Chapitre 5
Chapitre 5
LE POINT DE VUE D'ELENA
L’eau chaude ruisselle sur ma peau, et mes pensées se noient dans le souvenir encore brûlant de ce qu’il vient de se passer. Je ferme les yeux, m’appuie contre le mur carrelé, et je sens encore ses mains sur moi, ses lèvres… Damien.
Lucas, mon pauvre Lucas. Tu es dehors, quelque part, avec une pizza dans les mains et un sourire sur le visage, pensant à quel point je t’aime. Mais, ici, dans cette salle de bain, je suis une femme en proie à un désir que je n’ai pas ressenti depuis longtemps.
Tout a commencé par un regard. Damien et moi n’avons pas dit un mot lorsque Lucas a claqué la porte en partant. Ce silence, pourtant si innocent au départ, s’est chargé d’électricité. Je ne sais même pas qui a fait le premier pas. Peut-être lui, peut-être moi. Mais dès que ses doigts ont effleuré ma main, j’ai su qu’il n’y aurait pas de retour en arrière.
Ce n’était pas juste une pulsion. C’était comme si quelque chose d’enfoui en moi se réveillait. Une passion, une intensité que je n’avais jamais ressentie avec Lucas. Damien… il savait exactement où poser ses mains, comment m’embrasser, comment me faire sentir belle, désirable, vivante.
Je me passe une main dans les cheveux, tentant en vain de chasser ces pensées, mais elles reviennent, plus fortes. Ce n’était pas un moment volé ; c’était un moment vrai. Et maintenant, je me demande : pourquoi ne ressens-je pas ça avec Lucas ? Pourquoi est-ce que je me sens plus vivante avec l’ami de mon petit ami qu’avec lui ?
Lucas mérite mieux. Ou peut-être que je mérite mieux.
Je soupire, coupable et perdue, mais aussi étrangement comblée. L’eau commence à refroidir, mais je reste immobile, les souvenirs brûlants dans mon esprit. Que vais-je faire maintenant ? Puis-je prétendre que rien de tout cela n’est arrivé ?
Une chose est sûre : ce que j’ai ressenti ce soir… je ne pourrai jamais l’oublier.
Sous la douche, l’eau qui glisse sur ma peau m’aide à cacher mes pensées coupables. Pourtant, au fond de moi, un mélange étrange de satisfaction et de culpabilité me tourmente. Mais avant que je puisse trop y réfléchir, un bruit à la porte interrompt le fil de mes pensées.
C’est Lucas.
— Elena, les pizzas sont là !, dit-il d’une voix joviale, sûrement satisfait de son choix du soir.
Je respire profondément, rassemblant mes idées. J’ai l’impression que l’odeur de ce que je viens de faire est partout sur moi.
— J’ai presque fini !, je réponds en haussant la voix pour qu’il m’entende à travers le bruit de l’eau.
Je ferme les yeux un instant, cherchant à me recentrer. Mais l’image de Damien revient dans mon esprit. Ses mains, son souffle, ce moment que je n’aurais jamais dû vivre.
Je coupe l’eau et sors de la douche. En attrapant la serviette blanche accrochée à côté, je m’enroule dedans. C’est une serviette douce, presque luxueuse, qui me colle légèrement à la peau encore humide. Le miroir embué me renvoie une image que je peine à reconnaître : moi, les cheveux en désordre, le regard brillant. Une femme qui vient de faire quelque chose qu’elle ne pourra jamais avouer.
Je prends une inspiration et sors de la salle de bain. Lucas est là, assis sur le canapé, une boîte de pizza ouverte devant lui. Quand il me voit entrer, ses yeux s’écarquillent légèrement.
— Eh bien, si j’avais su que tu sortirais habillée comme ça, j’aurais pris du champagne avec les pizzas, plaisante-t-il en souriant, un mélange de surprise et d’admiration dans le regard.
Je souris, jouant le jeu. Cette serviette est plus courte que je ne le pensais, et elle épouse mes courbes d’une manière presque provocante. Je le vois déglutir, et une chaleur familière s’installe dans la pièce.
Je m’approche lentement, mes pieds nus effleurant le sol. Lucas pose la boîte de pizza sur la table, ses yeux ne quittant pas les miens. Je me penche légèrement, comme si je voulais inspecter la pizza, mais je sais ce que je fais. Je le vois détourner les yeux une fraction de seconde avant de les ramener sur moi, et je ressens une étrange satisfaction.
