Chapitre 2

Quelques jours plus tard, le soleil commençait à descendre sur la ville, enveloppant le centre commercial d’une lumière dorée et douce. L’air était tiède, et malgré la chaleur, une brise légère faisait danser les banderoles suspendues aux plafonds. Isla, perchée sur les épaules de son père, trépignait presque d’excitation.

- Papa, papa, dépêche-toi ! cria-t-elle en pointant du doigt l’entrée du centre commercial. Je veux revoir Sofia ! 

Maximilian, impeccable dans son costume noir, ajusta sa cravate sans un mot. Il connaissait déjà la situation : sa fille avait décidé qu’elle devait revoir cette jeune femme douce et calme qu’elle avait tant admirée quelques jours auparavant.

- Isla… tu ne peux pas juste aller voir n’importe qui parce que tu le veux,  dit-il d’une voix posée mais ferme.

- Mais papa ! Elle est gentille ! Et elle… elle m’écoute !  Isla insista, ses yeux brillants d’une impatience enfantine.

Maximilian soupira, mais un sourire presque imperceptible se dessina sur ses lèvres. Il savait que cette insistance ne ferait que croître si elle n’obtenait pas ce qu’elle voulait.

- Très bien… murmura-t-il enfin.  Mais cette fois, tu restes sage. Compris ? 

- Oui, papa ! Promis ! Isla sauta presque de joie, accrochant ses petites mains à son père.

Ils franchirent les portes vitrées du centre commercial, et l’air frais de la climatisation les enveloppa. Le bruit des talons sur le carrelage poli, les musiques des boutiques et les murmures des clients formaient une mélodie familière. Isla courut presque immédiatement vers le petit café où Sofia travaillait, tirant Maximilian derrière elle.

- Attends ! l’appela-t-il, ses mains tentant de ralentir sa fille enjouée. Tu pourrais tomber ! 

Mais Isla était déjà là, ses yeux scrutant frénétiquement le comptoir.

- Sofia ! Sofia ! cria-t-elle joyeusement.

Sofia, qui rangeait quelques tasses sur une étagère, leva les yeux. Un sourire doux se forma sur son visage en voyant la petite tête brune pointer vers elle avec tant d’enthousiasme. Elle s’approcha rapidement.

- Bonjour, Isla… dit-elle avec douceur, baissant légèrement les yeux pour se mettre à hauteur de l’enfant. Tu es revenue me voir ? 

Isla hocha la tête avec un enthousiasme débordant.

- Oui ! Je voulais te revoir ! Tu es la seule qui comprend mes caprices ! 

Maximilian, toujours debout derrière elle, observa la scène en silence. Il restait froid et mesuré, mais son intérêt pour cette jeune femme ne faisait que croître. La façon dont Sofia interagissait avec sa fille, sans se laisser intimider par son énergie débordante, éveillait une curiosité qu’il n’avait pas ressentie depuis longtemps.

Sofia sourit, amusée.

- Je vois… alors tu es une experte en caprices ? 

Isla se mit à rire.

- Peut-être ! Mais toi, tu ne cries jamais et tu es toujours gentille ! 

Maximilian fronça légèrement les sourcils. Il était rare que quelqu’un remarque ses traits d’autorité… mais Sofia semblait imperméable à tout cela. Elle ne tremblait pas, ne baissait pas les yeux et ne cherchait pas à impressionner. Elle n'avait d'yeux que pour Isla.

-  Eh bien, je suppose que certains d’entre nous ont des talents différents, répondit-elle, sa voix douce mais avec une légère fermeté.

Isla éclata de rire et attrapa la main de Sofia.

- Tu peux venir avec nous ? Papa, s’il te plaît ! 

Maximilian observa sa fille, un mélange d’amusement et de résignation dans le regard.

- Sofia… » dit-il calmement.  Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée… 

Mais Sofia secoua la tête, son sourire inchangé.

- Ne vous inquiétez pas. Je peux gérer, dit-elle, et sans attendre davantage, elle se mit à suivre Isla, qui sautillait presque sur place, tirant Sofia doucement vers le coin des boutiques où elles s’étaient rencontrées quelques jours auparavant.

Maximilian les suivit à distance prudente, notant chaque geste et chaque sourire échangé. Il avait l’habitude de contrôler chaque situation, chaque détail de sa vie et de celle de sa fille. Mais avec Sofia, il ressentait quelque chose d’étrange : un mélange de curiosité et de défi qu’il n’avait jamais connu auparavant.

- Alors… qu’est-ce que tu as fait depuis la dernière fois ?  demanda Sofia en marchant aux côtés d’Isla.

- J’ai… euh… dessiné et j’ai joué avec mes poupées… et… oh ! Papa a dit que je pouvais choisir un autre gâteau la semaine prochaine ! 

