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#chapitre4️⃣

Pdv de Laurine

Je déteste dormir. Je déteste fermer les yeux. Je déteste ces cauchemars. Je déteste ce monstre qui m'a privée de vivre tout en me laissant la vie sauve.

J'aurais cent fois préféré mourir ce soir-là moi aussi, afin de rester avec eux pour l'éternité, mais il me l'a interdit. Il m'a privée de ma famille et n'a pas voulu me faire partir avec eux.

Je les regarde sourire en face de moi, sur cette sublime photo. C'était il y a seulement six mois, le jour de l'anniversaire de mariage de mes parents, peu de temps après la naissance de Lydia. Je me souviens parfaitement de cette journée. Ma mère était épuisée parce que ma petite sœur ne l'avait pratiquement pas laissée dormir de la nuit, pendant que mon père travaillait. Mon frère était arrivé en retard ce jour-là ; son train avait eu une panne mais il était tout de même arrivé à destination, au beau milieu de l'après-midi, ratant le déjeuner que nous avions prévu avec des amis de mes parents. Quant à mon autre sœur, elle avait insisté pour porter sa robe vert pomme, la plus horrible des robes qu'elle avait en sa possession.

Noah disait toujours qu'elle ressemblait à une pomme bien mûre, étant donné qu'elle était exactement de la même couleur que le fruit en question et qu'elle était très bouffante sous la ceinture. Amanda le contrait en affirmant que c'était une robe de princesse étant donné qu'elle était colorée et imposante. Et comme elle adorait ce vêtement, mes parents avaient cédé.

J'adore cette photo, et c'est d'ailleurs la seule en ma possession. La seule qui m'ait été rendue. J'ai vidé les six cartons tout à l'heure et mis à part des vêtements, et quelques bricoles inutiles, il ne me reste plus rien. Plus de famille, plus de maison, plus de biens personnels, plus de bonheur, et même plus le goût de vivre. Je ne sais même pas ce que je fais encore ici. Ce serait si simple de disparaître. Personne ne me surveille ici. Je suis enfermée dans la chambre depuis ce matin et personne n'est venu. Je pourrais donc facilement m'en aller.

Mais ce ne sera pas pour aujourd'hui.

Trois coups retentissent dans la pièce et Nathalie ouvre la porte. Elle regarde le désordre présent dans la pièce d'un mouvement circulaire de la tête avant de poser les yeux sur moi et de me sourire gentiment tout en s'approchant du lit où je suis assise, en enjambant les multiples obstacles sur son chemin.

Je vois dans ses yeux que le malaise de cette nuit est toujours là.

J'aimerais m'excuser de l'avoir réveillée, mais je ne parviens pas à ouvrir la bouche. Elle est hermétiquement fermée depuis ce soir-là, hormis lorsque je hurle.

- C'est ta famille ?

Sa question n'obtient qu'un long silence en guise de réponse, même si je suis pratiquement certaine qu'elle la connaît déjà. Ce n'est pas difficile à deviner.

- Vous êtes tous magnifiques, me sourit-elle sincèrement.

Je repose mes yeux sur le cadre photo et ne peux que constater qu'elle a raison ; cette photo est sublime.

- Tu voudrais de l'aide pour ranger tes affaires ?

J'aimerais lui dire que non, que je suis assez grande pour le faire seule, mais je ne peux pas. Je n'y arrive pas.

- Tu pourras venir me chercher si tu veux de l'aide, il n'y a pas de problème. L'armoire est vide, tout comme la commode et le bureau. Tout a été libéré pour toi.

Je lève alors les yeux vers elle. Elle sourit toujours et sa main s'empare de la mienne avec prudence et délicatesse. Elle sait que je n'aime pas le contact des autres mais c'est légèrement différent pour elle.

J'ignore pourquoi mais ça me dérange moins que les infirmières et médecins de l'hôpital, alors je la laisse faire.

- Je ne veux que ton bien, Laurine. Et je veux t'aider. Être là pour toi.

Et moi je veux ma famille et ma vie. Chacun son truc.

- Tu viens manger ? enchaîne-t-elle immédiatement. Je suis allée acheter des croissants pour le petit-déjeuner.

Son enthousiasme me désarme quelque peu. Elle n'a pas l'air de faire semblant, comme toutes ces femmes en blouse blanche, ces psys, ou n'importe qui d'autre qui me rendait visite. Je détestais ça.