— Alors, qu’est-ce que tu as pris ? Pepperoni ?, je demande, feignant l’innocence tout en me redressant lentement.
Il rit doucement, un rire nerveux.
— Oui, ton préféré.
Je m’approche un peu plus, posant une main sur son épaule, juste assez pour qu’il sente la chaleur de ma peau.
— Merci, Lucas, tu penses toujours à tout, murmuré-je doucement, mon souffle frôlant son oreille.
Il frissonne légèrement sous mon contact, et je sens un élan de pouvoir. Mais ce pouvoir, bien que grisant, ne me comble pas autant que celui que j’ai ressenti avec Damien. Cette pensée me frappe comme une douche froide, et je recule légèrement.
— Je vais me sécher, dis-je en souriant. Comme ça, on pourra déguster ces pizzas tranquillement.
Lucas acquiesce, un sourire toujours scotché sur son visage, ses yeux suivant chacun de mes mouvements alors que je quitte la pièce.
De retour dans ma chambre, je m’appuie contre la porte fermée. Mon cœur bat à tout rompre, mais pas pour les bonnes raisons. J’ai tenté de séduire Lucas, de jouer ce rôle de petite amie parfaite, mais une partie de moi se sent détachée. Je n’arrive pas à oublier Damien, ni ce que j’ai ressenti dans ses bras.
Lucas mérite mieux que ça. Pourtant, à cet instant précis, je ne sais pas si je suis capable d’être mieux.
Je reste quelques minutes dans la chambre, le temps de reprendre mes esprits. Devant la glace, je me sèche les cheveux tout en évitant de croiser mon propre regard. Ce que j’ai fait ce soir me hante déjà, mais je n’ai pas le luxe de laisser mes émotions me trahir. Lucas est là, dans le salon, et il ne se doute de rien.
Je choisis un peignoir léger pour remplacer la serviette et laisse mes cheveux encore légèrement humides retomber sur mes épaules. En entrant dans le salon, je lui lance un sourire. Un sourire que j’espère naturel, mais qui cache une tempête à l’intérieur.
Lucas est déjà installé, une part de pizza à la main, et il lève les yeux vers moi.
— Viens, j’ai gardé ta part au chaud, dit-il en tapotant la place à côté de lui sur le canapé.
Je m’assois près de lui, presque comme si tout était normal. Et peut-être que tout est normal… du moins en apparence. Lucas me tend une assiette avec une part de pizza bien garnie.
— C’est encore chaud, ajoute-t-il en souriant.
— Merci, dis-je doucement, prenant la part dans mes mains.
Je prends une bouchée, et pendant une seconde, tout semble redevenir simple. La pizza est bonne, le fromage fondant, et Lucas est là, à mes côtés. Mais chaque sourire que je lui adresse, chaque mot échangé, me rappelle que je mens.
— Alors, tu t’es bien détendue sous la douche ?, me demande-t-il en croquant dans sa pizza.
Je hoche la tête, jouant l’innocente.
— Oui, ça m’a fait du bien. Merci de t’être occupé des pizzas, tu es le meilleur, dis-je avec un sourire sincère.
Il rit doucement, satisfait de ma réponse.
Nous mangeons ensemble, partageant des rires et des anecdotes comme si rien n’avait changé. Lucas me parle de sa journée, de son collègue au bureau qui a encore fait des gaffes, et je ris à ses blagues comme si tout allait bien.
Mais à l’intérieur, c’est une autre histoire. Chaque fois que je croise son regard, je ressens une pointe de culpabilité. Pourtant, je joue mon rôle à la perfection. Je suis la petite amie attentive, drôle, celle qui apprécie chaque moment passé avec lui.
Quand il me prend la main après avoir fini sa part, je ne recule pas. Je le laisse entrelacer ses doigts avec les miens, et je m’efforce de ne pas penser à Damien, ni à ce que j’ai fait avec lui.
— Je t’aime, Elena, murmure-t-il soudain, les yeux brillants d’émotion.
Mon cœur se serre. Ces mots, si simples et si sincères, me frappent comme un coup de poignard. Mais je ne peux pas me permettre de trahir ma façade.
— Moi aussi, Lucas, je t’aime, réponds-je doucement, en forçant un sourire que j’espère convaincant.
Il me regarde comme si j’étais la personne la plus importante au monde. Et à cet instant, je me demande si je pourrais un jour lui avouer la vérité. Peut-être pas ce soir, ni demain. Peut-être jamais.
