Chapitre 6
Un jeu dangereux
Épisode 6
Fabrice
Cela faisait cinq ans que je n’étais pas revenu. Pas physiquement, du moins. Car, même si je refusais de le reconnaître, mes rêves me ramenaient souvent ici.
En ce jour où mon père allait être enterré, je n’éprouvais pas de tristesse à son sujet. Je ne songeais qu’à Maryline , avec qui j’ai partagé les moments les plus heureux de ma vie, l’espace de quelques heures.
Maryline occupait toujours mon cœur et mes pensées.
Avec le recul,j’ai souvent réarrangé le passé à ma guise, m’imaginant que nous étions partis dès qu’elle était sortie de la douche. Avant la descente de police. Avant que tout s’écroule.
Arrivé devant l’église, je me gare et, quand j’y entre, je ne peux retenir un sourire cynique.
Hormis Angela, assise au milieu des chaises vides, il n’y avait personne. Après l’avoir saluée d’un mouvement de tête, J’avançe vers le premier rang, lorsque j’ entend la porte s’ouvrir et se refermer. Le cœur battant, je me retourne malgré moi.
Mais ce n’était pas elle. C’était junior , devenu un homme, qui s’avança dans l’allée centrale et s’assit, deux rangs derrière Angela.
Je le salua, mais quand il s’assit pour assister à la brève cérémonie religieuse, c’était à Maryline que je pensais
Elle aurait dû être là. Si je représentais encore quelque chose pour elle, elle aurait dû se trouver à mes côté.
La cérémonie des obsèques se déroula comme dans un mauvais rêve. Hyacinte avait tout orchestré à l’avance, mais le cercueil en or ne fut admiré par personne. Les habitants de avaient préféré rester chez eux.
Junior s’éclipsa dès la fin du service religieux et, après avoir remercié le prêtre, je me dirige vers le cimetière avec Angela.
— J’ai préparé une collation, dit-elle. Je ne savais pas combien de personnes viendraient. Moi, j’avoue que je n’ai pas faim.
— En dépit de sa fortune et de son pouvoir, il n’avait rien. Rien qui compte, en tout cas.
— Je croyais que Thierry serait venu avec vous. J’ai entendu dire que ça marchait bien, pour vous deux.
— Il est en voyage d’affaires . Il m’a proposé de venir, mais je préférais être seul
Enfin, pas exactement. Je sondais la rue du regard, espérant encore la voir arriver...
Je ferais mieux de partir, à présent. Mes avocats s’occupaient de la propriété et des biens de hyacinte .
La plus grande partie de la ville était passée entre les mains de cet individu, qui avait promis à ses concitoyens, en retour, de régler tous les problèmes de santé, de situations précaires en tout genre...
Pas étonnant que l’église ait été quasiment vide. Dès que je serais parti, la ville entière célébrerait la chute du tyran.
Plus tard, lorsqu’ils apprendraient les dispositions prises par moi, ils auraient de bonnes raisons de faire vraiment la fête.
Moi-même ne voulait rien des biens de mon père. Le processus serait long et fastidieux, mais toutes les maisons seraient restituées à leurs propriétaires légitimes ou à leurs descendants. Mais à ce moment-là, j’aurais quitté Assinie depuis longtemps.
— Quand dois-je m’en aller ?
— Jamais, Angela. La maison sera bientôt à vous, légalement.
— Fabrice ! est devenu un lieu de vacances réputé, les maisons sont hors de prix !
— La maison est à vous, Angela. Et avec vous comme propriétaire, elle sera plus chaleureuse, j’en suis sûr. Est-ce que je peux vous demander de garder ça pour vous durant quelque temps ?
Les yeux emplis de larmes, Angela hocha la tête.
— Venez à la maison.
— Non merci, Angela. Je...
— Juste un petit moment, avant de repartir...
Après tout, j’avais au moins un bon souvenir là-bas.Depuis la descente de police, je n’avais plus remis les pieds dans la maison de hyacinte: après ma dernière entrevue avec Maryline , au lieu d’aller rejoindre les autres pour fêter la libération de mon père, j’étais revenu sur la plage, où je suis resté à me repasser en boucle les paroles de Maryline .
— Je vais faire un petit tour dans la maison
Je m’avance vers l’escalier.
L’escalier que j’ avais gravi en la serrant contre moi en dévorant sa bouche.
Quand je pousse la porte de la chambre, je reste figé sur le seuil.
Rien n’avait changé. Angela avait fait le ménage, bien sûr, mais la pièce était exactement dans l’état où je l’avais laissée.
Je ferma les yeux. Je repense aux merveilleux moments vécus avec Maryline . A nos projets. A nos rêves. Depuis, j’ai connu de nombreuses femmes avec lesquelles j’ai entretenu des liaisons éphémères, sans jamais approcher l’intensité des moments partagés avec Maryline .
C’était de l’amour qui avait commencé d’éclore entre nous , cet après- midi-là. Je ne m’étais pas seulement agi d’une étreinte charnelle fabuleuse. Il y avait eu un partage authentique. Qui nous avait été volé avant même de pouvoir se développer.
J’ouvre le tiroir de la table de nuit, m’attendant à ne rien y trouver, sinon un vieux carnet, un stylo hors d’usage...
Ce que je découvre me cause un véritable choc, si violent que je m’assieds sur le lit, le cœur battant à tout rompre.
Sa boucle d’oreille.
— Vous n’avez jamais tenté de reprendre contact avec elle ? Me demanda Angela un peu plus tard, tandis que nous prenions le thé .
