chapitre 6
Chapitre 6
De retour à la meute, Téa essayait tant bien que mal d’ignorer la tempête d’émotions qui l’habitait depuis leur dernière mission. Elle était encore secouée par la tendresse inattendue que Nicolas avait montrée lorsqu’elle s’était blessée. Elle se surprenait à repenser sans cesse à ce moment où il l’avait soignée avec tant de douceur, ses doigts glissant sur sa peau, ses yeux habituellement moqueurs soudain remplis d’inquiétude. Elle savait que cette facette de lui était rare, peut-être même unique, mais elle ne voulait pas laisser ces souvenirs s’installer dans son esprit. C’était risqué, dangereux, et elle refusait de devenir vulnérable. Elle savait qui était Nicolas : l’héritier charismatique, mais arrogant, un Alpha dont l’ego semblait sans fin. Il n’était pas question qu’elle s’attache à un loup aussi imprévisible.
Téa tenta donc de reprendre sa routine, se concentrant sur ses responsabilités au sein de la meute. Mais, pour la première fois, elle trouvait cela plus difficile que jamais. Chaque endroit, chaque visage, semblait lui rappeler Nicolas. Elle se surprenait à espérer le croiser dans les couloirs ou lors des patrouilles, guettant inconsciemment le moindre signe de sa présence. Mais étrangement, il semblait l’éviter. Lui, qui auparavant trouvait toujours un prétexte pour la taquiner ou la provoquer, s’éclipsait maintenant dès qu’il la voyait. Cette distance soudaine la troublait. Elle s’était attendue à des railleries, à des provocations, peut-être même à un regard entendu, comme s’ils partageaient un secret. Mais à la place, elle recevait l’indifférence la plus totale.
Au début, elle tenta de se convaincre que cela n’avait aucune importance. Après tout, elle ne cherchait pas à attirer son attention, elle s’était même promis de ne pas penser à lui. Mais au fond d’elle, cette distance lui laissait un goût amer. Elle ne comprenait pas pourquoi ce brusque changement de comportement l’affectait autant. Était-ce de la frustration, de la curiosité ? Ou bien un sentiment plus complexe qu’elle n’osait admettre ?
Lors d’une réunion de la meute, Téa s’aperçut que Nicolas se tenait de l’autre côté de la pièce, évitant soigneusement son regard. Elle tenta de se concentrer sur la conversation, mais son esprit la trahissait sans cesse, revenant obstinément vers lui. Elle remarqua qu’il échangeait des sourires et des regards complices avec une autre louve, une certaine Livia. Cette dernière était belle, élégante, et semblait apprécier la compagnie de Nicolas. Téa sentit son cœur se serrer en les observant, sans comprendre pourquoi cette scène éveillait en elle un mélange de jalousie et de dépit. Elle tenta de se raisonner, de se dire que cela n’avait aucune importance, mais la morsure de la jalousie était bien réelle.
Les jours passèrent, et chaque rencontre ou croisement avec Nicolas renforçait ce malaise grandissant. Il continuait d’ignorer sa présence, tout en passant de plus en plus de temps avec Livia. Téa tenta de se convaincre que cette situation lui convenait. Après tout, c’était exactement ce qu’elle avait voulu : un Nicolas distant, qui ne se mêlait plus de sa vie. Mais, malgré ses efforts, elle sentait une amertume s’installer en elle, une colère sourde qu’elle ne parvenait pas à apaiser. Pourquoi, après tout ce qu’ils avaient partagé, choisissait-il de se tourner vers une autre ? Est-ce qu’elle n’avait été pour lui qu’une distraction passagère ?
Un soir, alors qu’elle rentrait d’une longue patrouille, elle croisa Livia, qui marchait d’un pas rapide en direction des quartiers de Nicolas. Leur échange de regards fut bref, mais suffisamment intense pour que Téa y discerne une certaine satisfaction de la part de Livia. Comme si elle se savait victorieuse, comme si elle savourait l’idée d’avoir conquis l’attention du fils de l’Alpha. Ce détail la troubla plus qu’elle ne l’aurait voulu. Elle se demanda si cette rivalité qu’elle ressentait envers Livia était normale, ou si elle révélait quelque chose de plus profond, de plus troublant.
