Chapitre 7
Un jeu dangereux
Épisode 7
..
Maryline
— J’ai vu Fabrice .
J’ai toujours su que ce moment arriverait un jour, mais lorsque Andrea prononça ces mots, je ne trouve rien à dire et je soulève le matelas de mon côté sans regarder son amie.
Au départ, Marco, le directeur de l’hôtel, avait refusé que nous travaillons ensemble. Mais la démission inattendue d’une femme de chambre ne lui ayant pas laissé le choix, il avait fini par accepter. Et, depuis, il ne l’avait pas regretté car, même si nous bavardions beaucoup, Nous lui avons prouvé que cela ne nous empêchait pas de travailler efficacement.
— Il était dans l’ascenseur, tout à l’heure
— Nous ne nous occupons pas de sa chambre, j’espère ? Dieu merci, Andrea secoua la tête.
— Non, n’aie pas peur : vu son allure, il doit être au dernier étage.
L’hôtel était globalement luxueux, mais les suites avec terrasse étaient réservées aux clients les plus fortunés.
Fabrice ... Cela faisait 5 ans que je ne l’avais pas vu. Pas depuis notre dernière entrevue, sur la petite plage.
Hyacinte était mort quelques mois plus tôt. Je l’avais appris le jour même où le médecin avait déclaré que la maladie de mon père entrait désormais dans sa phase terminale. Par la suite, j’ai lu dans la presse que Fabrice avait acheté un appartement à Abidjan et vivait maintenant entre la capitale ivoirienne et française .
Parfois, je redoutais de le croiser dans la rue, ou qu’il apprenne que je suis toujours femme de chambre alors que je lui avais lancé à la figure
que je me débrouillerais mieux sans lui. Et le fait de savoir qu’il séjournait a mon lieu de travail me rendait affreusement nerveuse.
— Pourquoi descend-il à l’hôtel alors qu’il possède un appartement en ville ?
— Je n’en sais rien. Mais je suis sûre que c’était bien lui !
— Il t’a reconnue ?
A ces mots, mon amie éclata de rire.
— Parce que tu crois que Fabrice perd son temps à regarder une femme de chambre ! Mais j’avoue que je suis restée planquée derrière le chariot du porteur, au cas où il tournerait la tête de mon côté. Ce qu’il n’a pas fait.
— Je ne veux pas qu’il me voie comme ça.... Je ne veux pas qu’il sache que je suis toujours femme de chambre...
— Il n’y a pas de quoi avoir honte, Maryline.
— Je n’ai pas honte. Mais je ne veux pas lui donner la satisfaction de voir que je n’ai pas avancé.
— Ne t’inquiète pas : je l’ai entendu dire qu’il retournait à paris dès cet après-midi.
— Parfait.
— Tu veux savoir autre chose ?
— Non. Je ne veux même pas penser
à lui.
Et pourtant, quand je m’écroulais sur mon lit, le soir, dans le petit appartement que je partageais avec Andrea , il était là : il m’attendait dans mes rêves. Chaque matin, je me réveillais furieuse contre mon subconscient qui se montrait si enclin à lui pardonner. Car, dans mon sommeil, je retournais inexorablement à mon enfance inondée de soleil, ou revivait ces moments de passion brûlante, ces quelques heures merveilleuses passées avec mon seul et unique amant.
Une fois que nous avions achevé de faire le lit en silence, Andrea va s’occuper de la salle de bains, tandis que moi je faisais le ménage du salon.
Fabrice ne l’intéressait pas, je me le répéta farouchement en époussetant les meubles. Mais je ne tiens pas longtemps et je vais rejoindre Andrea qui essuyait le grand miroir.
— A qui a-t-il dit qu’il repartait ? — A une femme.
Une douleur aiguë me traverse la poitrine.
— Elle était belle ?
— Je n’ai pas vraiment fait attention
— Dis-moi la vérité
— OK, elle était belle....
— Il l’a appelée par son prénom ?
— Oui. Rachelle .
— Et lui, il était comment ?
