Chapitre 1

Le centre commercial grouillait de monde ce samedi après-midi. Des familles riaient, des ados traînaient leurs sacs à dos et des musiques festives résonnaient depuis les hauts-parleurs. Isla, perchée sur les escaliers roulants, tirait sur la manche de son père avec une énergie insupportable.

- Papa ! Papa !  cria-t-elle en sautillant sur place.

Maximilian, élégant dans son costume gris foncé, la regarda avec un mélange de fatigue et de patience retenue.

- Qu’est-ce que tu veux encore, Isla ?  demanda-t-il, sa voix calme mais ferme.

- Regarde ! Regarde ce stand ! Je veux ça ! 

Isla pointa du doigt un petit étal rempli de poupées miniatures, avec des robes chatoyantes et des accessoires scintillants. Ses yeux brillaient d’un éclat à la fois adorable et insistant.

Maximilian soupira. Ce n’était pas la première fois que sa fille se montrait ainsi dans un lieu public. Il s’avança d’un pas lent et calculé, posant son regard sur la petite étagère avec une neutralité parfaite.

- Isla, tu as déjà… combien de poupées ? demanda-t-il en comptant mentalement les boîtes que son assistante avait livrées à la maison la semaine dernière.

- Je ne sais pas ! Mais celle-ci est différente ! Elle a des cheveux roses ! Et regarde, papa, elle danse quand on appuie sur le bouton ! 

Elle appuya frénétiquement sur le petit mécanisme, faisant tourner la poupée sur elle-même.

Maximilian croisa les bras. Son regard froid ne trahissait rien, mais l’agacement était palpable.

- Tu ne peux pas tout avoir, Isla. Tu dois apprendre à te contenter de ce que tu possèdes. 

Isla se mit à bouder. Elle croisa les bras et fronça les sourcils, sa moue parfaite pour manipuler le monde.

- Mais papa ! C’est différent ! J’en ai besoin ! 

- Tu n’as pas besoin de tout, Isla. 

La petite poussa un petit cri de frustration et se mit à taper des pieds sur le sol brillant du centre commercial. Les passants se retournaient, certains souriant, d’autres secouant la tête face à cette tempête miniature.

C’est à ce moment que Sofia apparut. Elle était derrière le comptoir d’un petit café adjacent, en train de servir des boissons aux clients, quand ses yeux se posèrent sur la scène. Une petite fille criait et gesticulait avec une insistance étonnante.

- Excusez-moi…  dit Sofia en s’approchant avec douceur. Sa voix avait ce ton calme et rassurant qui atténue instantanément la tension.

Isla, comme si elle sentait déjà qu’une nouvelle alliée était là, tourna son visage vers Sofia.

- Vous pouvez m’aider ? Je veux cette poupée !  demanda-t-elle avec insistance, tendant le bras.

Sofia regarda Maximilian, qui la scrutait avec un mélange de curiosité et de méfiance. Il y avait quelque chose chez cette jeune femme qui semblait imperméable à son charme habituel. Il sourit légèrement, intrigué, mais ne dit rien.

- Bien sûr , répondit Sofia avec un sourire doux, s’abaissant pour se mettre à la hauteur d’Isla.

- Mais tu sais, il faut parfois expliquer calmement pourquoi on veut quelque chose, pas seulement crier. 

Isla haussa un sourcil, surprise.

- Moi… je crie ? Non ! 

- Eh bien, tes pieds frappent fort le sol, et tes mains appuient sur la poupée comme si elle était en danger,  répliqua Sofia en souriant gentiment.

Isla éclata de rire malgré elle. C’était inattendu. Aucun adulte n’avait osé la contredire de manière si… normale. Sofia ne la regardait pas avec indulgence ni exaspération. Elle la prenait au sérieux.

Maximilian fronça les sourcils, intrigué. Personne n’avait jamais réussi à garder Isla calme d’un simple sourire ou de quelques mots.

- Sofia, n’est-ce pas ?  demanda-t-il finalement, sa voix mesurée, comme s’il pesait chaque mot.

- Oui… Et vous êtes son papa, je suppose ?  dit-elle en souriant timidement.

- Maximilian. 

Un silence pesant s’installa. Maximilian observa Sofia, notant sa manière de se tenir, la douceur de sa voix et la patience qu’elle déployait. Elle ne semblait pas impressionnée par sa présence ou par l’autorité qu’il imposait naturellement. Il y avait quelque chose de… différent.

Pendant ce temps, Isla s’accrochait à la jambe de Sofia.

