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Chapitre 2 – Le poids des chaînes

Les escaliers en colimaçon du manoir semblaient plus longs que jamais. Joyce descendait lentement, ses pas alourdis par les sacs de courses qui lui coupaient la circulation dans les bras. Elle sentait la sueur perler dans son dos malgré la climatisation qui baignait le hall dans une fraîcheur presque artificielle. Le silence qui régnait dans la demeure n’avait rien de paisible. Il était tendu, désagréable. Comme si quelque chose se préparait.

Elle atteignit enfin le dernier palier quand une voix aigüe et familière fendit l’air comme une lame :

— Enfin ! Tu en as mis du temps, Joyce.

La voix glaciale de Claudine Morel, la mère d’Adrien, résonnait dans l’entrée comme une gifle.

Joyce releva la tête. Claudine était assise sur le grand canapé en velours, une tasse de thé à la main, droite comme un piquet dans son tailleur beige. Tout dans son expression transpirait le mépris.

Ses yeux balayèrent Joyce de haut en bas, s’attardant sur les sacs en plastique d’un air dégoûté.

— Tu sais que ce soir nous avons un dîner important. Ambre vient. J’espère que tu vas enfin faire quelque chose d’utile dans cette maison et cuisiner quelque chose de présentable. Pas tes plats sans goût habituels.

Joyce ravala difficilement sa salive. Sa gorge était nouée.

— Je ne cuisinerai pas.

Claudine haussa un sourcil.

— Pardon ?

— Je ne cuisinerai pas. Ni pour Ambre. Ni pour personne. Je ne suis pas votre domestique.

Les mots sortirent d’un ton calme, presque glacial. Mais ils portaient toute la colère, toute la dignité blessée que Joyce retenait depuis trop longtemps.

La belle-mère se leva, scandalisée.

— Tu te crois où, espèce d’ingrate ? Si tu as un toit sur la tête, c’est grâce à mon fils. Si tu portes des vêtements décents, c’est grâce à lui. Tu devrais être reconnaissante qu’il t’ait choisie !

Joyce serra les dents. Puis, d’un geste sec, elle jeta les sacs de courses au sol. Les légumes se répandirent sur le marbre. Un pot de sauce tomate se brisa, éclaboussant le bas du mur blanc.

Claudine poussa un cri étouffé.

— Tu es complètement folle !

Joyce la fixa avec des yeux durs. Froids.

— Je divorce.

Claudine ouvrit la bouche, mais aucun son n’en sortit. Elle paraissait figée, incapable d’assimiler ce qu’elle venait d’entendre.

Joyce se détourna sans un mot, sortit son téléphone de sa poche et envoya un message rapide à Elliot :

"Viens me chercher. Tout de suite."

Elle s’avançait déjà vers la porte d’entrée quand la voix stridente de Claudine claqua derrière elle :

— Tu ne partiras pas comme ça ! Tout ce que tu portes t’a été offert par Adrien ! Ce sont les affaires de mon fils, rends-les !

Joyce s’arrêta. Son cœur battait à tout rompre. Elle inspira lentement, puis, sans même se retourner, retira son manteau, le laissa tomber au sol. Ensuite, elle enleva ses chaussures de marque, puis sa robe noire signée qu’elle portait avec élégance… Ne lui restait qu’un simple short et un petit débardeur blanc.

— Voilà, dit-elle en se tournant vers Claudine.

— Garde le reste. Mais tu ne pourras jamais m’enlever ce que je suis vraiment.

Claudine restait bouche bée, sidérée par la scène. À ce moment-là, la grande porte du manoir s’ouvrit.

Elliot Foster entra, élégant, le visage tendu d’inquiétude. Dès qu’il vit Joyce ainsi, ses vêtements sommaires, ses bras nus frissonnants dans l’air frais du soir, il retira immédiatement son manteau et le déposa avec douceur sur ses épaules.

— Je suis là, murmura-t-il, posant brièvement une main protectrice sur son dos.

Joyce releva les yeux vers lui et hocha la tête. Elle se sentit, pour la première fois depuis des heures, vue. Soutenue.

Ils sortirent ensemble du manoir.

Mais à peine avaient-ils franchi le seuil que la porte principale s’ouvrit de nouveau en grand. Adrien, alerté par les cris, apparut au bras d’Ambre, qui portait un sourire faussement compatissant. Ses yeux devinrent ronds quand il vit sa femme dans les bras d’un autre homme.

— Joyce ? Tu vas où ? Qu’est-ce que tu fais ?!

Elle ne répondit pas. Elle monta dans la voiture sans un regard pour lui.

Ambre, elle, fronça les sourcils, troublée.

Claudine s’élança vers le porche :

— Tu ne vas pas partir comme une voleuse ! Reviens ici ! Tu n’as pas ton mot à dire !

Elliot ferma la portière de la voiture. Joyce baissa la vitre. Elle se pencha légèrement, le regard droit, impassible.

— Je ne suis ni une voleuse… ni ta propriété. Je suis juste une femme qui a trop longtemps gardé le silence.

Puis elle remonta la vitre.

Et la voiture s’éloigna lentement, laissant derrière elle un manoir figé, une famille en pleine confusion, et une femme brisée… mais libre.

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