— Il avait l’air en forme.
— Très en forme ?
— Vu que la dernière fois que je l’avais aperçu, il sortait de prison, oui, il avait l’air en forme par rapport à ce jour-là. Il a les cheveux plus longs qu’avant, mais sa coupe est très soignée.
Et il a toujours sa cicatrice au-dessus de l’œil.
— Il t’a semblé heureux ?
Jamais je ne laissais couler mes larmes. Il était ridicule d’éprouver des
émotions pareilles au sujet d’un type que je déteste, et qui avait fait tant de mal à ma famille. Mais en dépit de mes efforts, je ne pu refouler les accès de jalousie qui me terrassaient à la pensée qu’il puisse sortir avec d’autres femmes et se vautrer dans le luxe, alors que moi et Andrea avions du mal à joindre les deux bouts, tout en travaillant comme des forcenées.
— Fabrice n’a jamais l’air vraiment heureux. De ce côté- là, il n’a pas changé.
Elle avait raison : avec les autres, il restait toujours assez sombre, mais avec moi, il avait ri, souri, s’était laissé aller...
Durant toute la journée, je demeurais sur les nerfs, terrifiée à la pensée de le croiser.
Après le boulot je vais prendre le bus pour aller voir mon père, à l’infirmerie du centre pénitentiaire où il avait été transféré.
Dès que j’entre je sors de mon sac la bague ayant appartenu à la mère d’Andréa et l’enfila, puis je signe le registre des visiteurs. Ensuite, mon sac fut fouillé, une gardienne me palpa rapidement partout, puis je fut autorisée à me rendre à l’infirmerie.
Comme chaque fois que mon père me voyait, son visage s’éclaira.
— Maryline! Tu n’es pas forcée de venir tous les jours !
— Je le fais parce que j’en ai envie, papa.
Maintenant qu’il se trouvait à l’infirmerie, les visites quotidiennes
étaient permises, et j’en profitais car je savais que mon père ne vivra plus longtemps.
— Comment va Fabrice ?
Mon père n’avait jamais été très costaud, mais le procès l’avait amoindri à tel point qu’il n’était plus que l’ombre de lui-même. Alors, pour le ménager, pour qu’il ne s’inquiète pas à mon sujet, j’ai du menti, et lui dire que je vis désormais avec Fabrice .
Mon étant de plus en plus confus, je trouvais toujours le moyen de justifier le fait que mon compagnon ne venait pas le voir
— Il va bien, mais il travaille énormément
comme d’habitude. Il m’a demandé de te saluer et de te dire qu’il essaierait de venir te voir bientôt.
— Et Andrea ?
— Ça va. Elle travaille toujours à l’hôtel.
Les questions restaient invariablement les mêmes, et je connaissais la routine par cœur.
— Des framboises ! Tu me gâtes trop ! Tu as dû les payer une fortune...
En effet, je dépensais beaucoup d’argent pour lui faire plaisir
— Ne t’en fais pas, Fabrice gagne bien sa vie.
— Il est si généreux... Pourquoi ne t’épouse-t-il pas ?
— Je te l’ai déjà dit, papa : parce que je veux que ce soit toi qui me conduises à l’autel. Nous attendons que tu sois libéré.
Ce jour n’arriverait jamais, évidemment. Mon père n’avait plus que quelques semaines à vivre et, de toute façon, il avait été condamné à quarante-trois années
— Je veux vous voir vous marier dans l’église où j’ai épousé ta mère.
— Je sais. Alors, encore un peu de patience...
— Oui.... La directrice est venue me voir ce matin, et elle m’a dit de ne pas perdre espoir, que ça avançait bien. Nous saurons mercredi prochain si je peux sortir
.
— La directrice voudrait vous voir, mademoiselle Dje dis une infirmière qui entra .
— Merci. J’y vais tout de suite.A tout à l’heure, papa.
Après avoir suivi l’infirmière dans une enfilade de couloirs, Je suis dans un bureau où m’attendait une femme à l’air fatigué, mais qui m’accueille avec un sourire bienveillant en me désignant une chaise.
