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Chapitre : 05

En route vers l’université, Olive ne pouvait s’empêcher de fixer Kent. La conversation de la veille avec sa mère tournait en boucle dans son esprit. Et si elle avait raison ? Et si ces rencontres n’étaient pas une simple coïncidence ?

Fatiguée de prétendre que tout allait bien, elle se redressa dans son siège et prit une profonde inspiration avant de tourner la tête vers lui.

– Si ça ne te dérange pas, j’aimerais te poser une question, enfin, plusieurs.

Kent, concentré sur la route, haussa légèrement un sourcil.

– Vas-y, ne te gêne pas.

Elle hésita un instant avant de se lancer :

– Pourquoi es-tu là ? Je veux dire, tu m’as sauvée ce soir-là, et voilà qu’on se retrouve dans la même faculté. C’est étrange, non ?

Kent resta silencieux quelques secondes, puis répondit d’un ton neutre :

– Tu insinues que je suis ici pour toi ? Que tout ça n’est pas un hasard ?

– Je n’en sais rien, mais avoue que c’est soudain. Trop soudain.

Un sourire amer effleura les lèvres de Kent.

– Donc, selon toi, je suis là pour une raison précise. Peut-être que je t’espionne ?

– Je ne dis pas ça, mais c’est louche, non ? Et si, et si tu étais un espion, ou quelqu’un qui cherche à se venger d’une faute que ma mère aurait commise contre ta famille ?

Cette fois, Kent pila net sur le bas-côté. L’arrêt brutal fit basculer légèrement Olive en avant. Il tourna lentement la tête vers elle, ses yeux plantés dans les siens, une lueur indéchiffrable dans son regard. À ce moment-là, il sentit son côté animal se réveiller mais il le maîtrisa.

– Olive, tu penses vraiment ça de moi ? Que je suis ici pour te nuire ? Juste comme ça ?

Le ton de sa voix était glacial, trahissant une colère contenue. Olive se mordit la lèvre, prise de remords.

– Je… je suis désolée, mais je n’arrive pas à comprendre.

Un silence tendu s’installa entre eux. Kent ne répondit rien, redémarrant la voiture d’un geste sec.

– Non, ne t’excuse pas, déclara-t-il finalement, sa voix redevenue calme, presque trop calme. Tu as raison de te poser des questions.

Il commença son trajet dans un silence total cette fois-ci. Arrivé à l’université, il gara sa voiture dans le parking de l’établissement et éteignit le moteur. Sans dire un mot, il ouvrit la portière et descendit. Olive descendit à son tour, le cœur lourd, et ils marchèrent côte à côte sans se regarder jusqu’à atteindre leur salle de cours.

Durant toute la matinée, Kent resta silencieux, le visage fermé. Olive, elle, n’écoutait qu’à moitié le cours, la culpabilité la rongeant.

À la fin de la journée, Olive tenta de le rattraper, mais Kent, plus rapide, quitta l’amphithéâtre sans un mot, traversa le campus et démarra en trombe.

Olive resta figée, abasourdie. Elle soupira et s’assit sur l’un des bancs du jardin, passant une main nerveuse dans ses cheveux.

– Qu’est-ce qui m’a pris de le traiter d’espion ? Ma mère m’a vraiment lavé le cerveau hier, remarqua t’elle.

Elle sortit son téléphone et tenta d’appeler Kent. Messagerie. Elle réessaya. Toujours hors ligne.

Elle ferma les yeux et s’adossa contre le dossier du banc.

– Je m’en veux tellement.

***

De son côté, Kent arriva chez lui dans un état second. Il freina brusquement devant la maison, coupa le contact et claqua violemment la portière.

Clark, installé dans le salon, leva la tête, surpris par l’attitude de son frère. Kent traversa la pièce à grandes enjambées sans un mot et grimpa les escaliers quatre à quatre.

– Kent ! l’interpella Clark.