Alors que Nathalie est différente. Elle me semble sincère, et c'est cette sincérité qui me fait réagir et la suivre dans la cuisine.

- La cafetière est ici, il y a du lait et du jus d'orange dans le réfrigérateur ainsi que du thé dans ce placard, m'indique-t-elle rapidement. Il y en a plusieurs sortes, dont celui que je t'ai servi cette nuit. Sers toi autant que tu veux.

Elle a finalement compris que ça ne servait à rien de me demander ce que je voulais. Je me sers donc et prends la bouteille de lait que je pose sur la table avec un bol et une cuillère. J'ajoute du chocolat en poudre et fait chauffer le tout avant de m'installer sur une chaise, en face de Nathalie. Elle pousse un sachet de viennoiseries dans ma direction et me fait un signe de tête pour me dire de me servir. Sans grand appétit, je prends un pain au chocolat et en casse un morceau que j'enfourne dans ma bouche.

C'est différent du pain grillé qui m'était servi à l'hôpital. C'est bien meilleur.

- Bonjour ! s'exclame une voix grave dans mon dos.

Tristan embrasse sa mère sur la joue et me sourit puis s'installe à côté de moi en se servant un bol de lait. Il entame ensuite une discussion avec sa mère dans laquelle il la prévient qu'il sort voir des amis cet après-midi et qu'il ne mangera pas ici ce soir. Il énonce ensuite une série de prénoms pour répondre à sa mère lorsqu'elle lui demande avec qui il sera et elle accepte sans hésiter.

- Tu rentres dormir ? veut-elle savoir.

- Oui, mais je ne sais pas à quelle heure.

- Envoie-moi un message, d'accord ?

- Je sais, sourit Tristan.

Il y a une réelle complicité entre eux, je m'en rends compte en à peine vingt-quatre heure. Je ne suis pas restée longtemps en leur compagnie depuis mon arrivée hier, mais je vois cet amour familial qu'ils entretiennent tous les deux et ça me rend jalouse, c'est plus fort que moi. Je veux revoir ma mère, je veux avoir une conversation aussi banale avec elle et la voir s'inquiéter pour moi. Mais ce n'est plus possible désormais, et ça n'arrivera plus jamais.

Je lâche le restant de mon pain au chocolat sur la table et me lève pour quitter la pièce. Nathalie m'appelle mais je vais dans la chambre, les laissant en famille et retrouvant la mienne dans le silence le plus complet.

Pdv de Tristan

- Tu devrais lui demander de venir avec toi, annonce ma mère quand nous entendons claquer la porte de la chambre de Laurine


J'écarquille les yeux, surpris.

- Tu plaisantes, j'espère ?

- Non. Ça pourrait lui faire du bien, rétorque-t-elle en haussant les épaules.


Un rire nerveux sort de ma bouche.

- C'est non, Maman.

- Pourquoi ?

- Tu me demandes vraiment pourquoi ?

- m'exclamé-je ahuri. Je ne peux pas l'emmener, elle...

- Pourquoi ? me coupe-t-elle visiblement en colère. Parce qu'elle n'est pas comme tes amis ? Parce qu'elle ne parle pas ?

- Maman tu...

- Tu m'as dit être d'accord pour qu'on l'accueille Tristan. Si c'est pour la rejeter dès le début, ce n'était pas la peine d'accepter.

Je ferme les yeux et soupire. Elle ne comprend pas et ne me laisse même pas le temps de m'expliquer. Je prends la parole en parlant doucement lorsqu'elle cesse de m'engueuler.

- Elle est arrivée seulement hier, Maman. On devrait peut-être lui laisser un peu de temps seule pour s'habituer à sa nouvelle vie, non ? Ça fait beaucoup d'un seul coup pour elle, et puis sortir avec mes amis n'est peut-être pas une bonne idée.

Je ne leur ai même pas encore parlé de Laurine étant donné que ce n'était pas sûr qu'elle vienne vivre ici. Ce serait mieux qu'elle reste ici avec nous pour commencer avant de rencontrer d'autres personnes, tu ne crois pas ?

Son regard se radoucit suite à mon explication et elle hoche la tête sans hésiter. Bien entendu que j'accepte sa présence ici, chez nous. Mais je ne pense pas qu'elle, elle veuille d'emblée connaître mes amis. Elle a besoin de temps. Ce n'est que le deuxième jour, après tout. Le fait de précipiter les choses n'arrangera absolument rien, selon moi.

