Chapitre 3 Je suis ton homme
Élise sentit son estomac se tordre douloureusement. Elle n'avait rien mangé de la journée, et ne rendit que de l'acide, qui lui brûla la gorge et lui arracha des larmes malgré elle. Accroupie près de la poubelle, elle éprouva un désespoir comme jamais auparavant. Comment sa vie avait-elle pu en arriver là ?
Adrien, déjà d'humeur exécrable, vit ses pleurs et son visage défait. Ses traits se durcirent, une lueur sombre traversant ses pupilles. D'un pas brusque, il lui saisit le poignet et la releva avec rudesse.
— Pourquoi pleures-tu ? Tu n'as donc pas entendu ce que je t'ai dit ? Tu oses encore te plaindre ?
Élise, déjà au bord du malaise, ne s'attendait pas à ses sarcasmes.
— Adrien, je te déteste… Pourrais-tu disparaître de ma vue ?
Les humiliations accumulées explosèrent enfin.
Adrien sentit la colère monter en lui. La vue de ses larmes l'avait un instant attendri, mais ces mots ravivèrent toute sa fureur.
— Tu me détestes ? Alors, qui aimes-tu ? Lucien, peut-être ?
Saisi d'une rage soudaine, il l'entraîna de force vers un coin obscur, comme s'il voulait broyer ses os.
— Très bien. Aujourd'hui, je vais te rappeler qui est ton homme.
Élise n'avait jamais vu Adrien ainsi, comme une bête prête à dévorer sa proie. Terrifiée, elle sentit ses membres se glacer tandis qu'il la traînait vers un recoins isolé. Que voulait-il faire ?
— Lâche-moi ! Au secours…
À peine eut-elle crié qu'il lui étouffa la bouche. Menue et sans force, elle ne put résister. En quelques secondes, il l'avait plaquée contre le mur. Un déchirement sec retentit : sa robe noire fut arrachée avec violence.
Les yeux d'Adrien, d'ordinaire sombres, étaient injectés de sang, son regard féroce le rendant méconnaissable. Dans l'ombre, il ressemblait à un démon sorti des enfers.
— Élise, grave-le dans ton esprit : je suis ton homme.
Il détestait par-dessus tout la trahison. Même si cette femme ne comptait pas pour lui, elle lui appartenait. Il ne tolérerait pas qu'elle entretienne des liens avec un ancien amant.
Sans avertissement, il la pénétra brutalement. Un cri de douleur lui échappa, vite étouffé. Élise serra les dents, refusant de faire un bruit. Elle craignait que les invités, alertés, ne viennent assister à leur « étreinte ».
Adrien se déchaîna sur elle, comme un ouragan dévastateur. Chaque coup de reins la meurtrissait.
Plus tard, recroquevillée dans un coin, elle se couvrit d'une veste grise qu'il avait jetée sur elle. Adrien, toujours capable de gestes inattendus, rendait cette violence encore plus cynique.
Longtemps après, Élise se releva péniblement. À peine eut-elle émergé de l'ombre qu'elle aperçut sa mère, Hélène, s'avancer dans le couloir. Tout était perdu.
Paniquée, elle tenta de se cacher, mais trop tard.
— Élise ! Enfin te voilà ! s'exclama Hélène, les yeux brillants. Mais en s'approchant, elle remarqua la veste qui couvrait à peine sa fille, ses cheveux en désordre, ses lèvres tuméfiées et les marques sur son cou. Elle comprit aussitôt.
Contre toute attente, Hélène ne montra ni pitié ni indignation, mais une excitation malvenue.
— Adrien doit vraiment t'aimer, pour ne pouvoir se retenir même lors d'un dîner, dit-elle en souriant. Élise, saisis ta chance.
Élise sentit son dernier espoir s'effondrer. Même sa propre mère pensait ainsi. Qui pourrait la comprendre ?
— Maman, je suis épuisée. Je veux rentrer.
Hélène remarqua la robe déchirée, à peine dissimulée par la veste.
— Ton ventre est bien ingrat ! Trois ans, et toujours rien ! La colère la gagna. D'un geste brusque, elle frappa l'épaule d'Élise.
— C'est de ta faute ! Tu n'as même pas su garder ton enfant !
Élise vacilla, les jambes flageolantes. Les larmes coulèrent de nouveau.
— Assez avec cet enfant ! Si tu en veux tant, pourquoi n'en fais-tu pas un toi-même ?
— Comment oses-tu ? gronda Hélène. Pour qui te donnes-tu tant de mal ? Adrien t'a épousée parce que tu portais son enfant, et toi, tu as tout gâché ! Tu devrais être reconnaissante qu'il ne t'ait pas répudiée.
Élise, les yeux rougis, serra les poings. Les reproches des autres, elle pouvait les supporter. Mais ceux de sa mère…
— Oui, je devrais être reconnaissante. Bénir mon sort, le servir, et m'accrocher à sa fortune.
Hélène, sentant sa colère, l'observa avec attention.
— Vous vous êtes disputés ?
— Une dispute ? ricana intérieurement Élise.
Face à lui, c'était comme frapper un rocher. Il n'avait qu'à user de violence pour la réduire au silence. Dans ses yeux, elle pouvait lire : « Tu n'es pas d'accord ? Je te ferai céder. »
Hélène, soulagée, revint à son obsession :
— Regarde Léo, si mignon. Avec Adrien, ton enfant serait magnifique.
Élise, excédée, tourna les talons.
— Élise ! Écoute-moi ! Pour t'imposer dans la famille Huet, il te faut un fils !
— Un fils ? Un fils ?! Élise se retourna, les yeux injectés de sang. Je n'en aurai jamais ! Jamais ! Ça te suffit ?
Hélène, surprise par sa crise, voulut répondre, mais aperçut soudain une silhouette derrière sa fille.
Adrien.
Son visage se décomposa.
— Adrien, chéri, Élise divague, ne l'écoute pas…
Il s'avança, imposant, son mètre quatre-vingt-dix écrasant tout sur son passage.
— Répète ce que tu viens de dire. Répète.