- S’il vous plaît… je veux cette poupée ! 

Sofia se pencha et murmura à l’oreille de la fillette :

- Tu sais quoi ? Si tu peux me promettre d’être gentille et de ne plus crier, je vais te l’acheter. Mais tu dois me montrer que tu peux faire preuve de patience. 

Isla fit une petite moue, mais le ton calme et sérieux de Sofia avait un effet surprenant. Elle hocha la tête avec sérieux.

- D’accord… je vais être gentille. 

Maximilian arqua un sourcil, impressionné.

- Eh bien… c’est rare que quelqu’un réussisse à calmer ma fille comme ça. 

Sofia haussa les épaules, modeste.

- C’est juste une question de savoir écouter et de comprendre ce que l’enfant veut vraiment. 

Maximilian la regarda, intrigué. Il avait l’habitude que les gens tombent sous son charme instantanément. Qu'ils s'accrochent à lui demandent des selfies ou des autographes. Mais Sofia… elle ne se laissait pas séduire. Elle ne lui rendait pas son sourire ni ne se laissait impressionner par sa stature ou son aura de puissance.

- Bien. dit-il finalement, un sourire léger sur le visage.

- Si vous êtes prête, vous pouvez aller chercher cette poupée. 

Isla sauta presque de joie.

- Merci ! Merci ! 

Elle attrapa la main de Sofia et la tira vers le stand, ses rires résonnant dans le centre commercial.

Sofia la suivit, esquivant habilement les passants. En la guidant vers la poupée, elle jeta un coup d’œil à Maximilian. Il la regardait toujours, debout, les mains dans les poches, observant avec une attention qui la mettait légèrement mal à l’aise.

- Elle est un peu… exubérante, non ?  demanda Sofia en se baissant pour saisir la poupée sur l’étagère.

Maximilian sourit finement.

- Vous pouvez dire ça. Et elle sait exactement comment obtenir ce qu’elle veut. 

Sofia tendit la poupée à Isla.

- Alors, tu vas promettre de t’occuper d’elle et de ne pas la jeter partout dans la maison ? 

Isla hocha la tête avec sérieux.

- Promis ! 

Maximilian s’avança et prit la main de sa fille pour vérifier qu’elle ne criait pas ou ne faisait pas de caprice. Isla lui lança un regard triomphant, comme si elle venait de gagner une bataille.

- Bien… , dit Maximilian d’une voix ferme mais légèrement amusée. Alors, allons payer. 

Sofia suivit le duo jusqu’au comptoir, remarquant la manière dont Maximilian se mouvait avec aisance et contrôle. Chaque geste, chaque regard, semblait calculé. Pourtant, il y avait dans ses yeux une curiosité honnête, une sorte d’intérêt qu’il ne montrait jamais aux autres.

Pendant que l’achat se faisait, Isla ne cessait de bavarder, racontant à Sofia tout un tas de détails insignifiants sur sa vie et ses goûts. Sofia l’écoutait attentivement, souriant à ses commentaires et répondant avec patience. Maximilian observait, silencieux, mais intrigué par cette relation naissante entre sa fille et cette jeune femme qu’il ne pouvait pas influencer.

Une fois la transaction terminée, Isla serra la poupée contre elle, rayonnante.

- Merci, Sofia ! Vous êtes la meilleure ! 

Sofia sourit.

- Je suis contente que ça te plaise, Isla. Mais souviens-toi, il faut être gentille avec tes affaires et les personnes autour de toi. 

Maximilian se pencha légèrement vers Sofia, sa voix basse mais ferme :

- Vous avez réussi à calmer ma fille en quelques minutes… Je dois avouer que je ne m’y attendais pas. 

Sofia haussa les épaules, amusée.

- Chaque enfant est différent. Il suffit de trouver la bonne approche. 

Maximilian la regarda, intrigué et légèrement défié. Il était rare que quelqu’un échappe à son charme… et cette jeune femme, Sofia, semblait justement… immunisée.

Isla, satisfaite de sa poupée, courut devant eux, sautillant de bonheur.

- Regarde papa ! Elle danse toute seule ! 

Maximilian observa sa fille avec un sourire rare, un sourire qui n’avait rien de froid ou de calculé. Il n’aurait jamais imaginé qu’un simple samedi après-midi au centre commercial puisse prendre une tournure si… intéressante.

Et Sofia, à ses côtés, ne savait pas encore à quel point cette rencontre allait bouleverser sa vie.