- Aucun d'eux n'est au courant ? s'enquiert ma mère.

- Non. Je voulais attendre qu'elle soit vraiment là.

- Même pas Sophia ?

Je secoue la tête. Non, Sophia n'est pas au courant et je sais qu'elle ne va pas aimer du tout.

Ma mère est du même avis que moi puisqu'elle grimace et me souhaite bon courage. Et il va m'en falloir pour affronter ma petite-amie jalouse et lui avouer qu'une fille va vivre chez moi pendant un an minimum ! Davantage encore lorsqu'elle la verra, étant donné que Laurine est une très jolie fille. Je sens déjà la prise de tête arriver.

- Elle finira bien par comprendre, me rassure ma mère qui connaît très bien Sophia et son caractère de merde.

Je parle beaucoup de ma vie sentimentale avec ma mère et je n'ai aucun secret pour elle tout comme elle n'en a pas pour moi. Nous avons une relation très fusionnelle depuis la mort de mon père et davantage encore après le départ de ma sœur. Elle sait à quel point ma copine est jalouse et j'ai déjà dépassé de nombreuses crises de jalousie, toutes plus débiles les unes que les autres, mais celle qui va venir va surpasser les autres. J'en suis persuadé. Il va falloir que je me prépare mentalement à l'affronter cet après-midi et que je trouve des arguments en béton.

- Je vais me préparer, annoncé-je en me levant.

Je vais dans ma chambre pour prendre de quoi me laver et entre dans la salle de bain. Que je pensais vide.

Lorsque je croise le regard de Laurine, je mets quelques secondes avant de réagir.

- Merde... Je... Pardon. Désolé.

Je referme alors immédiatement la porte et retourne dans ma chambre. Je n'ai pas l'habitude que quelqu'un occupe ma salle de bain. Ma mère a la sienne mais je dois partager maintenant.

Pourquoi ma mère n'a-t-elle pas réparé ce verrou ?

Ça nous aurait évité ce moment embarrassant à tous les deux.

Bien que mon regard soit resté accroché au sien, j'ai eu le temps de voir très brièvement le reste de son corps et je suis gêné de l'avoir vue ainsi

Laurine était en sous-vêtements devant le miroir et s'apprêtait visiblement à prendre sa douche. De simples sous-vêtements blancs, qui couvraient le minimum de son corps mince et légèrement bronzé. C'est assurément une très belle fille et j'en suis d'autant plus sûr depuis cet instant.

Je secoue brusquement ma tête en entendant l'eau couler, afin de me sortir ces images de la tête mais ça ne sert pas à grand chose. J'imagine que ce que j'ai vu ne quittera pas mon esprit pendant un certain temps et je comprends que c'est un passage à ne pas divulguer à ma petite-amie. Elle me crèverait les yeux dans la seconde si elle savait.

Je n'ai rien fait de mal, en soit. Oui, je l'ai vue à moitié nue, mais ce n'était pas mon intention. Et puis, c'est comme si je l'avais vue en maillot de bain, non ? Je vais tenter de m'en convaincre de cette façon. De toute manière, je suis déjà bien assez coupable aux yeux de ma petite-amie.

Lorsque j'entends que Laurine sort de la salle de bain pour rejoindre sa chambre, je vais frapper à sa porte. Je patiente une dizaine de secondes afin d'être certain que je ne verrai rien de semblable à tout à l'heure, puis j'ouvre la porte. Elle est assise sur son lit et me regarde, attendant patiemment que je parle. Ses joues sont légèrement rosies, certainement à cause de ce qui vient de se passer et elle baisse rapidement les yeux.

- Je suis désolé, m'excusé-je d'emblée. Je ne savais pas que... je croyais que tu étais dans ta chambre.

Maman a enlevé le verrou de la porte il y a quelques années parce que je m'étais retrouvé bloqué à l'intérieur alors je pense qu'il faudrait instaurer une sorte de code, tu ne crois pas ?

Disons que... Lorsque l'un de nous est dans la salle de bain, on affiche un mot sur la porte, d'accord ?

Elle ne répond rien, bien entendu, alors je lui souris et ricane doucement :

- On va faire comme si tu étais d'accord. On n'aura plus à se retrouver dans l'embarras tous les deux.

Elle baisse les yeux sur ses mains, alors je comprends que c'est le moment pour moi de la laisser seule.

A suivre….

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