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Partie 4

Chapitre 7 : L’Avocate

Marisol gara la voiture devant le cabinet de Lucía Rojas, le souffle encore court. Elle resta quelques secondes derrière le volant, les yeux fixés sur ses mains qui tremblaient sans relâche.

Elle avait vu un cadavre. Elle avait pénétré un appartement où un homme venait de mourir – peut-être assassiné. Et maintenant, elle se demandait si elle n’était pas suivie, si quelqu’un guettait ses moindres gestes.

Pardonnez-moi, Alejandro, pensa-t-elle, la gorge nouée. Mais je ne peux plus reculer.

Elle descendit du véhicule, traversa la rue et poussa la porte du cabinet. L’assistante se leva aussitôt, inquiète.

— Señora Torres ? Vous allez bien ? Vous êtes toute pâle…

— Où est Lucía ? balbutia Marisol. Il faut que je lui parle. Tout de suite.

Sans attendre de réponse, elle entra dans le bureau. Lucía se redressa brusquement.

— Qu’est-ce qui se passe ?

Marisol referma la porte derrière elle, puis s’effondra sur la chaise, les coudes sur ses genoux, le visage caché dans ses mains.

— Sergio Navarro… Il est mort… Il… Il s’est pendu…

Lucía blêmit.

— Quoi ? Comment ça ? Où ?

— Chez lui. Je suis allée là-bas. La porte était entrouverte… Je l’ai vu… J’ai pris des photos.

Elle sortit son téléphone et les lui montra, la main tremblante. Lucía les fit défiler, le visage fermé.

— Vous avez touché quelque chose ?

— Non… Juste la note… Enfin… elle était sur la table… J’ai pris une photo et je suis partie.

Lucía inspira lentement, comme pour peser chaque mot.

— Il faut que vous compreniez ce que cela implique, Marisol. Ce témoin était la principale pièce de l’accusation. S’il est mort…

— Ça prouve que quelqu’un veut faire disparaître la vérité ! s’écria Marisol. Vous comprenez ? Quelqu’un le faisait chanter, ou l’a réduit au silence !

— Peut-être… Mais cela peut aussi donner l’impression que vous êtes allée le voir pour l’intimider.

Marisol sentit un frisson glacé parcourir sa colonne.

— Vous pensez… que je risque d’être accusée ?

— Je ne dis pas que ce sera le cas. Mais vous êtes la dernière personne connue à être entrée chez lui. Il faudra qu’on anticipe. Que vous déposiez votre version des faits avant que la rumeur ne vous devance.

Elle se prit la tête entre les mains.

— Lucía… Je ne suis pas préparée à ça. Je voulais juste… le convaincre de dire la vérité…

— Je le sais, murmura l’avocate. Mais il faut être lucide. Vous êtes maintenant au cœur de cette affaire.

Elle marqua un silence, puis soupira.

— Vous avez bien fait de venir. Nous allons déclarer officiellement que vous l’avez trouvé ainsi. Il faudra que vous témoigniez devant le juge.

— Qu’est-ce qui va se passer maintenant ?

Lucía referma le dossier qu’elle consultait, puis plongea son regard dans le sien.

— Maintenant, Marisol, il va falloir être plus prudente que jamais. La mort de Sergio va faire l’effet d’une bombe. La presse va s’en emparer. Peut-être même vos enfants l’apprendront avant vous.

Marisol serra les dents.

— Alors on va réagir avant qu’ils ne soient contaminés par les ragots. Je rentrerai leur parler. Et après, je reviendrai ici. Nous devons comprendre qui tire les ficelles.

— Vous êtes sûre de pouvoir tenir ? demanda Lucía, la voix plus douce.

Elle inspira profondément.

— Je n’ai pas le choix.

Elle sentit au fond d’elle la peur, mais aussi une détermination plus forte que la veille. Si quelqu’un voulait la faire taire, il devrait se préparer à l’affronter.

Elle se leva.

