Bibliothèque
Français
Chapitres
Paramètres

Chapitre 4

--Le Pacte du Silence--

‎Je n’avais pas bougé.

‎Le froid du carrelage s’était infiltré dans mes genoux. La douleur entre mes cuisses battait encore comme un cœur étranger.

‎Je ne pleurais pas. J’aurais voulu. Mais rien ne venait. Mon corps était vide.

‎Quand la porte s’ouvrit à nouveau, j’eus la certitude absurde que Marek revenait pour me briser un peu plus.

‎Mais c’était Kaelan.

‎Il se tenait dans l’encadrement, vêtu d’un manteau sombre, le visage plus fermé que jamais.

‎Nos regards se croisèrent.

‎Je crus qu’il allait détourner les yeux, honteux. Mais non. Il soutint mon regard.

‎Il referma la porte derrière lui et avança sans un mot.

‎Je voulus me relever, cacher ma nudité, mais mes jambes refusèrent de me porter. Je me sentais comme une poupée qu’on avait trop serrée, jusqu’à la fissure.

‎Kaelan s’accroupit devant moi. Son parfum me frappa : un mélange d’encens et de peau chaude. Il tendit la main et effleura ma joue.

‎Je me crispai.

‎— Ne me touchez pas, soufflai-je.

‎Sa main resta en suspens.

‎— Tu es blessée ?

‎Je relevai les yeux, incrédule.

‎— Vous osez demander ? Vous saviez ce qu’il ferait…

‎— Je savais, oui.

‎Sa voix ne tremblait pas. Elle était calme, presque lasse.

‎— C’est un monstre, Kaelan. Il…

‎Je me tus. Les souvenirs de son corps contre le mien me traversèrent comme une décharge. Mes cuisses se contractèrent malgré moi. La honte me submergea.

‎Kaelan pencha la tête, étudiant mon visage.

‎— Et pourtant, tu l’as laissé faire.

‎— Je n’avais pas le choix !

‎— C’est faux.

‎Sa voix se fit plus basse.

‎— Tu aurais pu fermer ton esprit. Te détacher. Mais tu ne l’as pas fait.

‎Mes lèvres tremblèrent.

‎— Vous… vous êtes fou.

‎Il posa enfin sa main sur ma nuque.

‎— Non, Yasha. Je suis lucide.

‎Il approcha son visage du mien.

‎— Tu crois que je ne sais pas ce que tu ressens ? Que je n’ai pas vu ton corps répondre ?

‎Je fermai les paupières, comme pour m’arracher à lui.

‎— Je vous hais…

‎Sa paume glissa sur ma gorge, puis sur mon épaule nue.

‎— Et tu me désires.

‎— Non…

‎— Si.

‎Ses doigts se refermèrent sur ma mâchoire. Il me força à le regarder.

‎— C’est pour ça que tu es ici. Parce que tu es née pour être l’Offrande.

‎Je secouai la tête, des larmes brûlant mes joues.

‎— Laissez-moi partir… je vous en supplie.

‎Kaelan soupira.

‎— Tu sais que ce n’est plus possible.

‎Il se redressa, lentement. Il ôta son manteau qu’il posa sur mes épaules. Le tissu épais me couvrit jusqu’aux chevilles.

‎Je baissai les yeux.

‎— Qu’est-ce que vous voulez encore ?

‎Il croisa les bras.

‎— Que tu comprennes.

‎— Comprendre quoi ? Que je suis votre chose ?

‎— Non.

‎Il s’agenouilla de nouveau. Son visage était plus proche que jamais. Ses yeux, sombres, paraissaient presque douloureux.

‎— Que tu es née pour ça. Pour ressentir plus que n’importe quelle femme. Pour connaître le plaisir comme d’autres connaissent la foi.

‎Je voulus hurler. Mais aucun son ne sortit.

‎— Demain soir, Evran viendra, poursuivit-il.

‎— Non… je ne supporterai pas…

‎— Tu le supporterais, Yasha. Tu le supplieras même.

‎Je secouai la tête.

‎— Jamais.

‎Un silence s’installa.

‎— Alors faisons un marché.

‎Je relevai les yeux, surprise.

‎— Un marché ?

‎Il me fixa avec une intensité qui me fit trembler.

‎— Si tu traverses ce rituel sans tenter de t’enfuir, sans résister, je t’offrirai ce que tu désires le plus.

‎— Et qu’est-ce que je désirerais ?

‎Il sourit, sans joie.

‎— La liberté.

‎Je sentis mon cœur se serrer.

‎— Vous… vous me laisseriez partir ?

‎Il ne répondit pas tout de suite. Ses doigts glissèrent sous mon menton, relevèrent mon visage.

‎— Si, au terme des rituels, tu me regardes et tu peux jurer que tu ne ressens rien pour aucun d’entre nous, je te rendrai ta liberté.

‎Un espoir fragile naquit en moi.

‎— Vous me le jurez ?

‎— Oui.

‎Il se pencha et posa un baiser sur mon front.

‎— Mais si tu mens…

‎Son souffle effleura ma tempe.

‎— …alors tu resteras. Pour toujours.

‎Je retins un sanglot.

‎— Pourquoi… pourquoi me faites-vous ça ?

‎— Parce que tu es mienne. Et parce que, même si tu ne le sais pas encore, tu veux l’être.

‎Ses mains descendirent jusqu’à mes épaules. Il fit glisser le manteau, dévoilant ma peau nue. Ses paumes encadrèrent mon cou.

‎Je crus qu’il allait m’étrangler. Mais il se contenta de caresser ma gorge, lentement.

‎— Demain, Evran sera différent. Plus patient. Plus attentif. Tu croiras pouvoir le haïr.

‎Ses lèvres frôlèrent les miennes, sans m’embrasser.

‎— Mais tu découvriras que la haine est une forme de désir.

‎Il recula enfin. Il se leva et ramassa son manteau, me laissant nue sous le regard des chandelles.

‎Je baissai la tête, incapable de soutenir son regard plus longtemps.

‎— Bonne nuit, Yasha.

‎Ses pas s’éloignèrent.

‎Quand la porte se referma, je tombai à genoux.

‎Je pleurai.

‎Et, dans ce sanglot, je compris la chose la plus insupportable : qu’une part de moi attendait déjà demain.

Téléchargez l'application maintenant pour recevoir la récompense
Scannez le code QR pour télécharger l'application Hinovel.