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20

Je ne sais plus si j'ai eu raison de mettre le doigt dans cet engrenage. Notre bonheur éphémère est ce que j'ai de plus précieux mais je sens qu'il va m'exploser au visage. Protège-moi. Protège-nous avant qu'il ne soit trop tard.

-Je vais le tuer ! Putain, je vous jure que je vais le tuer !

-Calme-toi !

-Mais comment veux-tu que je me calme ? Cet enfoiré a menacé ! Il a osé venir la cueillir à un moment où il savait très bien qu'elle était seule ! Ça me rend malade ! Il n'a pas le droit de la toucher, tu m'entends ?

Nico soupire en baissant les yeux. Sam tient toujours fermement par les bras même si ce dernier se débat. Lorsque je suis arrivée chez Sam une quinzaine de minutes plus tôt, j'étais dans un tel état que je n'ai pas réussi à ménager . Je lui ai tout balancé en tremblant comme une feuille. Les menaces du Dr Copri l'ont enragé si violemment que les garçons ont été obligés de l'encercler pour l'empêcher de prendre sa voiture et de le retrouver.

-On est tous d'accord pour dire que cet homme est la pire des ordures, tempère Nico, mais agir sous le coup de la colère ne t'apportera rien de bon. ira voir la police din et ils se chargeront de son cas.

-En plus, tu ne sais même pas où il habite ! Tu feras quoi une fois que tu seras arrivé devant le centre et que tu trouveras porte close ? Sérieux mec, essaie de te calmer. Et occupe-toi d'. C'est le mieux que tu puisses faire.

Blottie dans les bras de Jamie qui ne m'ont jamais lâchée depuis que a commencé à péter les plombs, je tente de reprendre mes esprits pour faire bonne figure. Je sais qu'il a extrêmement peur pour moi. Depuis le début de toute cette histoire, c'est sa peur viscérale de me perdre qui a guidé chacune de ses remontrances. Il faut que je le rassure.

- viens me voir.

Ma voix flotte jusqu'à lui comme un baume apaisant pour son cœur. Il arrête immédiatement de se débattre et ses yeux retrouvent les miens. Une seconde plus tard, il me prend contre son torse, me cajole pour s'assurer que je vais bien. J'enroule mes bras autour de ses épaules, mes paumes encerclant son beau visage, mon regard planté dans le sien.

-Il m'a foutu la peur de ma vie mais je te jure qu'à part des menaces, il ne m'a rien fait d'autre.

boit mes paroles, hoche machinalement la tête à mesure que mes mots font leur effet. Il se détend lentement en suivant le rythme de mes caresses.

-Din matin, j'irai voir l'inspecteur Anderson et je porterai plainte contre Copri. Je ne laisserai pas cet escroc s'en sortir comme ça.

-Oui mais le temps que la police agisse, il va rester en liberté et il pourra encore s'en prendre à toi. Il faut qu'il comprenne que je ne le laisserai plus jamais t'approcher comme il l'a fait ce soir. Il faut qu'il sache que je vais devenir son pire cauchr, qu'il a fait une grosse erreur en s'attaquant à la femme de ma vie. Je vais le...

-Et tu veux faire quoi au juste ? le coupé-je. Tu veux aller le voir, le menacer, peut-être même le tabasser ? Mais enfin tu n'as jamais été un mec violent, ce n'est pas aujourd'hui que tu vas commencer. Il n'attend que le moindre faux pas pour nous attaquer en retour. Si tu le touches, il portera plainte contre toi. Pense à ta carrière, à tout ce que tu es en train de construire avec les garçons et Tom Wallins. Si tu perds tes moyens, tout ça te filera entre les doigts. Ton producteur ne va pas s'encombrer d'un artiste inconnu du public mais bien connu des services de police.

Si mes paroles semblent avoir l'effet escompté sur Nico et Sam, ce n'est pas le cas pour mon petit-ami.

-La musique et ma carrière sont les cadets de mes soucis. Tout ce qui m'importe c'est toi et ta sécurité.