— Il est plus confus que jamais, . Maintenant, il croit qu’il va être libéré mercredi...
— C’est possible, en effet.L’audition de votre père a été avancée. Nous avons effectué toutes
les démarches et rempli toutes les formalités nécessaires.
— Je ne comprends pas... Je ne savais même pas qu’il devait y avoir une audition...
— Nous espérons que votre père sera libéré pour raisons humanitaires. Il ne représente de menace pour personne, et il est vraiment trop faible pour aller ailleurs que dans un établissement de soins ou chez vous. Alors, c’est au juge d’en décider, mais l’avocate qui travaille sur son dossier est très réputée pour son efficacité.
— Je ne savais pas non plus qu’une avocate travaillait pour lui... Pourquoi ne m’en a-t-on pas informée ?
— Tout s’est enchaîné très vite. Dès le début de la révision du procès, un non-lieu a été envisagé, mais vu l’état de santé de votre père, cela aurait pris trop de temps ,malheureusement. Alors, ils ont opté pour une demande de remise en liberté pour raisons humanitaires.Je ne voudrais pas vous donner de faux espoirs, mais je crois pouvoir dire que dans quelques jours vous allez repartir chez vous avec votre père, mademoiselle.
Je lui rendi son sourire. C’était merveilleux, inespéré, fabuleux...
Et en même temps, terrifiant. Parce que j’ai l échafaudé tout un univers chimérique pour mon père : une existence avec Fabrice , dans un bel appartement, pas dans un deux pièces minuscule partagé avec Andrea ...
Le seul élément véridique était le fait que mon amie travaillait comme femme de chambre.
Par chance, mon n’avait pas posé trop de questions, et il oubliait vite les détails. Si bien qu’il pensait simplement que Fabrice avait tenu sa promesse et s’était fiancé avec moi.
Comment lui avouer, à présent, que cette version idyllique de la réalité n’était qu’un tissu de mensonges ?
— Je vous ai fait venir pour que vous puissiez commencer à organiser sa sortie, poursuivit la directrice.
Je réussis à la remercier sans montrer mon désarroi, et même à aller dire au revoir à mon père en souriant. Mais une fois dehors, je couru vers l’arrêt de bus.
Une demi-heure plus tard, je grimpais l’escalier étroit quatre à quatre, et poussait la porte avant de m’effondrer sur une chaise.
— Qu’est-ce qui se passe ?
— Papa va sans doute sortir de prison...
— Mais c’est fantastique !
— Oui, bien sûr, mais je lui ai dit que je vivais avec Fabrice , dans un grand appartement superbe !
— Tu ne peux pas lui révéler la vérité. Ton père mérite de mourir en paix, et de savoir que quelqu’un veille sur sa fille.
Andrea ferma un instant les yeux et, quand elle les rouvrit, ils brillaient de larmes.
— Ma mère n’a pas eu cette chance. Je crois que le soir où hyacinte a été remis en liberté et m’a obligée à travailler au bar, elle en a eu le cœur brisé. Et ça a hâté sa fin. Nous ne permettrons pas que ton père subisse le même sort
— Et comment est-ce que je fais ?. Je me procure une photo de Fabrice , je la fais agrandir et je la pose sur une chaise, c’est ça ? Mon père a l’esprit confus, mais il n’est pas fou...
— Il n’y a qu’une solution.... Tu vas aller voir Fabrice et lui dire qu’après ce qu’il a dit sur toi au tribunal il peut bien t’aider et jouer la comédie le temps qu’il faudra !
— Tu crois que je pourrais réussir à le convaincre ? Je ne peux pas aller le voir accoutrée comme ça...
— Je sais encore coudre, Maryline! Alors, tu peux compter sur moi pour te métamorphoser en créature sophistiquée comme fabrique n’en a jamais rencontré... Et crois-moi, il va vite devoir revenir sur ce qu’il a dit au tribunal...
À suivre ...
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