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Chapitre 3 – L’éveil du silence

Le manoir Morel était plongé dans un silence inhabituel ce matin-là. Le soleil filtrait à peine à travers les rideaux lourds du salon, et l’air semblait peser comme du plomb.

Assise sur le canapé en velours, une tasse de café à la main, Claudine Morel lançait des regards nerveux à son fils Adrien et à Ambre, assise bien trop à l’aise à côté de lui, croisant et décroisant les jambes dans sa robe de soie.

— Et donc, répéta Claudine en serrant sa tasse si fort que sa bague en diamants cognait contre la porcelaine, elle est partie. Avec cet homme. Devant nous. Presque nue.

Adrien pinça les lèvres.

Il avait mal dormi. Très mal. L’image de Joyce, debout dans le hall, défiant sa mère, lui tournant le dos et montant dans la voiture d’un autre homme, ne cessait de le hanter.

— Cet homme… murmura Claudine, plissant les yeux, il me disait quelque chose. Ce visage, ce regard…

Elle claqua des doigts.

— Mais bien sûr ! C’est Elliot Foster. Le jeune maître Foster. La famille Foster possède des parts dans la presse, l’immobilier, la mode… Ce garçon est à la tête de l’un des plus grands groupes d’investissements du pays !

Ambre éclata de rire, un rire trop aigu, trop faux.

— Oh, mais voyons, Madame Morel ! Vous imaginez Joyce avec quelqu’un d’aussi haut placé ? Peut-être qu’elle est devenue sa maîtresse ? Après tout, on ne sait rien d’elle. Trois ans qu’elle vit ici, et elle n’a jamais rien fait de sa vie à part cuisiner et faire le ménage !

Claudine haussa les épaules, mais quelque chose dans son regard trahissait un doute grandissant.

Adrien, lui, était silencieux. Il fixait le tapis devant lui, perdu dans ses pensées.

— Elliot…

Le prénom lui tournait dans la tête comme un écho.

Un souvenir lointain lui revint.

Une nuit, il y a environ un an, Joyce était rentrée d’un gala caritatif. Ivre. Il s’était agacé qu’elle ne tienne pas l’alcool. Elle s’était endormie dans leur lit, les cheveux en bataille, les joues rouges. Et dans son demi-sommeil, elle avait murmuré un nom.

Elliot.

Adrien avait cru à un délire. Il n’avait jamais posé la question.

Mais aujourd’hui… il commençait à se demander.

— Tu penses qu’elle va vraiment divorcer ? demanda Ambre avec une grimace. Elle bluffe, non ?

Claudine ne répondit pas. Son regard s’était durci.

— Si elle pense pouvoir tourner le dos à cette famille… elle se trompe lourdement.

---

Pendant ce temps, dans une tour élégante du centre de Paris, au dernier étage d’un immeuble luxueux, les bureaux de l’enseigne Éclipsa étaient déjà en pleine effervescence.

Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent.

Joyce Morel fit son entrée.

Tailleurs noir sur mesure, cheveux relevés en un chignon net, escarpins vernis. Elle marchait avec calme, autorité, et une tempête silencieuse dans le regard.

Les employés s’écartèrent naturellement. Tous la reconnaissaient, mais ce matin, quelque chose avait changé. Une aura glacée, déterminée, émanait d’elle.

Derrière elle, Elliot suivait, toujours aussi calme, une tablette à la main.

Ils entrèrent dans le grand bureau vitré, à l’écart du tumulte. Joyce posa son sac sur le canapé de cuir, retira son manteau et s’assit derrière son bureau, croisant les jambes.

— Elliot, dit-elle d’une voix posée, commence par retirer le projet destiné à la maison Morel.

— Le projet "Perle Noire" ? C’est l’un de nos dossiers VIP...

— Plus maintenant. Je ne veux plus qu’un seul centime de notre entreprise leur soit attribué.

Elliot hocha la tête sans discuter. Il savait. Il comprenait.

— Très bien.

Joyce prit une inspiration. Elle regarda par la baie vitrée, les toits de Paris s’étendant à perte de vue. Puis elle se tourna à nouveau vers son ami.

— Et commence à préparer les documents pour le divorce. Je veux que tout soit prêt avant la fin de la semaine. Je veux que ce soit propre, rapide… et irréversible.

Elliot s’approcha doucement du bureau.

— Tu es sûre de toi ?

Joyce releva la tête. Dans ses yeux, plus une once d’hésitation.

— J’ai perdu trois ans de ma vie à me faire petite. À cacher qui j’étais.

À supporter l’humiliation, les trahisons, les mensonges.

Maintenant, je reprends ce qui m’appartient.

Un mince sourire se dessina sur les lèvres d’Elliot.

— Très bien, PDG Morel.

Joyce sourit à son tour. Mais dans son regard, il n’y avait plus de douceur.

Il n’y avait que la promesse d’un renouveau.

Dans le grand salon du manoir Morel, l’ambiance avait brusquement changé.

Le silence, déjà lourd, devint pesant après qu’Adrien, le fils de Claudine, eut quitté la pièce en tenant sa joue. L’écho de la gifle de Joyce semblait encore flotter dans l’air.

Il n’avait rien dit. Il s’était levé sans un mot, l’air abasourdi, blessé — plus par l’humiliation que par la douleur — et avait quitté le manoir sans même regarder sa mère ni Ambre. Claudine n’avait pas cherché à le retenir. Il n’était plus utile pour le moment.

Il ne restait donc plus qu’elles deux, Ambre et Claudine, assises côte à côte dans le vaste salon aux tons beiges et dorés. Une étrange complicité semblait flotter entre elles, teintée de mépris et d’ambition.

Claudine posa lentement sa tasse sur la table basse en verre, se redressa avec élégance, puis sortit de la poche de sa veste un petit écrin en velours bordeaux. Le genre de boîte qu’on n’ouvre pas sans intention précise.

— Je voulais garder ça pour plus tard, dit-elle d’une voix doucereuse.

Mais puisque Joyce a décidé de tourner le dos à cette famille, autant ne pas perdre de temps.

Elle ouvrit la boîte avec lenteur, comme si elle dévoilait un trésor.

À l’intérieur brillait une bague en diamant. Une pierre éclatante, montée sur un anneau finement travaillé en or blanc. L’éclat pur de la pierre dansait sous la lumière du lustre au-dessus de leurs têtes.

Ambre écarquilla les yeux.

— C’est… magnifique.

— Cette bague appartenait à ma grand-mère. Je l’avais confiée à Joyce… à tort. Elle ne la méritait pas.

Je l’ai reprise hier soir, discrètement, pendant qu’elle faisait sa petite scène dramatique.

Ambre tendit sa main sans même attendre qu’on le lui propose. Claudine esquissa un sourire et glissa délicatement la bague à son doigt.

Ambre la leva immédiatement, laissant la lumière rebondir sur la pierre avec ravissement. Elle tourna la main de tous les côtés, admirant son reflet dans le miroir du salon.

— Elle est parfaite… Tellement plus à ma taille qu’à la sienne, dit-elle avec un sourire satisfait.

Vous savez, Madame Morel, je pense que vous aviez raison depuis le début. Joyce n’était jamais faite pour cette famille.

Claudine hocha la tête, un pli de satisfaction au coin des lèvres.

— Tu sais te tenir, tu es élégante, ambitieuse. Et tu as su rester à nos côtés, même dans les moments les plus délicats. Tu as toujours su… qui méritait ta loyauté.

Ambre rougit de plaisir, croyant voir son rêve se rapprocher : devenir la nouvelle Madame Morel.

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