-Alors si tu veux t'assurer de ma sécurité, accompagne moi au commissariat din. Vérifie que l'inspecteur Anderson me prend au sérieux, qu'il enregistre ma plainte et qu'il mette en place des mesures de protection. Mais ne joue pas au justicier. S'il te plait.

Ma moue suppliante a raison de ses derniers remparts. Je sais que mon homme abdique lorsqu'il m'embrasse et me plaque de nouveau contre lui. La tension accumulée dans la pièce disparait aussitôt. Ce soir-là, l'ambiance n'est pas aussi festive qu'elle aurait dû l'être. Nous parlons à peine de l'enregistrement des garçons. Les sushis goûtent la peur dans mon palais. Les sourires sont crispés et les bras de trop fermes pour que je m'endorme sereinement. Quand j'ouvre les yeux au petit matin, je sais que je vais faire exactement ce qu'il faut, même si la trouille me bouffe les veines.

L'inspecteur Anderson nous reçoit dès que nous nous présentons à l'accueil du commissariat. A mes yeux cernés et aux traits tirés de mon compagnon, il comprend tout de suite que quelque chose ne va pas. Je lui raconte la visite nocturne de Copri et ses menaces. Je lui annonce clairement que je veux porter plainte. Bizarrement, l'homme de loi sourit.

-C'est la première fois que quelqu'un ose déposer deux plaintes contre Copri : d'abord à travers Natur'alliance puis directement contre lui. Votre courage nous est précieux . Grâce à vous, nous allons pouvoir agir.

Je libère un soupir de soulagement. Même si j'ai bien conscience que Copri ne me laissera pas tranquille, savoir que je ne prends pas tous ces risques pour rien me fait du bien.

-En revanche, je tiens à vous prévenir qu'il ne sera pas facile pour vous d'obtenir gain de cause. Il a agi dans un endroit isolé, vous n'avez pas de preuve ni de témoin. Il s'agira de votre parole contre la sienne. Nous vous dnderons de le confronter, de maintenir vos positions, d'encaisser sa défense qui ne sera sans doute pas très flatteuse à votre égard. Ce ne sera pas facile mais...

-Je maintiens ma plainte. Hors de question de le laisser gagner.

L'inspecteur approuve silencieusement. lui, broie ma main dans la sienne mais il sait que j'ai raison. Juste avant que le policier nous libère, mon petit-ami le bombarde de questions. Il a besoin d'être sûr qu'il ne m'arrivera rien. L'homme en uniforme tente de le rassurer comme il peut. Oui, l'enquête va s'accélérer. Non, il n'est pas sûr qu'il puisse m'obtenir une ordonnance de mise à distance. Oui, il faut que je reste prudente. Non, nous n'avons pas le droit d'agir par nous-même.

Si je parviens à mettre un pied hors de ce commissariat, c'est uniquement parce que je tire de force par la main ! Je veux bien convenir que l'inspecteur Anderson est beaucoup plus sympa depuis quelques temps mais je crois qu'il commençait à perdre patience face à l'interrogatoire de mon petit-ami. Le seul moyen que je trouve pour le détendre se trouve actuellement devant nos yeux : une grande table, une tasse fumante d'un breuvage matinal, des œufs brouillés, du bacon grillé, des pancakes, de la pâte à tartiner qui dégouline ostensiblement, des gâteaux, des tartines, du pain frais... bref un brunch d'ogre pour deux estomacs malmenés par les soucis. Mon rire quand je découvre l'amoncellement de miettes échouées dans la barbe de le déride.

-Mange et arrête de t'inquiéter.

-Comment veux-tu que je sois serein. J'ai... j'ai l'impression que quelqu'un peut te faire du mal à tout moment et ça me rend dingue. Je... j'ai besoin de te savoir en sécurité. Est-ce que tu veux bien être raisonnable ces prochains jours et rester tout le temps avec moi ?

