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-D'une fille ou d'un garçon, c'est la même chose. Ce n'est pas ça l'important. Si ton cœur s'enflamme pour Jamie, c'est à toi de décider de prendre le risque ou non. Mais le fait qu'elle soit une fille ne devrait pas pencher dans la balance.
-C'est facile de dire ça ! Que vont dire mes parents, ma famille, mes collègues ?
-Pense à toi ! Seulement à toi ! Les autres n'ont rien à voir dans cette histoire. C'est entre toi et toi-même. Prends le temps de réfléchir mais ne te mets pas de barrière. Ton bonheur est peut-être là où tu ne l'aurais jamais imaginé.
Nous arrivons chez Sam. Je coupe le moteur, mon amie se tourne vers moi.
-Je vais être honnête avec Alexandre... et avec Jamie. Je vais lui dire que je suis perdue et que j'ai peur et... je vais lui dnder d'être patiente.
Je souris en prenant mon amie dans les bras. Son souffle chaud chuchote un merci à mon oreille.
La porte d'entrée n'est pas verrouillée, nous nous faufilons directement dans les escaliers pour rejoindre les garçons au sous-sol. Le carrelage vibre sous nos pieds, la musique résonne partout autour de nous. La voix de Nico se fait profonde et je souris de plus bel. Lorsque nous pénétrons dans leur antre, mes yeux se posent immédiatement sur concentré sur les cordes de sa guitare qui s'accrochent à ses doigts. Comme toujours, je ne peux résister à son aura et à mon cœur qui bat trop vite pour lui.
-Assieds-toi et arrête de baver, me taquine Jamie.
-Je n'y peux rien si mon mec est le plus canon du groupe !
-C'est vrai qu'il est pas mal...
Ses yeux le reluquent un peu trop longuement à mon goût. Je lui fiche un coup de coude pour la faire revenir sur terre. Jamie éclate de rire et m'ébouriffe les cheveux. La garce, elle sait que j'ai toujours détesté ça.
-Je vais pouvoir t'asticoter tous les jours maintenant, me menace-t-elle de son regard diabolique.
Les minutes filent à toute vitesse. En douceur, Sophia se glisse auprès de Jamie. me vole des baisers entre chaque morceau. Nico me couve du regard et Sam se plaint d'être célibataire. Une soirée comme je les aime, en somme.
Le lendin matin, le réveil est plus amer. Ma main tâtonne le lit vide sans trouver mon homme. Les souvenirs de la veille me reviennent et la peur reprend ses droits. Aussitôt, je me lève. est déjà dans le salon, en train d'examiner les photos qu'il a volées. Il ne porte qu'un bas de jogging, ses muscles saillants se dandinent devant mes yeux. Je brise la distance nous séparant pour enrouler mes bras autour de son torse et blottir mon visage dans son cou.
-Pourquoi es-tu déjà debout ?
Son regard ombrageux attise mon angoisse.
-Je ne supporterai pas qu'ils te fassent le moindre mal Em'. Je ne les laisserai jamais faire.
-Hééé ! Ne t'inquiète pas, je ne risque rien. On va aller voir les flics aujourd'hui, ils vont les arrêter.
pivote pour m'emprisonner contre sa peau chaude. Ses yeux clairs transpercent les miens, leur font mille et une promesses.
-Tu ne me perdras pas.
Son baiser n'est ni doux, ni tendre. Il est vorace, inquiet, puissant. Je le laisse prendre tout ce dont il a besoin tandis que mes mains et mes lèvres le rassurent.
Une heure plus tard, nous nous garons sur le parking du commissariat. Sans dire un mot, nous nous dirigeons vers l'accueil et dndons à parler à l'inspecteur Anderson. Mes doigts recroquevillés sur le dossier tremblent mais je suis déterminée. Avec les preuves que je lui apporte, il n'aura pas d'autre choix que de mettre cet enfoiré de Copri sous les verrous.
Je redescends cependant vite sur terre face à l'accueil que me réserve l'inspecteur.
