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Pourquoi est-ce que tu ne viens plus faire tes devoirs le mercredi après-midi chez moi ? Est-ce que c'est parce que ma maman est un peu triste des fois ? Je te promets que même si elle est trop triste pour nous faire des cookies, moi je connais la recette et je peux t'en cuisiner.
En ce moment, ma maman m'emène voir des copain à elle le mercredi après-midi. Je m'amuse pas autant que chez toi mais elle veut toujour que je vienne. Les cookies de ta maman me manque. Et te regarder grogner à cause des exercices de maths aussi. J'essaie de revenir vite.
Regarde dans la poche arrière de ton cartable, j'ai glissé quelques cookies. Je sais qu'on est pas mercredi aujourd'hui mais hier, ma maman était de très bonne humeur. Elle a passé la soirée à cuisiner des gâteaux, des cookies, des tartes et tout un tas de trucs bizarres avec des légumes. Elle dit qu'elle heureuse parce qu'elle a enfin trouvé des cachets pour la guérir. Alors je suis heureuse moi aussi.
Merci pour les cookies, ils étaient trop bon. Moi aussi j'ai une bonne nouvelle : ma maman a accepté que je vienne chez toi mercredi après-midi. Elle dit que c'est exceptionel parce qu'elle a rendez-vous avec un docteur bizarre que j'ai vu plusieurs fois. Elle dit aussi que les autre mercredi, je devrais retourner voir ses copains avec elle. Mais c'est pas grave, mercredi on sera enfin tous les deux. J'essaierai même de piquer de la citronnade dans le frigo, je sais que tu adore ça.
J'ai la tête qui bourdonne d'idées. Des dessins qui fourmillent dans tous les sens et ton regard, ton sourire qui me hante délicieusement. J'ai à la fois si hâte et si peur de te tatouer. De te donner tout de moi et de te décevoir. Mais on a décidé de ne plus avoir peur. Alors je vais le faire et on en sera fiers.
Notre parenthèse enchantée touche presque à sa fin. Nous avons repris la route en fin d'après-midi, après nous être épuisés à coup de descentes en luge et de batailles de boule de neige. Cette journée n'aurait pas pu être plus parfaite. Nous avons pris du temps pour nous, pour nous aimer, nous parler et nous écouter. J'ai entendu la rage de vivre qui anime et son besoin d'oublier sa malformation. J'ai réussi à exprimer mes craintes et il m'a rassurée.
J'ai toujours pensé qu'être en couple était une plaie. Je me suis toujours interdite de m'ouvrir à un homme et de lui laisser la possibilité de m'atteindre. Mais avec tout est différent. Tout est simple. Je n'ai pas besoin de faire semblant ou d'enjoliver ma réalité. Il connait tout de moi. Il me connait même mieux que moi. Et aussi fou que cela puisse paraitre, il m'aime malgré tout. Nous n'avons pas besoin de parler longuement pour nous comprendre. Nos gestes tendres l'un envers l'autre sont innés. Je ne sais même plus comment c'était quand nous n'étions pas ensemble. Nous deux, c'est naturel, évident.
Le plus dingue dans cette histoire, c'est que j'ai toujours cru que j'abandonnerais ma liberté si je me mettais en couple. Je ne voulais appartenir à personne. Et je n'appartiens pas à tout comme il ne m'appartient pas. Il est ma moitié, la plus belle pièce de notre puzzle mais surtout, il est celui qui m'a permis d'éclore. Il me rend plus douce, plus forte, plus moi.
-A quoi tu penses Em' ?
-Hein ? Quoi ?
-Tu as un sourire niais plaqué sur le visage et tu me regardes bizarrement.
Je pouffe. Ouais, il a raison, je deviens niaise.
-Je me disais juste que t'es vraiment pas doué avec une luge.
-Menteuse ! Tu te disais que je suis carrément canon et que t'es une sacré chanceuse, c'est ça ?
-Oui, bel Apollon, tu m'as démasquée ! Que deviendrais-je sans toi ?
-Ne fais pas souffrir mon égo de mâle, gronde-t-il gentiment en m'embrassant.
Je ris doucement sans pouvoir m'empêcher de distiller quelques caresses dans ses cheveux. Nous sommes seuls sur la route et nous avançons à pas de tortue à cause de la neige. J'ignore quand nous allons arriver, ni ce que nous ferons ce soir. Rentrera-t-il chez lui ? Voudra-t-il dormir avec moi ? Je n'en sais rien mais cela n'a pas d'importance. J'ai désormais confiance en nos lendins. A mesure que nous roulons, je me reconnecte avec la réalité. Nous sommes partis si précipitamment hier que je n'ai pas pensé à embarquer mon téléphone. Jamie a dû s'inquiéter. Sophia aussi. Nico également. Peut-être même Enzo. Ces derniers jours, ils veillaient sur moi à leur façon. Je prendrai le temps de leur envoyer un petit message pour les rassurer.