-Tu veux que je te colle aux basques et que je passe mes journées à te regarder bosser au salon ? Mais j'ai des rendez-vous, du boulot qui m'attend. Les travaux devraient commencer la sine prochaine dans la maison et il me reste encore une tonne de trucs à faire.

-Je ne veux pas te savoir seule.

-Je te promets que j'appellerai Jamie, Sophia ou les garçons quand tu ne seras pas disponible pour me tenir compagnie. Ça te va ? Maintenant mange !

La bouche pleine, mon homme m'offre un affreux sourire plein de pâte à tartiner. Et comme une idiote, je me mets à pouffer.

***

Trois jours plus tard, mon quotidien prend un nouveau tournant. Il est désormais bercé par les appels et les convocations de l'inspecteur Anderson. Il ne nous avait pas menti quand il disait que l'enquête allait s'accélérer. Ses équipes ont perquisitionné Natur'alliance. Je suppose qu'ils ont réquisitionné les bandes de vidéosurveillance ainsi que les dossiers précieusement stockés dans le bureau du gourou. En parallèle, ils ont également interrogé Copri au sujet des menaces qu'il m'a proférées. Aujourd'hui, je suis de nouveau attendue au commissariat. a annulé deux rendez-vous pour m'accompagner et je fais la gueule. Je ne voulais pas qu'il délaisse ses clients mais impossible de lui faire entendre raison. Nous nous sommes engueulés comme des chiffonniers, ce qui n'a servi qu'à me passer les nerfs sur quelqu'un, mais mon homme reste stoïque, sa main fermement ancrée dans la mienne. Parce que j'ai beau ne rien dire, il connait la vérité: je n'ai jamais été aussi morte de trouille.

Dans quelques minutes, je serai en face de Copri pour une première confrontation. Même si je sais qu'il ne pourra rien me faire en présence des forces de l'ordre, je redoute tout de même ce qui va se passer. Ce qu'il va dire, comment il va agir, la manière dont il va m'attaquer. Cet homme est capable du pire ; je n'oublie pas ce que je le soupçonne d'avoir fait à mes parents. Et il connait mes failles. Il ne s'est d'ailleurs jamais privé de s'en servir pour m'affaiblir.

-Bonjour m'accueille l'inspecteur Anderson en me guidant vers son bureau. J'imagine que vous devez être particulièrement stressée.

L'homme en uniforme salue également qui tient toujours précieusement ma main.

-Oui, je vous avoue que je préférerais que tout soit déjà terminé.

-C'est normal. Mais rassurez-vous, nous avançons bien. Même si je ne peux rien vous dire concernant l'enquête, sachez la perquisition a été fructueuse et que suite à votre plainte, le centre Natur'alliance fait désormais l'objet d'une enquête pour dérive sectaire, escroquerie en bande organisée et sujétion psychologique. Nous sommes actuellement en train de récolter de nouveaux témoignages particulièrement précieux. Comme souvent dans ce type d'enquête, il suffit d'une personne pour donner l'impulsion au plus grand nombre. Alors ne lâchez-rien .

Je souris intérieurement. Au moins, je ne mets pas ma santé mentale à l'épreuve pour rien.

Les aiguilles de l'horloge murale dansent beaucoup trop rapidement à mon goût et bientôt, il est l'heure de lâcher et de suivre l'inspecteur dans le dédale de couloirs. Avant de quitter la pièce, mon petit-ami me susurre à l'oreille à quel point il est fier de moi et combien il m'aime.

En un clignement de paupière, je suis catapultée dans un autre bureau où se trouvent déjà l'homme que j'accuse et un greffier. Je m'assois à l'autre bout d'une table métallique, aussi loin que possible de mon agresseur. Pas un mot n'est prononcé jusqu'à ce que le policier ne brise le silence pour rappeler la teneur de ma plainte et les accusations que je profère. Durant ce monologue, je ne cille pas. Je plante mon regard acéré dans celui, inébranlable, de Copri et je monte sur le ring.

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