— De qui parlez-vous ?
— Vous le savez bien. De celle à qui vous étiez promis depuis l’enfance et qui s’est retrouvée couverte de honte à cause de vous.
— Je n’avais pas le choix, Angela. J’ai été obligé de dire ce que j’ai dit au tribunal.
— Je sais.
— Mais pas Maryline
.
— Elle était si jeune..., répliqua Angela en reposant sa tasse.
— Oui, moi aussi. Et j’ai encore aggravé la situation en lui répétant la même chose sur la plage...
— A Maryline! Elle ressemble tellement à sa mère ! Maria aurait pu vous écorcher vif
rien qu’à vous regarder... Je me souviens du jour où elle est venue voir hyacinte ici. Une vraie furie... Elle hurlait, lui ordonnant de laisser sa famille tranquille...
Soudain, je me rappela l’épisode. Je revit la silhouette de Maria dans l’entrée, criant et faisant de grands gestes des mains. Je devais avoir huit ou neuf ans, à l’époque.
— Oui, vous étiez jeunes, tous les deux, reprit Angela. Et vous, vous veniez tout juste de sortir de prison. Ce n’était peut-être pas le meilleur moment pour prendre des décisions raisonnables.Alors, vous avez cherché à la revoir ?
— Il y a deux ans, je suis resté dans ma voiture devant la prison où est incarcéré max . Tous les jours pendant un mois. Avant d’apprendre qu’à ce moment-là il avait été transféré à l’hôpital.
— Vous n’êtes jamais allé le voir ?
— Je m’en sentais incapable. Il a trinqué pour mon père. Et quand j’ai appris qu’il était condamné à quarante-trois ans...
— Il n’était pas complètement innocent non plus
— Non, c’est vrai. Je ne sais pas quel moyen de pression mon père exerçait sur lui, mais max ne pouvait manifestement ni lui dire non ni s’en aller.En tout cas, il ne méritait pas d’en prendre pour quarante-trois ans, alors que mon père ressortait de cette affaire complètement blanchi.
— Je suis sûre que Maryline va toujours voir son père.
— Je devrais peut-être aller le voir aussi.
A présent que j’ai mûri, je pourrais regarder max en face. Et luidemander des nouvelles de sa fille. Peut-être nous méritions une seconde chance.
— Je vais essayer de la retrouver. Et j’irai voir Max et ferai la paix avec lui.
— Vous pourriez lui demander où est sa fille ?
— J’ai une boucle d’oreille à lui rendre
— Elle est peut-être mariée...
— Si c’est le cas, autant le savoir.
C’était de rester dans l’ignorance qui me rendait fou.
— Je vais m’en aller Angela
— Vous ne voulez pas jeter un coup d’œil à ses affaires ?
— Prenez ce que vous voulez, et débarrassez-vous du reste.
— Et les bijoux ? Vous ne voulez pas les prendre ?
— Non !
Il était hors de question que j’hérite de bijoux acquis par mon père de façon douteuse, voire criminelle, mais je ne désirais pas non plus qu’Angela ait des ennuis à cause de ceux-ci.
— Je vais les déposer chez le bijoutier en allant à l’aéroport. Il en fera ce qu’il voudra.
Angela me conduit à l’étage, ouvre la porte de la chambre de hyacinte et me désigne un large coffret de bois. Mais quand je souleve le couvercle,j’ai eu l’impression que mon cœur s’arrêtait de battre.
— Je voudrais rester seul quelques instants
Sans dire un mot, Angela se retira et referma doucement la porte derrière elle.
D’une main tremblante, je prend la chaîne en or et la croix.
Oui, je me souvenais de Maria . Ayant appris au cours du procès comment se déroulaient les choses, je savais que ces bijoux avaient dû être gardés comme souvenirs, après sa mort.
Max le savait-il ? Angela aussi ?
Horrifié, je revois Maria hurlant dans le hall, répétant qu’elle ne renoncerait jamais à sa maison, qu’il faudrait d’abord lui passer sur le corps...
Ensuite, je me souviens de son enterrement. De max portant dans ses bras sa petite fille de deux ans... De mon père faisant l’éloge funèbre de la défunte et promettant de soutenir « son ami et la petite Maryline».
Alors qu’il était responsable de la mort de Maria ? Etait-ce pour cette raison que Max ne pouvait rien refuser à mon père ? Etait-ce le moyen dont celui-ci usait pour faire pression sur son ami ? Max lui avait-il obéi au doigt et à l’œil pour éviter que Maryline ne connaisse le même sort que sa mère ?
Pauvre Max , je l’avais toujours considéré comme un homme faible...
A présent, j’entrevoyais la peur que qui n’avais sans doute jamais lâché le père de Maryline .
Max avait tout fait pour la protéger.
Indigné, révolté, Je décida de mettre un avocat sur l’affaire dès mon retour. Et de me battre jusqu’à ce que Max soit libéré.
Mais, la mort dans l’âme, je comprend qu’à présent je ne pourrais jamais reprendre contact avec Maryline . Toute seconde chance nous était ôtée.
Parce que je la connais bien : si elle apprenait la vérité, elle ne pardonnerait jamais au fils de l’assassin de sa mère.
La dernière lueur d’espoir s’éteint au moment où je glissais la chaîne et la croix dans ma poche.
Mais Une seule chose demeurait en mon pouvoir : tout faire pour obtenir la libération de Max .....
À suivre ...
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