Chapitre 004
Au matin, Hugo se réveilla avant l’aube.
Le corps d’Ana était lové contre le sien, sa main posée sur son torse. Ses cheveux blonds s’éparpillaient sur l’oreiller, et il sentit un élan sauvage de tendresse, mêlé à une peur qu’il n’avait jamais connue.
Il se souvenait de chaque seconde de la nuit. De ses soupirs, de la chaleur de sa peau, de la façon dont elle avait pleuré quand il l’avait prise une seconde fois, plus fort, jusqu’à ce que leurs deux corps cèdent.
Maintenant, dans la lumière naissante, il prenait conscience de l’ampleur du désastre.
Il avait trahi Aitana.
Il avait trahi la promesse qu’il s’était faite : ne jamais céder.
Et pourtant, il n’éprouvait aucun regret.
Ana remua contre lui, encore à moitié endormie. Ses cils battirent, et elle leva les yeux vers lui.
Il lut la même peur, la même certitude irrévocable.
— Je… je ne sais pas quoi dire, murmura-t-elle.
Il caressa sa joue.
— Ne dis rien.
— Ça ne devait pas arriver.
— Je le sais.
Elle ferma les yeux, enfouissant son visage contre son cou. Il la serra plus fort. Il n’avait pas la force de la repousser.
Quand elle se leva pour s’habiller, il sentit le vide se refermer autour de lui. Elle remit sa robe froissée, évitant son regard.
— Et maintenant ? souffla-t-elle.
— Maintenant… on va faire semblant.
— Tu crois qu’on peut ?
— On va devoir.
Elle hocha la tête, les yeux humides. Puis elle quitta la chambre, ses pas si légers qu’il crut un instant avoir rêvé la nuit qu’ils venaient de partager.
Il resta longtemps assis sur le lit, le front entre les mains.
Au fond, il savait qu’il mentait.
Qu’il ne pourrait plus faire semblant.
La matinée se déroula dans une fausse normalité.
Aitana revint d’un rendez-vous avec un investisseur allemand. Elle entra dans le hall en tapotant sur son téléphone, sans même lever les yeux vers lui.
— Je vais devoir partir à Berlin pour quatre jours, annonça-t-elle d’un ton neutre.
— Quand ? demanda-t-il, la gorge sèche.
— Demain. Je prendrai le jet de huit heures.
Il hocha la tête. Il sentit une partie de lui se réjouir de la voir partir.
Et une autre se détester pour ce soulagement.
Elle releva enfin le visage, son regard brillant d’une intelligence glacée.
— Tout se passe bien avec Ana ?
— Oui. Elle est… parfaite.
Elle plissa légèrement les yeux, comme si elle cherchait à deviner ce qu’il taisait.
— Parfait. Tant mieux. Je compte sur toi pour surveiller qu’elle suive bien son traitement.
— Bien sûr.
Elle se pencha, effleurant sa bouche d’un baiser rapide. Il n’y répondit pas.
La nuit tomba sur Cascais.
Hugo n’alluma aucune lumière. Il resta assis dans le salon, un verre à la main, les yeux fixés sur l’océan noir.
Il entendait Ana marcher à l’étage.
Chaque pas résonnait en lui comme un appel.
Quand il la vit descendre, vêtue d’une longue chemise de coton, il sut qu’il ne résisterait pas.
Elle s’arrêta dans l’embrasure, tremblante.
— Je ne voulais pas… interrompre.
— Tu n’interromps rien.
— Je n’arrive pas à dormir.
Il se leva, posa son verre. Il s’approcha d’elle, assez près pour sentir sa chaleur.
— Moi non plus.
Ils restèrent quelques secondes sans un mot.
Puis elle posa sa main sur sa poitrine, au-dessus de son cœur.
— J’ai peur…
— De quoi ?
— De ne plus pouvoir m’arrêter.
Il ferma les yeux, prit sa main dans la sienne.
— Moi aussi.
Il l’attira doucement contre lui. Ses seins se pressèrent contre son torse, et il sut qu’il était déjà trop tard.
— Hugo…
Elle ne dit rien de plus. Elle bascula la tête en arrière, l’invitant à prendre sa bouche.
Le baiser fut plus violent que la veille. Il y avait de la faim, du manque, une impatience qui leur arrachait le souffle. Il la porta jusqu’au canapé, la fit asseoir à califourchon sur ses cuisses.
Elle écarta les pans de sa chemise, révélant son ventre qui commençait à s’arrondir. Il baissa la tête et l’embrassa, lentement, avec une tendresse presque douloureuse.
— Regarde-moi, murmura-t-il.
Elle releva ses yeux noyés de désir.
— Tu es belle. Belle à en devenir fou.
Il glissa sa main entre leurs corps. Quand il la caressa, elle se cambra en un gémissement aigu.
— Je… je ne peux plus…
— Moi non plus.
Ses doigts la pénétrèrent doucement, et elle gémit encore, la tête basculée en arrière. Il l’observa se perdre sous ses caresses, fascinée par la vulnérabilité qui la rendait plus précieuse que tout ce qu’il avait jamais possédé.
Quand elle atteignit l’orgasme, il la soutint contre lui, la serrant si fort qu’il crut la briser.
Elle posa sa bouche contre la sienne, haletante.
— Je ne veux pas que ça s’arrête…
Il caressa son dos, enfouissant son visage dans son cou.
— Ça ne s’arrêtera pas.
Il sut qu’il disait la vérité.
Plus tard, quand elle remonta se coucher, il resta seul dans le salon.
Il se sentait ivre, pas seulement de désir, mais d’un attachement plus profond, plus dangereux.
Et il comprit qu’il venait de tout perdre.