-Bon sang mais vous êtes inconsciente ou quoi ? beugle-t-il à peine le dossier refermé. Est-ce que vous avez ne serait-ce que la moindre idée des risques que vous prenez ?
-En fait, c'est moi qui..., tente avant que l'homme en uniforme l'interrompe sèchement.
-Et vous ? Vous ne pensez pas que quelqu'un a pu vous reconnaitre ? Vous avez fréquenté ce centre pendant votre jeunesse, vous connaissez même certains habitués, bon sang !
-Je ne me suis pas attardé et je n'ai croisé personne que je connaissais.
Le policier souffle ostensiblement mais il finit par baisser les yeux sur le dossier que nous avons apporté. En silence, il consulte chaque document, scrute chaque photo. Les traits fermés, les sourcils froncés, son visage n'irradie qu'une bonne dose d'inquiétude. Machinalement, mes doigts tortillent un fil qui pendouille de mon pull.
Lorsque l'inspecteur Anderson relève les yeux vers nous, il a renfilé son masque et rangé ses remontrances.
-Vous dites vous être introduit par effraction dans le bureau du Dr Copri pour récupérer ce dossier, c'est bien ça ?
Dit comme ça, ça ne donne pas franchement envie d'acquiescer.
-Oui, répond stoïque.
-Alors je ne peux pas utiliser ces documents, continue-t-il en refermant le dossier et en le repoussant vers nous.
-Quoi ? Comment ça ?
-Des documents volés ne peuvent pas constituer une preuve. De plus, ils ont tous été imprimés sur des feuilles vierges. Qu'est-ce qui prouve qu'ils proviennent de Natur'alliance ? Je ne peux avérer aucun lien direct avec ce centre, je suis désolé.
-Désolé ? Vous êtes désolé ? Alors c'est tout ce que vous avez à dire ? On a pris des risques dingues pour vous apporter ce dossier et après un bref examen de trois minutes, vous nous renvoyez chez nous ?
ne parvient désormais plus à contenir ses nerfs.
- est en danger, merde ! Ces photos prouvent qu'elle et son frère ont été suivis, épiés pendant des mois en Italie. Ces relevés prouvent que la seule chose qui intéresse Copri, c'est l'argent que sa mère versait pendant des années ! Tout est là, sous vos yeux !
-Encore une fois, je ne peux rien utiliser, rétorque sèchement l'inspecteur Anderson. Je ne vous ai jamais dndé de prendre tous ces risques, bien au contraire. Maintenant, laissez-nous faire notre travail.
-Pour ce que ça donne, grommelé-je, furieuse.
-Nous avons retrouvé plusieurs plaintes contre le centre qui ont été retirées très vite après leur dépôt. Nous pensons tenir une piste. Je sais que tout cela vous parait bien léger mais faites-nous conf...
Le reste de son charabia se noie dans ma colère. Je n'écoute plus ses fausses promesses, je me contente de me lever et de rentrer à la maison avec . Le garçon bouillonne de rage. Je ne l'ai jamais vu ainsi. Et je ne sais même pas quoi lui dire qui puisse le réconforter. Il part donc au salon honorer ses rendez-vous tandis que je m'assomme le cerveau toute la journée à grands coups de dossiers administratifs et de formulaires. De quoi finir de ternir mon moral.
Mais le lendin matin, un appel du centre change la donne. Jason me convie avec une certaine autorité à le retrouver pour un rendez-vous impromptu. Vu l'efficacité de la police, je ne compte plus sur eux pour m'aider. Je file donc en direction de Natur'alliance sans y réfléchir à deux fois. Quand je me présente devant mon conseiller référant, j'ai comme l'impression que son regard a changé. Je le sens plus méfiant, moins avenant. Ou peut-être est-ce moi qui ai changé ? Jason me fait entrer dans son bureau dans lequel j'ai la surprise de retrouver le Dr Copri. Les deux hommes m'accueillent sans grande effusion. Derrière moi, la porte se referme.
-Bonjour comment allez-vous ? m'interroge le gourou.
-Bien, merci.
-En êtes-vous sûr ?
-Euh.... oui, pourquoi cette question ?
