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La Mère Porteuse

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Lukando
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Résumé

La Mère Porteuse Au sommet des collines blanches de Lisbonne, dans la villa vitrée où l’océan semblait n’être qu’un tableau mouvant, ils avaient bâti un empire. Sept ans d’ambition, de calculs et de sacrifices, un pacte gravé comme un serment d’airain : accumuler plus de richesses qu’aucun d’eux n’aurait jamais cru possible, puis, à la huitième année, offrir la vie à un enfant qui serait leur héritier. Il pensait que leur rêve était intact. Qu’elle l’était aussi. Ce matin-là, il s’était avancé vers elle, un sourire qu’il n’avait plus eu depuis longtemps, les mains tremblantes de joie. Il s’était imaginé son visage radieux, l’étreinte, les larmes peut-être. Mais ses mots se fracassèrent contre un mur invisible : — C’est le moment, Aitana. Il est temps… Il est temps de faire notre enfant. Elle n’avait pas levé les yeux de son téléphone. — Un enfant ? murmura-t-elle d’une voix trop calme. Tu veux que je sacrifie mon corps ? Ma taille ? Mon énergie ? Tu crois que j’ai attendu sept ans pour devenir une mère grassouillette et invisible ? Il resta figé. Dans le silence, il crut entendre son cœur se fendre. Elle souriait, un rictus glacé qu’il n’avait jamais vu sur son visage. — Nous avons l’argent, Hugo. Nous pouvons engager une mère porteuse. Une belle, jeune, solide. Moi, je n’ai pas… le temps. Elle s’était levée, le pas léger, et était partie sans un regard. Ce soir-là, il avait bu seul sur la terrasse, face à la mer. Il avait tenté de se convaincre qu’elle avait raison, qu’il fallait l’accepter. Mais une fissure s’était ouverte en lui, profonde et obsédante. Il voulait un enfant, oui. Mais pas conçu comme on achète un bijou rare. Le lendemain, malgré tout, il accepta. Deux semaines plus tard, on leur présenta Ana. Vingt-cinq ans, le regard d’un bleu tendre, la peau dorée, un sourire qui lui serra la gorge. Il crut que c’était la lumière qui vacillait, qu’il était fou d’imaginer le désir dans le sillage de ses pas. Il se promit qu’elle ne serait jamais rien qu’un ventre, une promesse biologique. Un simple passage vers la paternité. Il n’avait pas encore compris que le destin, parfois, se nourrissait des fissures qu’on refuse de voir. Et qu’une obsession pouvait naître dans le battement d’un cil, dans l’ombre d’un ventre qui s’arrondirait bientôt. Dans cette maison de verre, tout allait basculer.

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Chapitre 001

Le vent s’engouffrait par les grandes baies vitrées de la villa de Cascais, faisant claquer les rideaux de lin comme des voiles battant sur l’Atlantique. Hugo se tenait debout, immobile, la main posée sur la rambarde froide de l’escalier en marbre. Il scrutait sa femme qui tournait autour du salon, le téléphone vissé contre son oreille, un rictus parfaitement dessiné au coin des lèvres.

Sept ans.

Sept ans qu’ils vivaient dans ce château de verre, qu’ils accumulaient contrats, succès et trophées. Ils s’étaient promis de patienter. De différer la vie pour mieux la posséder. Et maintenant qu’ils avaient enfin la liberté, la fortune, la sécurité, elle ne voulait plus rien partager.

— Tu m’as entendue, Hugo ? Je disais qu’on devrait partir à Porto pour le week-end. Le chef de projet de Lusanova veut nous faire visiter un vignoble.

Il la regarda sans répondre. Elle portait une robe ivoire, moulant son corps à la perfection, la taille fine, les cuisses galbées. Elle avait trente-deux ans, et semblait décidée à le rester éternellement.

— Aitana… murmura-t-il. Tu as oublié ce que nous avions dit.

— Quoi ?

Il sentit son pouls cogner sous sa chemise. Il inspira longuement, et laissa sa voix glisser, plus douce qu’il ne l’aurait voulu.

— C’est notre huitième année. Tu te rappelles ? La promesse que nous avions faite à Lisbonne, cette nuit sur le toit de l’hôtel Rossio. Quand tu as juré qu’un jour, nous aurions un enfant. Que rien ne compterait plus que lui.

Elle soupira, détournant le regard vers la baie.

— Je m’en souviens, Hugo. Je me souviens de chaque mot.

Il sentit un frisson d’espoir courir sous sa peau. Peut-être qu’elle allait enfin…

— Mais j’ai changé. Les priorités changent. Tu n’imagines pas la pression que je subis pour rester… comme ça.

Elle passa une main lente sur sa hanche. Son geste était plus cruel qu’un coup.

— Tu crois qu’un ventre distendu, des seins lourds et des cernes vont me rendre heureuse ?

— Ça nous rendrait heureux, Aitana. Ça…

— Non. Toi, peut-être. Moi, jamais.

Il sentit son cœur tomber dans un puits. Les mots se coinçaient dans sa gorge, brûlants, amers.

Elle reprit sa marche dans le salon, sa voix légère.

— Mais je ne suis pas contre l’idée d’un enfant. Si c’est vraiment ce que tu désires… nous pouvons engager une mère porteuse.