Isla racontait tout avec une énergie débordante, ponctuée de gestes et de bonds presque incontrôlables.

Sofia écoutait attentivement, posant des questions ici et là, guidant Isla doucement pour qu’elle ne bouscule rien autour d’elle. Sa patience et son calme étaient presque hypnotiques pour Maximilian, qui observait toujours en silence.

Lorsqu’ils atteignirent le stand des poupées, Isla se retourna vers Sofia.

- Tu te souviens de celle que j’ai eue ? 

Sofia hocha la tête.

- Bien sûr, je m’en souviens. Elle était très jolie. 

Isla soupira d’un air dramatique.

- Mais j’aimerais en voir d’autres… Papa ! Je veux les voir toutes ! 

Maximilian arqua un sourcil, essayant de garder son calme.

- Isla…  dit-il fermement, une à la fois, tu ne peux pas toutes les avoir.

Mais Isla, imperturbable, se tourna vers Sofia et dit :

- Sofia, aide-moi ! Tu es la seule qui peut convaincre papa de prendre plus d’une poupée ! 

Sofia éclata de rire doucement, secouant la tête.

- Isla… tu sais bien que je ne peux pas tricher pour toi. Mais je peux t’aider à choisir celle que tu aimes le plus. 

Isla fit la moue, mais accepta à contrecœur. Elle tendit les mains vers Sofia, et ensemble elles commencèrent à examiner chaque poupée avec soin. Maximilian les regardait, intrigué par la façon dont Sofia avait réussi à canaliser l’énergie de sa fille sans aucun effort apparent.

- Celle-ci a des cheveux violets !  s’exclama Isla, pointant une poupée avec des mèches chatoyantes.

- Oui… elle est jolie,  répondit Sofia en souriant, examinant la poupée et écoutant les commentaires enthousiastes d’Isla.  Mais regarde celle-ci… elle a un petit sac et un chapeau… 

Isla hésita, ses yeux brillants d’indécision. Maximilian se pencha légèrement pour observer, mais resta silencieux. Il n’avait jamais eu besoin d’intervenir dans le choix des jouets auparavant. Pourtant, quelque chose dans l’interaction entre Sofia et Isla lui semblait… important.

Finalement, Isla fit un geste théâtral et pointa la poupée aux cheveux violets.

- Celle-ci ! Elle est parfaite ! 

Sofia hocha la tête avec un sourire.

- Parfait choix. Tu vas bien t’occuper d’elle, n’est-ce pas ? 

- Oui !  Isla répondit en sautillant, heureuse.

Maximilian soupira légèrement mais avec un amusement évident.

- Très bien… allons payer. 

Alors qu’ils se dirigeaient vers le comptoir, Maximilian croisa le regard de Sofia. Ses yeux, calmes et attentifs, ne fuyaient pas le sien. Pour la première fois depuis longtemps, il se sentait… remis en question, intrigué par quelqu’un qui ne se laissait pas impressionner par son statut, son argent ou son charisme.

Pendant qu’Isla bavardait sans fin sur la poupée et les accessoires qu’elle voulait la prochaine fois, Sofia gardait son calme, répondant à chaque commentaire avec douceur, mais toujours avec une pointe de fermeté qui montrait qu’elle n’était pas naïve.

Maximilian l’observa, silencieux mais captivé. Il réalisa, pour la première fois, que certaines rencontres ne pouvaient pas être contrôlées. Et que certaines personnes, même face à lui, restaient un mystère qu’il ne pouvait pas percer immédiatement.

Une fois le paiement terminé, Isla serra sa nouvelle poupée contre elle, rayonnante.

- Merci, Sofia ! Tu es la meilleure ! 

Sofia sourit et posa une main sur la tête de la petite.

- Je suis contente que tu sois heureuse. Mais souviens-toi… être gentille est toujours plus important que d’avoir beaucoup de choses. 

Maximilian se pencha légèrement vers Sofia, sa voix basse et mesurée :

- Vous êtes… surprenante. Et je dois admettre que ça me surprend davantage que vous ayez réussi à dompter ma fille en quelques minutes. 

Sofia haussa les épaules, un sourire malicieux aux lèvres.

- Chaque enfant est différent. Et je le dis toujours Il suffit de trouver la bonne approche. 

Maximilian la regarda, intrigué et légèrement défié. Sofia n’était pas impressionnée par lui, et c’était exactement ce qui le fascinait.

Isla, satisfaite, courut en avant, riant aux éclats, tandis que Maximilian et Sofia la suivaient. Et pour la première fois depuis longtemps, il se surprit à anticiper avec curiosité ce que cette relation improbable allait devenir.