-Vous savez que vous êtes en sécurité ici, que tout se qui se dira dans ce bureau ne sera pas ébruité.
-Mais quel est le rapport avec moi ?
Le Dr Copri se lève de sa chaise et fait les cent pas, ses yeux rivés aux miens. Je ne crois pas en toutes ses conneries et pourtant, une part de moi ne peut s'empêcher d'être captivée par son charisme.
-Nous avons reçu la visite de deux inspecteurs de police ce matin.
Je retiens mon souffle.
-Selon eux, des membres du centre, anciens et actuels, auraient essayé de ternir notre réputation.
La gorge nouée, je ne réponds rien. Son regard est un laser qui scrute le moindre de mes gestes.
-Alors je m'inquiète, . Le bien-être des membres de cette communauté est ma seule préoccupation. Je vous le rednde donc : comment allez-vous ?
-Un... un peu stressée, avoué-je les dents serrées.
-Et pourquoi êtes-vous stressée ? m'interroge-t-il en continuant à battre lentement le sol.
-Je... et bien, j'ai un nouveau projet professionnel et je me torture un peu les méninges en ce moment, réponds-je en riant maladroitement.
Je tente de noyer le poisson mais je sens bien que je m'enfonce. Jason s'installe sur un fauteuil à ma gauche, le regard qui pétille.
-Oh mais c'est une merveilleuse nouvelle ! Dites-moi en plus !
Quand je sors de ce bureau, j'ai la tête en vrac. Les questions de Jason, la présence de Copri, la sensation de se sentir prise au piège... tout cela m'a totalement chamboulée. J'ai essayé de rester sur mes gardes, de ne pas trop leur en dire mais je sens bien que le Dr Copri m'a dans sa ligne de mire. Il sait que j'ai parlé à la police. Il voulait me le faire savoir aujourd'hui.
De son côté, Jason ne m'a pas lâchée, complétement obnubilé par mon projet. Impossible alors de refuser ces pilules soi-disant déstressantes qu'il me tendait. Impossible de me soustraire au regard perçant du gourou qui me défiait silencieusement de leur tenir tête. Impossible.
Impossible que les murs tournent autant autour de moi. Quelque chose ne va pas. Je... j'ai... la nausée. Du mal à... à fixer mon regard. Ces deux pilules que j'ai avalées, elles... mais que m'ont elles fait au juste ?
Les tableaux accrochés au mur du couloir dégoulinent de mes yeux. Je titube, je crois. Ma main accroche un banc, mes fesses s'y échouent.
- ? Ca ne va pas ?
La voix de Copri me parait à la fois si loin et si proche. Je n'arrive plus vraiment à garder les paupières ouvertes. C'est bizarre cette sensation. J'ai un peu envie de dormir maintenant.
-Suivez-moi, je vais m'occuper de vous. Vous semblez avoir besoin de repos.
Il attrape mon bras et je le suis sans vraiment le vouloir. Je m'assois sur un truc dur, une chaise peut-être ? Ma tête est lourde, si lourde qu'elle tombe entre mes mains. Copri parle, parle, parle. Il n'arrête jamais de parler. Je n'entends que sa voix, grave et dominatrice. Je perçois le prénom de ma mère à travers le brouillard, des anecdotes qui la concernent. Des histoires à n'en plus finir. Cela semble durer des heures mais je ne sais pas vraiment. Je ne sais plus rien.
Je sais juste que quand je refais surface, il fait sombre dehors. Je suis allongée sur une table d'auscultation, comme chez le médecin. Les personnes qui m'entourent portent une blouse blanche mais elles ne m'inspirent aucune confiance. On me dit m'avoir installée dans cette salle de repos le temps que je reprenne des forces. On me dit que les pilules déstressantes ont vraiment bien marché sur moi et que je dois me sentir mieux maintenant. On me propose de m'aider à me relever, à récupérer mes affaires. Et je les regarde en me retenant de hurler d'angoisse.
