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Il se tait et s’assoit en retirant ses lunettes pour les poser sur la petite table. Je m’assois aussi en face de lui.
– Je disais que tu ne dois pas faire ça. Laisse tomber cette histoire et vas de l’avant. Si tu mets dans affaire de police tu vas ouvrir la plaie et puis l’aggraver.
– Les plaies n’ont jamais été fermées.
– Terry…
– Maman non.
– Ne redeviens pas cet homme.
– Déjà fait.
– Chéri.
– Ca suffit maman !
Il se lève d’un coup et fait un tour sur lui-même avant de se placer devant alors que je me lève aussi pour lui faire face.
– J’avais mis de côté cet homme dont tu parles et voici ce qui est arrivé.
– Mais ce n’est pas de ta faute.
– Si ça l’est. Si je n’étais pas devenu un homme pacifique et ouvert tout ceci n’allait jamais arriver.
Il se rapproche dangereusement de moi en me fixant. Je recule.
– Si j’étais resté le même homme même cette voiture aurait refusé de percuter ma fille parce qu’elle saurait que quiconque s’en prend à Terry YOUL d’une manière ou d’une autre le paye très cher. Aujourd’hui mon seul but dans la vie c’est de rendre justice à MA FILLE et ce peu importe les retombés. Maintenant excuse-moi je dois aller me reposer. À ce soir.
Je suis déjà assise à table à attendre mon fils. Depuis ce qu’il m’a dit chez lui je ne suis pas tranquille. Si mon fils dit qu’il veut retrouver celui qui a renversé Inès ce n’est pas bon. Dieu seul sait ce qu’il va lui faire s’il le retrouve. Je connais mon fils et sa colère n’est jamais bonne. Je reviens à moi quand il pose un bisou sur mon front avant de s’asseoir à côté de moi. Je nous serre et nous commençons à manger.
– Demain un garde te sera assigné.
– J’ai déjà un garde Terry.
– Tu en auras un deuxième.
– Je n’ai pas besoin de garde.
– Ce n’est pas à discuter.
– Tu penses que tu peux m’imposer tes ordres ?
– Il se surnomme Cèd.
– YOUL…
– Bon appétit maman.
– Chéri arrête avec ça.
Il continue de manger sans me répondre.
– Pourquoi est-ce qu’au lieu de t’embrouiller avec cette histoire tu ne te cherches pas une autre femme avec qui faire une nouvelle famille et avoir des enfants ?
Dès que je finis ma phrase mon fils reverse tout ce qui est sur la table par terre. Je me lève en criant. Il est gonflé de colère. Quand je me reprends je lui donne une gifle. Tout mon corps tremble tellement j’ai eu peur.
– Ça ne te va pas YOUL ? Hein ?
– Plus jamais tu ne me dis de me trouver une autre femme et même de faire d’autres enfants. Plus jamais.
Il a parlé doucement mais avec tellement de colère que j’ai peur. Mais c’est moi sa mère et je sais comment réagir quand il est comme ça.
– Je vais te dire ça tant que je suis ta mère. Assieds–toi !
Il me regarde sans obéir.
– J’AI DIT DE T’ASSEOIR YOUL !
Il s’assoit enfin mais toujours prêt à casser quelque chose.
– Tu penses que ton gros cœur-là tu vas faire ça sur moi ? Je suis Nathalie YOUL TA MÈRE, j’ai vu ton kiki jusqu’à tes 15 ans avant que tu ne partes en Amérique donc tes conneries de bêtises tu ne fais pas sur moi. Je suis peut-être analphabète mais si tu es Terry YOUL aujourd’hui c’est grâce à moi donc tu te calme avec moi hein. Ton garde du corps je ne veux pas et je te conseille de laisser tomber cette histoire de tu veux retrouver la personne qui a cogné Inès. C’est le passé donc c’est fini. Faut laisser la petite reposer en paix.
Il se lève doucement et arrange sa veste. Il me regarde ensuite droit dans les yeux. L’enfant là va me tuer avec sa colère.
– Lorsque je t’ai dit que je t’offrirai des dizaines de maison pour que plus jamais tu ne vives dans des maisons en bois près des décharges j’ai tenu ma parole. Et aujourd’hui tu as trois maisons et trois immeubles en ton nom. Et tu en auras encore d’autres. Alors lorsque je dis que j’irai jusqu’au bout de cette histoire, maman je tiendrai encore parole. Tu me connais et tu sais que ça n’en vaut pas la peine d’insister. Demain ton nouveau garde viendra. (Il sort des billets) Tiens c’est pour la nourriture.
Il pose les billets sur la table, m’embrasse sur le front et sors. Mon cœur de mère se serre en regardant tant de colère remplie dans les yeux de mon fils. Je le regarde partir et je commence à faire une prière intérieure. Je ne veux pas que mon fils gâche sa vie pour cette histoire. Mon fils n’aime pas parler beaucoup, il dit ça le fatigue mais c’est seulement quand il est trop fâché qu’il parle beaucoup. Je ne sais pas où il a enlevé ce gros cœur mais quand ça commence à se manifester mieux vaut ne pas être sur son chemin. Quand il est fâché il gâte tout et puis il s’en fou. Je ne veux vraiment pas voir mon fils redevenir cet être froid qui ne sourit jamais. Seigneur il faut que tu viennes au secours de mon fils sinon ce n’est pas bon.