Mais Kent ne s’arrêta pas. Il entra dans sa chambre et verrouilla la porte derrière lui.

Clark fronça les sourcils, perplexe. Quelque chose clochait. Il hésita un instant avant de monter à son tour.

Dans sa chambre, Kent jeta son sac sur le lit, respira un grand coup et se dirigea vers la salle de bain. Devant le miroir, il fixa son reflet. Ses traits étaient tendus, sa mâchoire crispée.

Puis, soudainement, ses yeux virèrent au rouge et ses canines s’allongèrent instinctivement. Un grondement sourd s’échappa de sa gorge.

– Merde.

Il donna un coup de poing rageur dans le miroir, qui explosa en mille éclats. Du sang perla sur sa peau, mais en quelques secondes, ses blessures se refermèrent.

Clark, alerté par le bruit, ouvrit brusquement la porte et se précipita à l’intérieur. Il s’arrêta net devant le chaos.

– Kent, calme-toi !

Mais Kent, toujours sous l’emprise de la colère, se retourna d’un bond et se jeta sur lui. Clark esquiva de justesse, attrapant son frère par les épaules pour l’immobiliser.

– Respire, Kent, bordel !

Peu à peu, Kent reprit le contrôle. Ses yeux retrouvèrent leur teinte normale, ses crocs disparurent, la respiration saccadée.

– Je suis désolé, grand frère. Je suis sincèrement désolé.

Clark le relâcha lentement, jaugeant son état.

– Qu’est-ce qui s’est passé ? Qui t’a mis dans cet état ? Ça aurait pû être quelqu’un d’autres, tu l’aurais saccagé.

Kent baissa la tête, ses poings toujours serrés.

– Je suis désolé. J’étais en rage et je ne savais pas sur qui la déverser, souffla-t-il.

Clark posa une main sur son épaule.

– Tu veux m’en parler ?

Kent hésita, puis s’agenouilla, les coudes appuyés sur ses genoux.

– Tu te souviens de la fille que j’ai sauvée ?

– Oui, mais tu ne m’as jamais parlé d’elle en détail.

– Elle s’appelle Olive. On s’est revus à la fac hier. Je lui ai proposé de la déposer chez elle et de la ramener ce matin. Mais aujourd’hui, elle m’a demandé si j’étais un espion. Ou si ma famille avait une vendetta contre la sienne.

Clark écarquilla les yeux.

– Sérieusement ?

– Oui. Peut-être que j’ai été trop direct avec elle. Peut-être que je n’aurais pas dû me rapprocher autant.

Clark s’accroupit à côté de lui et le fixa intensément.

– Tu regrettes de l’avoir sauvée ?

– Non, bien sûr que non ! Mais, elle se méfie de moi.

– Écoute, Kent. Tu l’admires, ça se voit. Mais mets-toi à sa place. C’est normal qu’elle ait des doutes. Peut-être qu’elle a raison, peut-être pas. Mais si tu veux éviter de t’énerver encore plus, prends un peu de distance. Laisse-lui le temps de comprendre qui tu es vraiment.

Kent hocha la tête, son regard toujours troublé.

– Allez, maintenant, tu vas te changer. On va sortir se vider l’esprit en visionnant un film.

– Je n’ai pas envie de regarder un film, grogna Kent.

– Sans commentaire. Je vais me préparer, je t’attends en bas.

Clark se leva et quitta la chambre. Kent resta assis un instant, fixant le sol, avant de se lever à son tour. Après un rapide passage sous la douche, il enfila un jean sombre et un t-shirt noir avant de rejoindre son frère. Clark était déjà dans la voiture, moteur allumé.

– Direction le cinéma, déclara-t-il en souriant.

Kent soupira mais prit place à côté de lui, sachant que son frère n’abandonnerait pas aussi facilement.

***

Vingt heures allaient s’afficher sur l’horloge numérique du tableau de bord lorsque la voiture de la mère d’Olive entra dans la cour. En reconnaissant le véhicule, Olive se leva aussitôt, ajusta son sac et se précipita vers la voiture. Elle ouvrit la portière arrière et s’installa sans un mot.