Les jours suivants, Téa ne put s’empêcher de s’interroger sur les véritables sentiments de Nicolas. Elle commença à analyser chaque interaction, chaque geste, chaque regard qu’il échangeait avec Livia, essayant de lire entre les lignes. Elle se surprit à ressentir une pointe de tristesse en pensant qu’il était peut-être tombé sous le charme de cette louve. Elle se demandait si elle avait mal interprété leurs moments passés ensemble, s’ils avaient vraiment compté pour lui, ou si elle s’était simplement laissée emporter par ses propres illusions.
Puis un soir, alors qu’elle se rendait près de la forêt pour s’entraîner seule, elle entendit des pas derrière elle. Elle se retourna brusquement, et son cœur fit un bond en découvrant Nicolas, qui l’observait en silence, ses yeux sombres plongés dans les siens. Il semblait hésiter, comme s’il cherchait ses mots. Elle resta immobile, ne sachant pas si elle devait se réjouir de le voir ou lui en vouloir pour toute cette confusion qu’il lui avait causée.
« Téa… » murmura-t-il, brisant le silence pesant. « Je voulais te parler. »
Elle croisa les bras, adoptant une posture défensive pour cacher son trouble. « Je t’écoute. »
Il prit une profonde inspiration, comme pour rassembler son courage. « J’ai… Je suis désolé pour mon comportement. Je sais que j’ai été distant, et peut-être que ça t’a paru… étrange. »
Elle haussa un sourcil, surprise par sa franchise. « Étrange, oui. On pourrait dire ça. »
Un sourire fugace passa sur ses lèvres, mais il reprit son sérieux presque immédiatement. « J’ai eu besoin de prendre mes distances pour… clarifier mes pensées. »
Elle le fixa, son cœur battant plus fort. Elle voulait comprendre, mais elle refusait de lui faciliter la tâche. « Et est-ce que tu es parvenu à cette clarté tant recherchée ? » lança-t-elle, le ton légèrement sarcastique.
Il soupira, passant une main dans ses cheveux en signe de nervosité. « Je ne sais pas. Avec toi, rien n’est jamais simple. Tu me déstabilises, Téa. »
Elle sentit sa colère s’apaiser légèrement à ses mots, mais elle garda une expression indifférente. « Ce n’est pas mon rôle de te déstabiliser, Nicolas. Peut-être que tu devrais te concentrer sur Livia, elle semble très… compatissante. »
Il fronça les sourcils, comme s’il ne comprenait pas de quoi elle parlait. Puis, réalisant, il éclata de rire, un rire sincère, débarrassé de toute moquerie.
« Livia ? Elle n’est qu’une amie, Téa. Tu pensais vraiment que je… » Il secoua la tête, toujours amusé. « C’est toi qui occupes mes pensées. C’est toi que je cherche dans chaque pièce, que je veux voir à chaque instant. Mais je pensais que prendre mes distances m’aiderait à comprendre ce que je ressentais… et j’ai compris que ça ne fait que rendre les choses plus difficiles. »
Elle resta muette, son cœur battant la chamade. Cette révélation, inattendue et désarmante, la laissait vulnérable. Pendant un moment, elle se demanda si elle rêvait, si tout cela n’était qu’un mirage créé par ses propres désirs.
Mais le regard qu’il lui adressait, rempli de sincérité et de douceur, lui confirma qu’il était bien réel, qu’il n’avait jamais été aussi proche de dévoiler son véritable cœur.
Sans dire un mot, elle s’approcha de lui, luttant pour contenir ses émotions, et murmura enfin : « Pourquoi tu ne me l’as pas dit plus tôt ? »
Il posa une main sur sa joue, effleurant sa peau du bout des doigts. « Parce que je ne voulais pas te faire peur, ni te blesser. »
Elle ferma les yeux, savourant ce moment, les battements de son cœur s’accordant aux siens. Pour la première fois, elle se laissait aller, laissant tomber ses défenses. Peut-être qu’il était enfin temps de cesser de résister.