Quand je parviens enfin à aligner deux mots, j'appelle pour lui dnder de venir me chercher. Je ne me sens pas apte à conduire. Au bout du fil, le garçon exprime son soulagement. Il a apparemment cherché à me joindre toute la journée, sans succès. Je me planque sur le parking en l'attendant. L'air est glacial mais je m'en fiche.
J'entends le moteur de la voiture bien avant qu'il se gare devant moi. Fou d'inquiétude, se précipite dans ma direction, le regard brumeux.
-Mais que s'est-il passé, bon sang ?
Ses bras se referment autour de moi. Sa douceur m'envahit et je me sens instantanément mieux.
-J'ai froid...
Une seconde plus tard, m'installe sur le siège passager et met le chauffage au maximum. Ses mains englobent les miennes, ses lèvres parcourent mon visage en guise de réconfort. Il me dnde de lui parler, de lui raconter. Alors j'essaie mais je ne sais pas vraiment quoi dire. Je lui explique l'entretien avec le Dr Copri et Jason puis les pilules, le brouillard. Je parle de ma mère mais je ne me souviens plus ce que j'ai entendu. Je vois la colère noircir son lagon. Je sens ses mains se crisper autour des miennes mais il continue de m'interroger. Il veut comprendre. Moi aussi j'aimerais comprendre.
Mon compagnon démarre et nous éloigne de ce centre de malheur. Il roule maintenant dans la pénombre de la nuit. Mes mains toujours gelées, je les plonge dans les poches de mon manteau. J'y découvre un papier que je déplie sous mes yeux incrédules.
-Mais qu'est-ce que c'est que ça encore, marmonné-je d'une voix trainante.
-Quoi ? Quoi ? Dis-moi ! panique tout en arrêtant le véhicule sur le premier emplacement qu'il trouve.
Je lui tends la feuille et ferme les yeux en reposant ma tête contre l'appui-tête. Elle est encore si lourde, je n'arrive pas vraiment à refaire surface. J'entends jurer de rage et juste avant de replonger dans le noir, je sens la voiture redémarrer en trombe. Quand j'ouvre de nouveau les yeux, les bras de me tiennent tout contre son torse. Ses pas décidés bercent ma tête échouée contre son épaule. Mes doigts se nouent à la base de ses cheveux. Le paysage défile devant mes pupilles et je comprends doucement où il m'emmène.
-... ? chuchoté-je à bout de force.
-Bonjour, je veux voir l'inspecteur Anderson immédiatement. C'est une urgence. Mon amie a été droguée.
Mes paupières sont lourdes mais je rassemble le peu d'énergie qu'il me reste pour rester alerte. L'inspecteur nous reçoit dans son bureau. lui raconte ce qu'il sait. Il ne me lâche pas une seule seconde, même si je dois peser lourd entre ses bras, même s'il serait plus à l'aise pour parler sans avoir à me porter comme un enfant. Mais il ne me lâche pas et rien que pour ça, je l'aime encore plus fort. L'inspecteur note tout ce que dit mon compagnon avec une frénésie que je ne lui connaissais pas. s'énerve, je sens son cœur tabasser sa peau, frapper contre la mienne qu'il tient toujours fermement serrée contre lui. J'ai juste la force de plaquer mes lèvres contre son cou pour lui rappeler que je suis là, que je vais bien malgré tout. Aussitôt, je le sens soupirer de soulagement.
L'inspecteur Anderson me fait assoir sur une chaise, il veut me parler. Je lui réponds, enfin je crois. Il me dnde si j'accepte une prise de sang pour découvrir ce qui m'a été injecté. Je dandine de la tête. Il me semble qu'on me déplace. Je suis maintenant dans un véhicule mais pas pour longtemps je crois. Une nouvelle valse démarre. Celle des blouses blanches. Je me laisse faire. Je veux être forte même si je ne suis plus qu'une poupée de chiffon.
Les paupières closes, je repense au papier que j'ai trouvé dans ma poche. Une autorisation de prélèvement signée de ma main au bénéfice de Natur'alliance pour la somme de 1 000€.
Je sais au plus profond de moi que je n'étais pas consentante quand je l'ai signée.