— Prévenez-moi dès que la police vous convoque. Je veux être prête.

Lucía hocha la tête.

— Je le ferai. Et… Marisol ?

— Oui ?

— Faites attention à vous.

Marisol ne répondit pas. Elle referma la porte derrière elle, son téléphone serré contre sa poitrine.

En sortant du cabinet, elle comprit qu’elle avait franchi une étape de plus. Désormais, elle n’était plus seulement l’épouse d’un homme accusé.

Elle était devenue une menace pour ceux qui avaient intérêt à le faire tomber.

Marisol monta dans sa voiture avec le sentiment qu’elle avançait dans un rêve mauvais, chaque pas plus lourd que le précédent. Elle roula jusqu’à la maison en se demandant comment elle trouverait les mots.

Quand elle entra, la lumière du salon était tamisée. Valeria et Mateo étaient assis sur le canapé, côte à côte, comme s’ils s’étaient promis de ne plus se quitter. Ils se tournèrent vers elle d’un même mouvement, les yeux cernés d’inquiétude.

— Maman… où étais-tu ? demanda Valeria.

— J’ai dû… voir Lucía, l’avocate… et… je suis allée chez quelqu’un, dit-elle d’une voix basse.

Elle posa son sac sur la table et se laissa tomber sur le fauteuil. Elle avait mal partout : dans la poitrine, dans le ventre, jusque dans les os.

Mateo se leva et s’approcha.

— Tu pleures ?

Elle essuya une larme qu’elle n’avait pas sentie couler.

— Non… Enfin… si. Je suis juste très fatiguée.

Valeria secoua la tête.

— Ce n’est pas vrai. Tu as vu quelque chose. Dis-nous. On n’est plus des enfants.

Marisol inspira profondément. Elle croisa leur regard, si jeune et pourtant déjà abîmé par la peur.

— D’accord… Asseyez-vous. Je vais vous dire la vérité.

Ils s’installèrent face à elle, les mains serrées.

— Vous vous souvenez de Sergio Navarro ? Celui qui disait que votre père avait fait des choses horribles ?

Mateo hocha la tête, muet.

— Ce matin, je suis allée chez lui. J’espérais qu’il… qu’il me dise qui l’avait payé pour mentir.

Elle sentit sa gorge se serrer.

— Mais quand je suis arrivée, il était mort.

Valeria pâlit brusquement.

— Mort ? Comment ça ?

— Il s’était pendu, murmura Marisol. Je l’ai trouvé… comme ça.

Le silence se fit, si dense qu’on entendait le tic-tac de l’horloge au mur.

— Est-ce que c’est… papa qui… commença Mateo, la voix chevrotante.

— Non ! s’exclama Marisol. Jamais ! Ne pensez pas ça. Je crois… je crois qu’on l’a fait taire. Parce qu’il en savait trop.

Elle vit leurs visages se tordre de peur. Elle se pencha et prit leurs mains.

— Écoutez-moi bien. Je sais que vous avez peur. Moi aussi. Mais je vous promets une chose : je vais trouver qui a fait ça. Qui veut détruire votre père. Et on s’en sortira ensemble.

Valeria la regarda, les yeux noyés de larmes.

— Et si… si tout était vrai ? Si papa avait fait ces horreurs ?

Marisol sentit une douleur aiguë lui transpercer le cœur.

— Alors je vous le dirais. Je vous le jure. Mais tant que je n’ai pas la preuve que c’est vrai… je refuse d’y croire.

Mateo se blottit contre elle, le visage contre son épaule. Valeria suivit, et Marisol les serra tous les deux contre elle comme pour les protéger d’un monde devenu fou.

— Je vous aime, murmura-t-elle. Plus que tout. Et je ne laisserai personne nous briser.

Elle sentit leurs sanglots, chauds et fébriles.

Et malgré la terreur, elle sut qu’elle avait encore quelque chose à défendre.

Quand elle releva la tête, l’aube pointait déjà.

Le combat ne faisait que commencer

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