#Chapitre 4
#Chapitre 4
Le silence pesait lourd dans mon appartement, chaque seconde semblait s’étirer, comme si le temps lui-même attendait que je bouge. La phrase griffonnée sur ce bout de papier ne cessait de tourner dans ma tête : Je t’ai vue cette nuit-là. Qui était ce "je" ? Une menace ? Une confession ? Ou pire, un témoin invisible que j’avais réussi à oublier ? Je savais une chose, c’était que tout ce que j’avais construit sur des années de silence allait désormais vaciller.
Je passai une main tremblante sur mon visage, essayant d’effacer les traces de fatigue et d’angoisse. Pourtant, chaque fois que mes doigts effleuraient ma peau, je sentais ce poids invisible qui pesait sur mes épaules. Cette blessure secrète n’était plus seulement dans ma tête, elle menaçait de s’imposer dans ma vie.
Je me levai et allai vers la fenêtre. La nuit était tombée depuis longtemps. Les lumières de la ville brillaient faiblement à travers la pluie fine qui tombait. Les gouttes glissaient le long de la vitre comme des larmes silencieuses. Je pris une profonde inspiration, mais l’air semblait froid et lourd dans mes poumons.
Un coup soudain me fit sursauter. La sonnette. Qui pouvait bien venir à cette heure ? Mon cœur battait la chamade. Lentement, je m’approchai de la porte, chaque pas résonnant dans l’appartement vide. Je regardai par l’œil-de-bœuf. Personne. Juste un paquet posé sur le paillasson. Je l’attrapai rapidement, refermai la porte et retournai dans le salon. Le paquet était léger, enveloppé dans un papier kraft brun, attaché d’une ficelle fine. Aucun nom, aucune adresse.
Je défis lentement le nœud et tirai sur le papier. À l’intérieur, un petit carnet en cuir noir, usé par le temps. Je caressai la couverture du bout des doigts. Ce carnet ne m’était pas inconnu. Je l’avais vu une fois, dans la maison familiale, il y a bien des années, avant que tout ne bascule.
Je l’ouvris avec précaution. Les pages étaient jaunies, remplies d’une écriture fine et serrée. Mon souffle s’accéléra quand je reconnus cette écriture : c’était celle de mon père.
Je feuilletai les pages rapidement, dévorant chaque mot. Des souvenirs enfouis se réveillaient, mêlés à des secrets que je n’avais jamais osé imaginer. Il y racontait une histoire différente de celle que j’avais toujours cru.
Mon père n’était pas l’homme que j’avais cru connaître. Il avait des ennemis, des dettes, des regrets. Et surtout, une blessure secrète qu’il avait cachée à toute la famille.
Une phrase attira particulièrement mon attention : "Si elle découvre la vérité, elle saura que le passé ne peut jamais être enterré."
Je me laissai tomber sur le canapé, le carnet contre ma poitrine. Comment avais-je pu ignorer ça ? Comment avais-je pu me construire une vie en oubliant la moitié de mon histoire ?
Le téléphone sonna, brisant le silence. Je sursautai, puis décrochai.
— Anick ? C’est Élise.
— Tu as vu ce que j’ai reçu ?
— Oui. C’est terrifiant. On doit se protéger.
— Mais comment ? Je me sens piégée.
— Viens chez moi. Je t’expliquerai.
Je raccrochai, mes pensées tourbillonnant. Je savais que je devais fuir, ou du moins chercher refuge. Je pris quelques affaires, verrouillai l’appartement et partis sous la pluie battante.
Chez Élise, la chaleur du feu dans la cheminée contrastait avec le froid que je ressentais. Elle m’accueillit avec un sourire rassurant, mais ses yeux trahissaient son inquiétude.
— J’ai contacté quelqu’un, dit-elle. Un détective privé.
— Tu as fait quoi ?
— Je voulais être sûre que tu n’étais pas seule dans cette histoire.
Je me sentis envahie par une gratitude mêlée de peur.
— Qu’est-ce qu’il a trouvé ?
Elle sortit un dossier et le posa sur la table.
— Il s’appelle Marc Dubois. Il a un passé trouble, des liens avec des affaires criminelles en Europe. Il a été vu à plusieurs reprises près de chez toi.
Je déglutis.
— Et Vincent ?
— Il est impliqué, mais ce n’est pas lui le seul danger. Dubois est plus dangereux qu’on ne le pensait.
Je serrai les poings.
— Je dois savoir ce qu’il veut.
— Et je serai là pour t’aider.
La nuit avançait, mais mes yeux restaient ouverts, hantés par les révélations.
Je savais que la blessure secrète que je portais n’était qu’un fragment d’un passé bien plus sombre.
Le combat ne faisait que commencer.