Un instant, il crut qu’il allait perdre pied.

— Une mère porteuse ? répéta-t-il, comme si le concept lui était étranger.

— Oui. C’est une solution parfaitement respectable. Nous avons les moyens, et c’est légal au Portugal. Tu auras ton bébé, sans que j’y laisse ma jeunesse.

Elle ponctua sa phrase d’un petit sourire triomphant, puis s’éloigna vers la cuisine, ses talons claquant sur le carrelage.

Le silence retomba. Hugo ferma les yeux. Il se souvenait de leurs nuits à vingt-cinq ans, quand ils rêvaient ensemble de la chambre du futur bébé. Du papier peint ivoire, un petit lit à barreaux, des mobiles en bois clair. Elle riait, elle pleurait, elle se lovait contre lui en murmurant qu’elle serait la meilleure mère.

Tout cela n’était plus qu’un conte qu’il était seul à porter.

Il passa la main sur son front, laissant la brise salée balayer ses pensées. Peut-être qu’elle avait raison. Peut-être qu’il s’obstinait à vouloir quelque chose qui n’existait plus.

Le lendemain, ils prirent rendez-vous dans une clinique privée à Porto. Les couloirs sentaient la lavande et la cire. Tout était lisse, aseptisé, luxueux. Aitana semblait parfaitement à l’aise, discutant des options comme on choisit une collection de robes.

— Nous voulons une jeune femme, en bonne santé, expliquait-elle à la conseillère. Si possible, belle.

Le mot le frappa comme un revers. Belle. Pour qui ? Pour quoi ?

— Bien sûr, madame. Nous avons plusieurs candidates, toutes soigneusement sélectionnées.

La conseillère leur montra un dossier. Hugo le prit d’une main tremblante. Les photos défilaient : brunes, blondes, métisses. Des sourires doux, des regards un peu gênés.

Puis il tourna une page et la vit.

Ana. Vingt-cinq ans. Une silhouette fine, presque fragile. La peau couleur miel. Les yeux d’un bleu lumineux, si clair qu’il en fut ébloui. Ses cheveux blonds retombaient en mèches légères sur ses épaules. Elle ne souriait pas. Elle avait l’air sérieuse, presque mélancolique.

Il sentit quelque chose se fissurer. Une émotion qu’il ne sut pas nommer.

— Elle est… parfaite, souffla Aitana en se penchant vers lui. Qu’en penses-tu ?

Il n’arrivait pas à détacher son regard de la photo.

— Oui… elle est… très bien.

— Alors c’est décidé. Nous prendrons Ana.

Cette nuit-là, il ne trouva pas le sommeil. Il resta des heures dans le noir, la photo gravée derrière ses paupières. Il s’en voulut. C’était indécent. Une trahison avant même qu’il l’ait approchée.

Mais il savait, dans un repli de son esprit qu’il aurait préféré ignorer, qu’Ana venait de devenir bien plus qu’un ventre.

Le premier entretien eut lieu dans une salle de verre donnant sur un patio inondé de lumière. Ana portait une robe crème qui épousait ses hanches. Elle baissa les yeux quand il entra, et ses joues se teintèrent d’un rose délicat.

— Monsieur et madame Carvalho… merci de me recevoir.

Sa voix était douce, presque un murmure. Il sentit sa gorge se serrer.

— Merci à vous, Ana, dit Aitana avec un sourire d’apparat. Nous avons lu votre dossier. Nous sommes impressionnés par votre sérieux.

— Je suis honorée de pouvoir vous aider, murmura Ana.

Hugo ne parvenait pas à la regarder sans un vertige. Il remarquait tout : la délicatesse de ses poignets, la ligne pure de son cou, l’ombre de ses cils.

— Nous souhaitons que vous viviez chez nous pendant la grossesse, ajouta Aitana. Nous voulons suivre chaque étape.

Ana hésita, levant ses yeux bleus.

— Chez vous ?

— Oui. Vous serez logée, nourrie, assistée. Tout le confort. C’est important pour nous que notre enfant… soit proche.

— Bien sûr. Si cela vous rassure…

— Ça nous rassure, confirma Hugo d’une voix plus rauque qu’il ne l’aurait voulu.

Quand elle quitta la pièce, il sentit l’odeur légère de son parfum, un sillage de jasmin et de vanille qui resta longtemps suspendu.

Aitana se tourna vers lui, radieuse.

— Elle est parfaite, tu ne trouves pas ?

Il ferma les yeux, luttant contre l’image de ses hanches sous le tissu clair.

— Oui… parfaite.

Ils quittèrent la clinique bras dessus bras dessous, comme un couple comblé. Mais au fond de lui, Hugo sut qu’il venait de franchir une ligne dont il ne reviendrait jamais.

Le lendemain, Ana emménagea. Les domestiques préparèrent une suite entière pour elle. Les valises furent déposées avec soin, et Aitana, impeccable dans sa robe cintrée, guida la jeune femme d’une voix calme.

Hugo les suivait, silencieux. Il observa Ana effleurer les draps, inspecter les armoires. Quand elle posa une main timide sur son ventre encore plat, il sentit un frisson lui remonter l’échine.

Ce ventre porterait son enfant.

Il ne savait pas encore que ce serait aussi le berceau de sa propre perte.