LA CONTRAINTE DE LA MISSION
**#CHAPITRE 04**
**ORNELLA SALENGRO**
### DIX ANS PLUS TARD
Sur un lit moelleux, une jeune femme à la peau d'ébène était allongée, ses yeux fixant le plafond, perdus dans un lointain souvenir. Son regard était ancré à la fenêtre, comme si elle cherchait à se libérer de l'emprise du passé.
Après quelques minutes, ou peut-être des heures, des coups résonnèrent à la porte de sa chambre, annonçant une tentative d'intrusion, bloquée par le verrou qu'elle avait tiré la veille, avant de sombrer dans les bras de Morphée.
— Ornella, ma petite, dors-tu ? interrogea un homme d'un certain âge, la voix empreinte de douceur.
— Non, répondit-elle, revenant à elle, et se levant pour ouvrir. Bonjour, père, salua-t-elle poliment ce vieil homme.
Il lui répondit par un hochement de tête et un sourire chaleureux, avant de déposer un tendre baiser sur son front.
— Comment te sens-tu, ma fille ? Es-tu bien réveillée ?
— Oui, père, je vais parfaitement bien, dit-elle, offrant un sourire forcé pour rassurer son père.
— Je suis ravi de l'entendre, rétorqua le vieil homme, que l'on appellera Roger Salengro. Habille-toi et rejoins-moi à la table, nous avons des choses à nous dire.
Dès qu'il eut pris congé, Ornella s'effondra sur son lit, poussant un profond soupir. Elle ferma les yeux un instant, puis les ouvrit à nouveau, se levant rapidement pour ne pas faire perdre de temps à son père, qui détestait cela.
***
En entrant dans sa baignoire, les souvenirs refirent surface, tels des fantômes du passé.
**Flashback**
— Bienvenue chez toi, Ketia. Voici chez moi, mais fais comme chez toi, petite, ajouta-t-il avec un sourire chaleureux.
— Merci, monsieur, répondit-elle, s'asseyant poliment sur le divan en face de lui, attendant son retour avec curiosité.
Quelques minutes plus tard, Roger revint avec un plateau rempli de mets savoureux, et le tendit à Ketia. Elle écarquilla les yeux, à la fois surprise et émerveillée.
— C'est pour moi, tout ça ? demanda-t-elle, incrédule face à tant de nourriture pour une seule personne.
À l'orphelinat, ils n'avaient droit qu'à un morceau de pain rassis et d'un verre de lait, si tant est qu'on puisse appeler cela ainsi. La mixture qu'ils buvaient n'avait rien du lait, mais elle n'avait jamais osé laisser son imagination s'égarer de peur de se sentir dégoûtée et, pire encore, de mourir de faim.
— Tu ne manges pas ? interrogea Roger, la voyant examiner son plateau sans y toucher.
— Euh, monsieur, commença-t-elle, craintive. Vous êtes sûr que tout cela, c'est bien pour moi ?
— Vois-tu une autre petite fille mignonne dans cette maison ?
Ketia scruta autour d'elle, ne voyant aucune autre enfant, mais ce qui l'étonna, c'était le fait qu'il l'ait qualifiée de mignonne. Elle ne se voyait pas ainsi, et fronça les sourcils avant de lui poser la question.
— Je ne crois pas être mignonne, monsieur, dit-elle.
— Ah oui ? Et comment te qualifierais-tu ?
— Je suis sacrément moche, comme me l'a répété très souvent le directeur et les autres enfants de l'orphelinat. Mais je crois qu'ils exagèrent un peu.
— Je le crois aussi, lui répondit-il avec un sourire.
Ketia poursuivit :
— Je ne suis pas laide, c'est trop dire, mais je ne suis pas belle non plus, car cela aussi serait un mensonge. Je me considère comme une enfant moche.
Roger la fixa longuement, comme si le temps s'était arrêté, avant de lui dire d'une voix autoritaire :
— Petite puce, écoute-moi attentivement.
Ketia avala sa salive et hocha la tête, tendant l'oreille pour écouter ses paroles.
— Tu n'es sûrement pas laide, loin de là. Ceux qui te l'ont dit ne sont que de pauvres menteurs jaloux. As-tu compris ?
— Oui, monsieur, je crois, répondit-elle avec une ferveur nouvelle.
— Mange maintenant, avant que ton lait ne refroidisse et que tu perdes l'appétit.
Ketia sourit et lui répondit :
— Impossible pour votre deuxième option. Quand on n'a jamais eu à manger à sa convenance, le jour où l'on en a l'occasion, on ne peut jamais, je dis bien jamais, manquer d'appétit.
Cette phrase fit sourire Roger, qui vit instantanément en elle une force de caractère et une lueur d'intelligence.
Il se dit en lui-même : elle sera parfaite pour la vie que je prévois pour elle.
Cette pensée lui inspira un sourire satisfait, et il lui caressa la tête en la regardant dévorer son plat.
— Mange lentement, petite, rien ne te sera enlevé, n'aie pas peur.
Ketia éclata de rire, la bouche pleine, s'excusant rapidement avant de changer de rythme, savourant chaque bouchée jusqu'à la dernière miette. Quand elle eut fini, elle tendit le plateau à Roger, sans oublier de le remercier au préalable.
— Je t'en prie, petite, ce n'est pas nécessaire. Tu es ma fille dorénavant, et je suis ton père, alors tout ce qui est à moi t'appartient aussi.
Ketia hocha la tête, peu convaincue par cette soudaine gentillesse, mais elle se dit de garder ses distances pour observer ses gestes.
Les conseils de sa bande résonnaient dans son esprit, comme une litanie : « Ne donne jamais le 100 % de ta confiance à un homme, au risque de le regretter un jour, petite. »
Elle restait sur ses gardes, mais malgré tout, elle lui laissait le bénéfice du doute, espérant découvrir qui il était vraiment et ce que cette cohabitation familiale lui réservait.
— Tu ne t'appelleras plus Ketia, mais Ornella Salengro, ma petite puce.
Elle hocha la tête, assimilant cette nouvelle identité et les informations qui l'accompagnaient.
### À SUIVRE
