ce n’était pas une histoire passée.

C’était sa femme.

Il avait menti.

Le lendemain, Neya se leva tôt. Très tôt. Elle s’était juré de ne plus faire confiance à la première impression. L’image de l’homme parfait, sûr de lui, drôle et charmeur… c’était un masque. Et elle, elle avait failli tomber.

Mais ce qui l’intriguait le plus, ce n’était pas tant le mensonge. C’était le pourquoi. Pourquoi un homme qui avait, apparemment, tout ce que beaucoup rêvaient d’avoir, jouait avec le feu ? Était-ce l’ennui ? Le manque ? Ou autre chose de plus profond, de plus sombre ?

Elle décida de ne pas annuler leur rendez-vous du jour.

Non. Elle voulait le confronter.

Mais pas frontalement.

Elle voulait observer. Creuser. Comprendre ce qui se cachait derrière ce charme de façade.

Au même moment, Josué, lui, quittait l’appartement de Nolwenn après une énième dispute silencieuse. Pas de cris, pas de gestes. Juste le mépris, l’indifférence, et cette distance qui grandissait à chaque jour passé ensemble.

Il se retrouva, comme souvent, au café du coin. Le même où Malik rencontrait ses conquêtes. Mais ce jour-là, Malik n’était pas encore arrivé.

Josué s’installa, seul, sirotant son café, perdu dans ses pensées.

C’est là que Neya entra.

Elle ne le reconnut pas immédiatement. Lui non plus. Mais lorsqu’elle passa près de sa table, elle s’arrêta net.

— Excusez-moi… Vous êtes… Josué, n’est-ce pas ?

Il leva la tête, surpris.

— Oui… et vous ?

— Neya. On s’est croisé l’autre soir, brièvement. Vous étiez avec… Malik.

Josué hocha la tête. Un silence.

— Je peux ? demanda-t-elle en désignant la chaise en face de lui.

— Bien sûr.

Elle s’installa. Pas par hasard. Mais par stratégie. Si elle voulait comprendre Malik, il fallait comprendre son entourage.

— Vous êtes proche de lui ?

— Malik ? répondit Josué. Oui. Depuis la fac. On a traversé beaucoup de choses ensemble.

Elle hocha la tête.

— Il vous parle de sa vie privée ?

Josué fronça les sourcils.

— Pourquoi ?

— Simple curiosité.

Il la regarda avec plus d’attention. Quelque chose clochait. Elle n’était pas là pour discuter. Elle cherchait des réponses.

— Vous sortez avec lui ? demanda-t-il finalement.

Elle sourit doucement.

— Disons qu’il m’a approchée.

— Et vous avez vu ce qu’il cache…

— Exactement.

Un silence, lourd, s’installa entre eux. Puis Josué soupira.

— Malik n’a pas toujours été comme ça. Il était amoureux de Clarisse. Follement. Mais la routine… le vide… je ne sais pas ce qui s’est passé. Il a commencé à changer. À mentir. À séduire. À fuir, surtout.

— Et Clarisse ?

— Elle… elle semble détachée. Comme si tout cela ne la concernait plus.

Neya observait Josué. Il parlait avec franchise. Sans défendre son ami, mais sans non plus l’enfoncer. C’était rare.

— Et vous ? demanda-t-elle.

— Moi ?

— Votre histoire avec Nolwenn.

Il sourit tristement.

— Un désastre maquillé en promesse. Elle est avec moi pour ce que je lui apporte. L’amour ? Je crois que je suis seul à en donner.

Leurs regards se croisèrent. Deux étrangers, deux blessures. Et peut-être… une même solitude.

Quelques heures plus tard, Malik arriva au même café. Il vit Neya attablée avec Josué, riant doucement à une remarque qu’il venait de faire. Un éclair de jalousie, inattendu, lui traversa la poitrine.

Il s’approcha, masquant son trouble.

— Neya. Josué. Je dérange ?

— Tu nous rejoins ? demanda Josué, un brin moqueur.

Malik s’assit. Neya ne disait rien. Mais son regard avait changé. Moins admiratif. Plus distant.

— Tu es arrivé en retard aujourd’hui, nota-t-elle.

— J’avais un rendez-vous pro, improvisa Malik.

Elle sourit.

— Tu as souvent des rendez-vous imprévus ?

— Le travail est imprévisible.

Josué les regardait, curieux. Il sentait la tension sous-jacente.

Puis Neya se leva.

— Je vous laisse, messieurs. J’ai à faire.

Elle serra la main de Josué, lança un simple « à bientôt » à Malik, et partit sans un regard en arrière.

Malik resta figé.

— Qu’est-ce qu’il s’est passé ? demanda-t-il à Josué.

— Tu veux la vérité ?

— Toujours.

— Je crois qu’elle a compris que tu lui avais menti. Et elle ne supporte pas ça.

Malik ne répondit pas. Il sentait le contrôle lui échapper.

Et ça, il détestait.

Le soir venu, Clarisse reçut un message anonyme sur son téléphone.

"Ton mari te trompe depuis des mois. Si tu veux des preuves, regarde bien qui il fréquente en dehors du bureau."

Elle relut le message. Plusieurs fois. Sans bouger. Puis, d’un geste lent, elle verrouilla son écran et reprit sa lecture comme si de rien n’était.

Mais à l’intérieur, un feu froid s’était allumé...