Chapitre 6
Le chauffeur vient de garer à l’intérieur de notre village. c’est le corps lourd comme du plomb que je me suis mise à marcher en direction de notre maison familiale. Une fois proche des habitations nous avons été accueillis par les cris et pleurs des voisins dès qu’ils nous ont reconnu. certains sont venus à notre rencontre présenté des condoléances, d’autres s’entretenir avec t. germaine mais déjà je ne les entendais plus. Mes pieds tels des aimants étaient attirés dans la direction de notre concession. J’en tremblais même, petit à petit je vis poindre à l’horizon la barrière en bambou de chine qui bordait notre maison, j’ai commencé à ressentir de violents maux de tête plus je m’approchais et plus je distinguais une sorte de tas informe à la place de ce qui jadis fus ma maison. Je m’avançais et mon cœur rata un bond lorsque je pénétrais la concession. Un tas de gravats et de bois brûlés gisait là à la place de la maison de mon enfance, celle qui m’ a vu grandir qui a bercé ma tendre enfance avec mes frères chéris et là comme si on déchirait brutalement un drap ou un voile je vis ma vision se brouiller, et un mal atroce me prit aux tripes. En un rien de temps un torrent de larmes déferla sur mon visage. C’est donc vrai ! ma maison n’est plus, ma vie a inexorablement changé. Sniff mon Dieu !
Puis j’ai comme un flash, un éclair de lucidité, en faisant demi-tour pour me diriger vers les voisins je tombe sur vanessa et t.germaine en larmes accompagnées d’un groupe de voisins.
Moi ( m’adressant à une vosine) : mpemba stp où sont les corps des miens ?
Mpemba : ah marissa toi-même tu connais qu’ici nous somme pauvres oh.quand l’incendie s’est déclaré dans la nuit d’avant avant-hier nous avons tous courus faire de notre mieux pour résorber les flammes, mais hum moane ( tapant dans ses mains) on n’a rien pu faire c’est comme ci les flammes grossissaient pendant qu’on essayait de les éteindre. Donc quand le feu s’est arrêté le matin on a fouillé les décombres et c’est là où on a trouvé les corps calciné. Je n’avais jamais vu ça oh moane. On les a portés et installés au hangar là bas derrière dans votre plantation là
Moi ( choquée) : pardon ?
Mpemba : oui oh moane toi-même tu sais comment on vit ici. De cueillette et de chasse qui peut dire qu’il a de l’argent là ? personne. Comment pouvait on appeler gabosep de venir depuis mouila ramasser les corps là et aller mettre ça à la morgue là bas ? qui devait remplir tous les documents là ? et le plus important qui allait payer ce déplacement ? les corps sont même tellement brûlés que la mise en bière n’est même plus nécessaire. On parlait même de ça ici qu’il vaut mieux les enterrés ainsi ça fait déjà trois jours bientôt ça va sentir..au fait on les a recouvert d’un grand drap de trois places et de branches de palmiers pour les protéger des animaux et de la pluie si ça coulait. C’était mon drap oh que ma fille qui est en mariage à Libreville à derrière la prison chez le gendarme là m’avait envoyé ; ( regardant à côté comme gênée) faudra me remplacer ça oh pardon tu sais combien moi particulièrement je n’ai rien..
Je la regarde médusé et le temps d’enregistrer tous ses dires je ressens comme une force en moi qui me soulève, je me mets à courir en direction du hangar susmentionné et une fois sur place l’horreur me frappe de plein fouet. Je vois une forme large recouverte de branches de palmier que je me mets à enlever avec force en me blessant les doigts au passage avec les épines je découvre enfin le drap et quand je l’ouvre je suis frappée par le visage de la mort. La mort de tous ceux qui me sont chers je distingue parfaitement les formes de ce qui s’y trouve sans pouvoir reconnaitre qui est qui…je suis secouée par une vague de dégout et c’est le côté que je vide mon estomac étant pourtant toujours à jeun. Je sens des mains m’attraper aux côtes pour me soutenir et après cet épisode je m’écroule littéralement et pleure à grand cris soutenue par vanessa.