L'autoradio grésille, je me penche pour jouer avec la molette et essayer de trouver une station qui passe au beau milieu de la montagne. Je finis par m'arrêter sur la seule fréquence que nous captons. Elle diffuse d'anciens titres que nous nous amusons à fredonner. Lorsque Stand by me de Ben E. King démarre, je tourne la tête vers . Son regard pétille, ses lèvres frémissent. Les mêmes souvenirs nous titillent. Des images du concert nous reviennent et se mêlent à notre souvenir d'enfance. Nos doigts s'entrelacent instinctivement.
La mélodie s'éteint mais la nostalgie m'étreint toujours la poitrine. Repenser aux parents de me ramène inlassablement vers le souvenir des miens qui me manquent. Je ne me laisse cependant pas emporter par la tristesse. Mon désir de vengeance est bien trop puissant. Je me suis jurée que je ne laisserai pas ces ordures de Natur'alliance s'en tirer et je compte bien tout mettre en œuvre pour les faire tomber. Mais avant, je veux être transparente.
- faut que je te parle d'un truc.
-Je t'écoute poupée.
-C'est à propos de mes parents.
Un pli se forme entre ses sourcils, la pression de sa main se fait soudain plus forte. Il m'encourage silencieusement à continuer.
-Je suis persuadée que Natur'alliance est responsable de leur mort. Les gens sont étranges là-bas. Surtout le Dr Copri. J'ai infiltré leur structure pour qu'ils pensent que je suis de leur côté. Je participe à tout un tas de séances bizarres et je fais des dons. Je veux qu'il me croie sous son joug mais je vois bien que le Dr Copri me surveille.
-Tu penses qu'il te soupçonne ?
-Je ne sais pas. Mais s'il n'avait rien à me reprocher, il n'errerait pas comme une ombre partout où je vais. J'ai... j'ai pensé à un truc.
-Dis-moi.
-Je vais fouiller son bureau. Il a des dossiers partout dans ses placards, je suis sûre qu'il doit en avoir un sur ma mère.
-C'est trop dangereux, Em'. Imagine qu'il te surprenne !
-Je sais. Mais je ne peux pas rester les bras croisés.
soupire mais ne lâche pas ma main. Je vois ses méninges s'activer à toute vitesse derrière ses beaux yeux inquiets.
-Que dit la Police ?
-L'inspecteur Anderson m'assure qu'ils le surveillent. Mais ils ne font rien ! L'enquête n'avance pas et pendant ce temps, cet enfoiré de Copri continue de régner en maitre sur ses pantins drogués aux plantes !
Un nouveau silence nait dans l'habitacle. Je laisse réfléchir tranquillement, je sais combien ce sujet est sensible.
-Je vais le faire, moi.
-Q-quoi ? hoqueté-je.
-Je vais fouiller son bureau. Tu ne peux pas le faire, il te connait et il te surveille. Moi, il ne sait pas qui je suis, je pourrais m'en sortir si je me fais surprendre.
-Mais je... enfin, c'est...
-Tu n'abandonneras jamais cette histoire et au fond, je comprends que tu aies besoin de réponse. Mais je ne peux pas te laisser te jeter dans la gueule du loup. Alors laisse-moi t'aider. A deux, on est plus fort.
Une vague de gratitude m'embaume le cœur. Sans lui, mon projet était voué à l'échec.
-D'accord mais promets-moi d'être prudent. Il t'a déjà vu quand tu étais petit.
-Je suis un trouillard poupée ! Bien sûr que je serai prudent ! Bien plus que toi si tu étais à ma place, en tout cas. Et j'ai bien changé depuis la dernière fois que je suis allé là-bas. Rien qu'avec ma grosse barbe, il ne pourra pas me reconnaitre.
Je ne peux retenir un rire d'approbation.
-Bon, raconte-moi tout ce que tu sais. Parle-moi de ses habitudes, décris-moi son bureau.
-Copri passe son temps au centre, il traine partout. Il est toujours là où on ne voudrait pas le voir, à croire qu'il a des caméras pour espionner tout le monde. Par contre, j'ai rrqué qu'il part toujours vers 18h30, un peu avant la fermeture.
