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Chapitre 3

Louisa n’était pas du genre à se laisser emporter par des rumeurs. Pourtant, ces derniers jours, quelque chose chez Raphaël Belmont lui échappait. Elle ne pouvait pas le nier, une étrange fascination la poussait à essayer de comprendre cet homme solitaire qui vivait en retrait de tout, presque comme un fantôme. Chaque rencontre fortuite, chaque échange de regard lui laissait un goût d’inachevé, une sorte d’intrigue suspendue qui ne demandait qu’à être résolue.

Un matin, alors qu’elle arrosait les plantes du jardin avec Odile, Louisa tenta d’aborder le sujet sans vraiment savoir pourquoi. C’était comme si son esprit n’arrivait pas à se débarrasser de cette question qu’elle n’avait même pas posée à voix haute.

« Il y a quelque chose de… particulier chez Raphaël Belmont, non ? » dit-elle en arrosant négligemment une rangée de tomates.

Odile la regarda par-dessus ses lunettes de lecture, une étincelle amusée dans les yeux. « Ah, Raphaël… C’est un homme un peu secret, il faut le dire. Mais il n’a jamais cherché à en faire un mystère. Il est juste… » Elle haussait les épaules, comme si elle n’avait pas les mots pour expliquer une telle énigme. « Un homme qui préfère rester dans l’ombre. C’est tout. »

Louisa sentit sa curiosité se réveiller un peu plus. « Dans l’ombre ? »

« Oui, tu sais, Raphaël a eu sa vie avant ça. Une vie… bien remplie, j’imagine. Mais il s’est retiré il y a quelques années. D’un coup. Sans prévenir personne. »

Le silence s’installa un moment. Louisa attendait plus d’informations, mais Odile était devenue soudainement laconique. C’était comme si elle avait dit ce qu’elle pouvait, et que parler davantage de Raphaël n’était pas dans les règles non écrites de la petite communauté de ce village tranquille. Mais cela ne suffisait pas à Louisa. Elle devait en savoir plus.

Les jours suivants, elle multiplia les tentatives pour en savoir davantage sur cet homme. Lors de ses promenades solitaires, elle s’aventura dans le petit café du coin, là où les gens se retrouvaient pour échanger les dernières nouvelles du village. Elle s’assit à une table, attendant l’opportunité d’entendre quelque chose qui pourrait enfin expliquer ce mystère.

Un groupe de femmes âgées sirotait leur thé à une table voisine, et Louisa, dissimulée derrière une tasse, les écouta discrètement.

« Raphaël Belmont, » dit une voix, une vieille femme avec des cheveux blancs et une voix rauque. « Ce n’est pas un homme comme les autres. Pas un villageois, malgré tout ce qu'il veut faire croire. Cet homme était un géant du monde des affaires. »

« Ah, je savais bien qu’il y avait quelque chose de spécial chez lui ! » répondit une autre, en posant son thé. « Il n’est pas qu’un ermite comme il voudrait qu’on croie. Avant, c’était un magnat. L’un des plus puissants. Il a bâti un empire, une vraie fortune, et d’un jour à l’autre, il a tout laissé tomber. Il est parti dans les montagnes, et plus personne ne l’a revu pendant des années. Certains disent qu’il a eu des problèmes… mais personne ne sait vraiment. »

Louisa sentit un frisson parcourir son dos. Ces histoires qu’elle entendait ne faisaient qu’alimenter son impression qu’il y avait bien plus derrière cet homme. Pourquoi cet isolement soudain ? Et quels problèmes pouvait-il bien avoir pour se retirer de tout cela ? Elle avait besoin de réponses.

Plus tard, alors qu’elle se promenait près du vieux moulin à eau, elle aperçut Raphaël au loin, dans son champ, marchant lentement, les mains dans les poches, comme s’il était perdu dans ses pensées. Louisa se sentit soudainement poussée à l’approcher, à briser le silence entre eux, à confronter cet homme à la réputation floue et inquiétante qu’il traînait derrière lui. Elle hésita un instant, puis se dirigea vers lui.

Lorsqu’il la remarqua, il leva la tête, mais ne fit aucun mouvement pour l’accueillir. Ses yeux sombres, presque intenses, se posèrent sur elle, mais son visage demeura impassible.

« Bonjour, » dit-elle timidement, ne sachant trop par où commencer.

« Bonjour, » répondit-il, sa voix grave et distante. Il ne semblait pas plus intéressé que cela par cette rencontre impromptue.

Louisa sentit une bouffée d’irritation l’envahir. Cet homme, toujours si distant, la mettait mal à l’aise. Elle n’était pas habituée à être ainsi ignorée. « Je vous ai vu travailler, ici, tous les jours, » dit-elle, tentant de démarrer une conversation. « Vous avez l’air d’avoir beaucoup d’expérience. »

Raphaël resta silencieux pendant un instant. Puis, sans la regarder vraiment, il murmura : « Je n’ai pas choisi cela par passion, si c’est ce que tu veux savoir. J’ai simplement trouvé la paix ici. Après des années dans ce monde que tu connais, j’ai compris que j’avais besoin de m’échapper. »

Louisa le scrutait, cherchant à lire entre ses mots. « C’est ce que vous avez fait, vous êtes parti… du jour au lendemain, n’est-ce pas ? »

Raphaël se tourna lentement vers elle, ses yeux se durcissant. « Je n’ai pas à me justifier auprès de vous, mademoiselle. J’ai pris des décisions, des décisions que j’ai assumées, et ce qui importe maintenant, c’est que j’ai trouvé ce que je cherchais. »

Il n’y avait ni chaleur, ni amabilité dans sa voix, juste une froideur qu’elle n’avait jamais rencontrée chez un homme. Cela la perturbait encore plus. Pourquoi était-il si fermé ? Pourquoi, au lieu de la repousser ainsi, ne répondait-il pas simplement à ses questions ?

« Pourquoi êtes-vous ici ? » osa-t-elle enfin demander. « Vous, un homme comme vous, pourquoi être ici, dans un village aussi reculé ? »

Il la regarda un instant, une lueur d’irritation passant dans ses yeux. Puis il secoua lentement la tête, comme s’il regrettait d’avoir accepté de lui parler. « Parce que je peux. Parce que je le veux. »

Les mots, bien que simples, résonnèrent en Louisa comme un coup de tonnerre. Ce qu’il disait n’avait rien de logique, rien d’acceptable pour quelqu’un qui avait connu la richesse et le pouvoir. Mais c’était exactement ce qu’il voulait, et cela suffisait.

Un long silence s’installa entre eux. Louisa ne savait plus quoi dire. Elle avait l’impression que Raphaël s’était fermé à elle de manière définitive, qu’il n’y avait plus rien à espérer d’une conversation qui avait déjà pris fin avant même qu’elle ne commence vraiment.

« Je vous dérange probablement, » dit-elle enfin, brisant le silence. Elle se détourna lentement de lui, et se mit à marcher, chaque pas la rapprochant un peu plus de la tranquillité qu’elle avait connue avant cette rencontre. Mais au fond, quelque chose l’énervait encore. Ce manque de réactivité, cette froideur glaciale qui semblait le protéger de tout et de tous.

Elle avait l’impression qu’elle ne saurait jamais qui était vraiment Raphaël Belmont, ce qu’il avait fui, et surtout ce qui se cachait derrière son regard aussi impénétrable qu’un ciel d’orage. Mais une chose était certaine : plus elle en apprenait sur lui, plus il devenait difficile à comprendre, et plus il devenait impossible à ignorer.

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