– Bonsoir, chérie.

– Bonsoir, maman, répondit-elle sèchement.

Sa mère démarra et s’engagea sur la route. Tout en conduisant, elle ne cessait de jeter des coups d’œil au rétroviseur intérieur, observant le visage pâle et fermé de sa fille. D’ordinaire, Olive s’asseyait à l’avant, mais ce soir-là, elle avait préféré l’arrière.

À leur arrivée, Olive descendit rapidement et se dirigea vers la porte d’entrée. Elle glissa la clé dans la serrure, tourna deux fois et pénétra dans le séjour. Alors qu’elle s’apprêtait à monter à l’étage, la voix de sa mère la retint.

– Olive.

– Oui, maman ? répondit-elle en s’arrêtant.

– Qu’est-ce qui ne va pas ? Tu as parlé avec ce jeune homme ? Il t’a fait du mal ?

– Rien, maman, répondit-elle, la voix tendue.

– Je vois bien que quelque chose ne va pas. D’ailleurs, j’ai été surprise que tu m’appelles pour me dire que tu étais encore à l’université, et puis, tu t’es assise à l’arrière, ce n’est pas ton habitude.

Olive esquissa un sourire amer.

– J’oubliais que j’avais une mère inspectrice.

– Alors, tu veux bien me dire ce qui se passe ?

Un silence pesa un instant, puis Olive lâcha d’un souffle :

– J’ai accusé Kent d’être un espion.

– Quoi ! s’exclama sa mère. Non, tu n’as pas fait ça, sans preuve, sans raison valable ?

– Je ne sais pas ce qui m’a pris. J’ai repensé à la discussion d’hier. Sans réfléchir, les mots sont sortis, et je crois qu’il l’a très mal pris. Il ne veut plus me parler.

Sa mère soupira et croisa les bras.

– Peut-être qu’il s’est dit qu’il valait mieux te laisser tranquille. Olive, ce n’est pas comme ça que tu devrais apprendre à connaître quelqu’un. Imagine-toi à sa place. Tu comprendrais à quel point ce que tu lui as dit était blessant.

– Je suis désolée, maman. Je n’aurais pas dû. Je ne sais pas s’il voudra encore m’écouter.

– La seule façon de le savoir, c’est d’essayer. Va lui parler demain, excuse-toi et explique-lui que tu étais méfiante.

– C’est ce que je comptais faire. J’ai essayé de le joindre, mais il ne répond pas. Je lui ai laissé un message, toujours rien.

– Alors, sois patiente et fais ce que je t’ai dit.

– Merci, maman.

Olive monta les escaliers et se réfugia dans sa chambre. Toute la nuit, elle guetta son téléphone, espérant un message de Kent. Chaque fois que son portable vibrait, elle se précipitait pour vérifier, en vain. Aucun message, aucun appel.

Le lendemain matin, elle se réveilla la tête lourde. Malgré son manque d’appétit, elle prit son petit-déjeuner, puis attendit un signe de Kent. Mais il ne vint pas.

Sa mère la déposa à l’université. À peine arrivée, Olive se précipita vers le parking. La voiture de Kent n’y était pas. Son cœur s’emballa. Paniquée, elle courut jusqu’à la salle de cours. Il n’y était pas.

Elle jeta un coup d’œil à son téléphone. L’horloge affichait l’heure précise à laquelle Kent aurait dû être là.

– Il devrait être là, murmura-t-elle.

Elle alla s’asseoir, le regard rivé sur la porte. À chaque bruit de pas, son espoir renaissait pour s’éteindre aussitôt en voyant entrer un camarade. Cette attente dura jusqu’à ce que le professeur fasse irruption et commence son cours.

Olive baissa la tête, rongée par l’inquiétude.

– Qu’est-ce que j’ai fait ? murmura-t-elle pour elle-même.

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