Moi : oyoooooooo pape oh.oh pape oh.mes frères oh mamé mamé mamé seigneur pourquoi oh ? Voilà tes enfants ici morts comme des animaux pourquoi oh ? Pourquoi est-ce si douloureux de te suivre ? mamooooo imassiale vique ooo (maman ooo je suis restée seule ooo)…tchouoooo ah nyambi fumu nguebe menu nidji moane tsiane ( seigneur pitié de moi orpheline oh)
Le reste c’est passé comme dans un film en noir et blanc au ralenti. T.germaine s’est mise au four et au moulin pour régler tous les détails du deuil. elle a appelé le peu de parents qui étaient proches de notre village, payer des jeunes gars pour creuser 4 caveaux, louer des chaises acheter le nécessaire pour la veillée mortuaire en petit comité. Moi j’étais dans une semi transe. Je me sentais ici et ailleurs. mon corps au cœur de l’horreur mais mon esprit vagabondant vers des contrées inconnues où ma douleur se faisait moins présente. Comment un tel malheur peut-il frappé au même instant toute une famille tchouooooooooooooooo mon âme n’est que douleur et surtout….colère envers ce Dieu qui a permis un tel mal dans ma vie. Entre deux absences j’ai cru entendre ma tante me dire qu’elle a appelé ma mère pour lui énoncer les faits et que cette dernière lui a juste dit que cela ne plairait pas à son mari qu’elle vienne dans le village de son ex belle famille pleurer un ex mari malgré la rixe qui s’est déclenché entre les deux femmes ma mère n’a pas changer d’avis et a juste demander mon numéro de téléphone à t.germaine puis a raccroché…j’entendais son récit sans pour autant être touchée de quelque manière que ce soit. Pourquoi la réaction de Mathilde ne m’étonne-t-elle pas ?
A la tombée de la nuit la place centrale du village était animée d’une ambiance inhabituelle. Les vieillards assis sous la tente louée à cet effet semblaient soucieux ; d’aucuns fumaient du tabac, d’autres discutaient. Des femmes roulaient à même le sol devant les cercueils de fortune en contreplaqué cloués quelques heures plus tôt par le menuisier du village, exposés sur une chapelle improvisée. Les larmes coulaient à flots, la poussière recouvrait les habits de certaines femmes à force de rouler au sol. Des jeunes filles s’attelaient en cuisine à chauffer de l’eau pour le café et moi dans tout ça je sentais qu’une partie de moi m’avait quitté. J’écoutais d’une oreille absente les condoléances qui m’étaient présentés. Rien n’avait d’importance. Je ne disais rien, ne faisait rien, j’étais immergée simplement dans ce trop-plein de douleur qu’était mon corps. Je regardais le ciel et je voyais l’aube pointer son nez. J’ai prié fort très fort dans mon cœur les yeux pleins de larmes, la voix cassée par mes cris de, j’ai prié que le jour ne se lève jamais afin que nous restions là moi et les miens. La solitude qu’impliquait leur départ me terrifiait .malgré toutes mes prières, le jour finit par se lever et l’heure de l’inhumation avec…
Moi (devant les 5 cercueils en terre) : mon cœur pleure, mon cœur part avec vous. Aucun mot ne saurait exprimer tout ce qui doit être dit, aucun mot ne saurait remplacer les jours que nous ne partagerons plus. Les émotions et toute la vie qu’on avait encore devant nous. Vous êtes tous partis trop tôt, vous m’avez trop vite laissé. Quelle perte ! que la terre vous soit légère.
C’est aux environs de 18 heures que nous avons pris la route pour Libreville dans un silence de plomb. La tête pleine d’incompréhension. Des suspicions ont été murmurées çà et là que leur mort n’a pas été naturelle, qu’il faudrait fouiller etc. je n’étais plus là tout était insupportable ici. La pluie qui s’est mise à tomber à grande goutte représentait parfaitement l’état brumeux de mon être, comme ci le ciel aussi mourrait de chagrin comme moi à cet instant. Adieu papa, adieu mes bébés!
