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004-Chair Convoitée

La salle principale du Monte-Carlo Private Club était plongée dans une lumière dorée, douce, presque religieuse. Des lustres en cristal descendaient comme des grappes célestes, reflétant leur éclat sur les murs recouverts de velours pourpre. L’air sentait le cigare fin, la rose noire, le whisky centenaire.

Et tous les regards convergeaient vers elle.

Cassya.

Elle était debout, seule, au centre de la pièce. Une robe noire fendue jusqu’à l’aine, le dos entièrement nu, des talons vertigineux, et une tiare d’émeraudes accrochée à ses cheveux noirs tirés en chignon impérial. Elle ne parlait pas. Elle n’avait pas besoin. Elle regardait, écoutait, jaugeait. Et les hommes autour d’elle devenaient nerveux.

Des milliardaires. Des rois du pétrole. Des financiers new-yorkais, des russes lustrés de vodka et de pouvoir, des chinois aux montres qui coûtaient des villes entières. Tous étaient là. Tous pour elle.

Et tous savaient que dans une semaine, l’un d’entre eux aurait le privilège de l’acheter.

Mais ce qu’aucun ne comprenait vraiment… c’est qu’elle les vendait tous.

Dans un coin plus sombre du salon privé, deux hommes observaient la scène. Deux anciens ennemis d’affaires que Cassya avait, sans même le vouloir, réconciliés par pure admiration commune.

— Elle est au-dessus de toutes les femmes que j’ai connues, souffla le premier. Une maîtresse russe, divorcé deux fois, propriétaire de mines d’or en Ouzbékistan.

— Elle n’est pas une femme, répondit l’autre. C’est une religion.

— Tu comptes enchérir ?

— J’ai déjà vendu un yacht. Je suis prêt à mettre cent millions sur la table. Elle vaut chaque dollar.

— Et s’il y a plus haut ?

— Alors je vendrai ma part dans le groupe North-Energy. Je suis prêt à tout perdre.

Un silence. Puis un soupir.

— Je crois qu’on l’est tous.

Cassya approcha du bar. Les conversations s’arrêtèrent. Même le pianiste, dans son élan, ralentit son jeu. Elle leva un doigt, et le barman lui servit immédiatement un verre de vin blanc glacé, sans un mot.

Un homme s’approcha. Costard bleu nuit, boutons de manchette en or blanc, visage rasé de près, sourire hollywoodien. Il s’inclina légèrement.

— Cassya.

— Monsieur Webb.

— Tu es sublime ce soir. On dirait que tu fais trembler le monde.

Elle porta le verre à ses lèvres, prit une gorgée, et le regarda enfin.

— Je ne fais pas trembler le monde, Harold. Je le tiens par les couilles.

Il sourit, légèrement troublé. Puis baissa les yeux.

— Je suis prêt à enchérir. Vraiment. Je viens de vendre mes parts dans deux holdings. Je veux… enfin, je suis prêt.

— À quoi ?

— À te mériter.

Elle reposa le verre.

— Ce n’est pas une question de mérite. C’est une question de prix.

Puis elle s’éloigna.

Dans les couloirs du club, elle retrouva son assistante personnelle, Anja, une blonde aux cheveux courts, ancienne espionne reconvertie en organisatrice d’événements secrets.

— Les dossiers sont prêts ? demanda Cassya.

— Oui. Les cinquante hommes ont reçu le contrat préliminaire. La clause principale est en rouge : aucun remboursement, aucun recours, aucun droit sur toi après la nuit.

— Parfait.

— Trois se sont retirés. Deux par peur de perdre, un par ordre de sa femme.

— Des faibles.

— Il en reste quarante-sept. Et les plus fous sont les plus silencieux.

Cassya hocha lentement la tête.

— Et Lazaro ?

Anja haussa les épaules.

— Il n’a rien répondu depuis le premier message. Mais ses hommes d’affaires ont contacté notre cabinet à Genève. Il veut… nous rencontrer. Seul. Avant l’enchère.

Cassya sentit une vibration dans le bas de son ventre. Un frisson étrange.

— Fixe le rendez-vous.

— Pour quand ?

— Demain. Minuit. À Capri.

Anja ne posa pas de questions. Elle connaissait Cassya. Elle sentait, sans qu’on lui dise, que cet homme-là n’était pas comme les autres.

Retour à la suite. Cassya retira ses bijoux lentement, comme on se défait d’une armure. Elle se regarda longuement dans le miroir.

Son visage était intact. Aucun faux cil déplacé. Aucun maquillage qui coule. Elle était toujours… parfaite.

Mais ses yeux, eux, avaient changé.

Une lueur nouvelle. Quelque chose de plus profond.

Elle s’assit devant sa coiffeuse, alluma une bougie parfumée, prit son carnet de cuir noir.

Et écrivit :

> Lieu : Monte-Carlo Private Club

Observations : 47 enchérisseurs confirmés. 3 défections. Tension extrême.

Homme observé : Harold Webb — 100M$ potentiel

Effet : néant. Je les contrôle tous.

Exception : Lazaro. Il n’achète pas. Il trouble.

Note : Il me faut le voir. Le comprendre. Le vaincre.

Le lendemain, elle voyagea seule jusqu’à Capri, dans une villa suspendue sur la mer, qu’elle gardait secrète même de ses plus proches amants.

Minuit.

Une voiture noire s’arrêta devant le portail. Un homme en sortit. Sans garde du corps. Sans secrétaire. Sans attaché.

Lazaro Del Vego.

Il entra, comme s’il était attendu. Et il l’était.

Cassya portait une robe de soie ivoire, sans bijoux, sans artifice. Pieds nus. Les cheveux détachés.

— Tu es venue, dit-il simplement.

— Toi aussi.

— Je voulais voir jusqu’où va ta folie.

— Elle est sans limite.

Il sourit.

— Je le sais.

Ils ne se serrèrent pas la main. Ne s’embrassèrent pas. Ne jouèrent aucun jeu.

Ils s’observaient. Deux prédateurs. Deux forces égales.

— Tu ne participeras pas à l’enchère ? demanda-t-elle.

— Non.

— Tu as peur ?

— Je ne joue pas là où les autres se battent. Je prends ce que je veux, quand je veux.

— Et si je ne veux pas être prise ?

Il s’approcha d’elle. Lentement. Jusqu’à effleurer ses lèvres d’un souffle.

— Alors tu es la seule chose que je désire vraiment.

Cassya sentit une chaleur monter dans sa poitrine. Pas sexuelle. Plus dangereuse.

Une émotion.

Elle recula d’un pas.

— Tu n’es pas invité à l’enchère, Lazaro.

— Je sais.

— Alors reste en dehors.

— Non.

— Pourquoi ?

— Parce que ce n’est pas toi, cette mise en scène. Tu veux te vendre pour te prouver que tu n’appartiens à personne. Mais en réalité, tu veux qu’un seul homme refuse d’acheter. Et cet homme, c’est moi.

Elle resta silencieuse.

Il ajouta :

— Tu peux continuer à jouer avec eux. À les faire ramper. Moi, je préfère te voir courir. Fuir. Te débattre dans ce que tu ressens.

Elle planta son regard dans le sien.

— Ce que je ressens, Lazaro… c’est le feu.

— Alors brûlons ensemble.

Ils ne couchèrent pas ensemble cette nuit-là.

Mais tout en eux vibrait comme si l’acte avait été consommé mille fois.

Et quelque part, Cassya le savait :

Lazaro ne participerait pas aux enchères.

Il ne miserait rien.

Mais il changerait tout.

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