Chapitre 4 – La Reine fait son entrée
Le ciel était clair, les étoiles timidement visibles au-dessus de la ville illuminée. Ce soir-là, toutes les caméras, tous les objectifs et toutes les attentions étaient tournés vers un seul événement : la soirée privée d’Éclipse, la maison de mode la plus en vogue et la plus puissante du moment.
L'invitation était prestigieuse, les noms triés sur le volet. Les Morel avaient bien sûr reçu la leur.
Claudine Morel, drapée dans une robe d’apparat surfaite, descendit de la voiture avec son fils Adrien, l’air grave, et Ambre, toute sourire, habillée pour impressionner.
— Ce soir, dit Claudine, nous allons peut-être recoller les morceaux de cette collaboration. Je ne tolérerai pas que cette entreprise nous échappe.
Mais soudain, un grondement de moteur rauque se fit entendre. Une voiture de luxe, italienne, racée et brillante, fit irruption sur l’entrée. Les paparazzis, les curieux et les invités se retournèrent comme un seul homme.
La portière s’ouvrit.
Joyce en descendit.
Vêtue d'une robe griffée par une grande maison italienne, élégante et sensuelle, les lignes de tissu se mêlaient à la perfection à sa silhouette. Ses talons de créateur claquaient sur le marbre, ses cheveux parfaitement coiffés en une queue de cheval haute et élégante lui donnaient une allure à la fois moderne et impériale.
Son maquillage était sobre, maîtrisé. Son regard... froid et assuré.
Le silence se fit quelques secondes.
Les Morel, figés, assistèrent à la scène sans voix. Adrien la reconnut immédiatement, mais resta tétanisé. Ambre écarquilla les yeux.
Claudine, elle, fronça les sourcils et serra son sac.
— Quelle honte… elle ose venir ici, cette traînée. Elle se donne en spectacle maintenant, avec des voitures luxueuses empruntées à ses amants, cracha-t-elle avec mépris.
Joyce la regarda une fraction de seconde, sans ciller. Puis tourna la tête, comme si elle ignorait jusqu’à son existence. Elle entra dans le bâtiment d’un pas sûr, sans se retourner.
— Tch ! Elle joue les grandes dames, murmura Ambre.
— Cette femme est ridicule, ajouta Claudine, plus piquée qu’elle ne voulait l’admettre.
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Dans la grande salle de réception, les invités, influents, élégants, buvaient des coupes de champagne tandis que les projecteurs s’alignaient sur la scène centrale. Un grand écran montrait les archives de la maison Éclipse, ses plus grands défilés, les plus célèbres collaborations.
À 21 heures précises, la lumière se tamisa.
Elliot Foster monta sur scène, le sourire poli.
— Mesdames et Messieurs, bonsoir. Merci d’être ici ce soir pour célébrer une nouvelle ère d’excellence. Ce que vous allez découvrir ce soir est plus qu’un projet, plus qu’un lancement… c’est une déclaration d’avenir. Et pour cela, je vous présente la seule personne capable de porter cette vision.
Une pause.
— Madame Joyce Morel.
Un murmure choqué. Tous les regards se tournèrent vers la scène, stupéfaits.
Joyce marcha lentement jusqu’au centre, sa silhouette découpée par la lumière. Elle attrapa le micro, son regard balayant la foule.
— Bonsoir. Certains me connaissent en tant que Joyce Morel, discrète épouse, invisible… Mais ce soir, je me tiens devant vous comme je suis réellement.
Elle marqua une pause, fixant un point précis dans la foule. Les Morel.
— Je suis la PDG d’Éclipse. Depuis maintenant plusieurs années.
La salle devint silencieuse.
— J’ai bâti cette maison avec passion et exigence. Je l’ai façonnée pour qu’elle reflète l’indépendance, la force, et la liberté créative. Et je suis fière de vous annoncer que ce soir, nous lançons une nouvelle collection — Renaissance.
Mais avant cela, une dernière chose.
Elle tourna la tête vers Elliot, qui hocha la tête et fit un signe.
Un assistant monta sur scène avec un dossier.
— Le projet autrefois confié au Groupe Morel est ici officiellement retiré.
Des murmures de choc parcoururent la salle.
— Nous ne tolérerons plus d’associations avec ceux qui manquent de loyauté, de respect ou de vision.
Éclipse trace désormais une route plus grande. Plus forte. Et je serai à sa tête.
Elle tendit le dossier à Elliot qui l’ouvrit face caméra. Une signature, en bas du document, confirmait : Partenariat annulé.
La foule applaudit.
Certains debout. D’autres hurlèrent son nom.
Pendant ce temps, Claudine Morel avait blêmi. Adrien, pétrifié, fixait la scène comme si son monde venait de s’effondrer. Ambre se sentait nue, ridicule, transparente.
Joyce descendit calmement de la scène, un verre à la main, et s’éloigna, saluée avec respect par les invités.
La reine avait parlé.
Et elle avait tranché.
