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Je secoue légèrement la tête pour m'ancrer de nouveau à la réalité. Ma réalité. Ce garçon que j'aime et qui m'aime sans réserve. Je tends la main pour redessiner du bout de l'index le contour des lèvres de . Je niche ce trésor dans le creux de ma paume, sachant sans le moindre doute qu'il sera mon guide dans la nuit sombre.
-Je ne sais pas ce que j'ai fait de mon appareil photo. Je ne l'ai pas retrouvé dans les affaires que mon frère a fait rapatrier après mon accident. Je crois que ça me manque de ne plus me cacher derrière l'objectif.
-J'ai toujours mon polaroïd, je pourrais te le donner si tu veux.
-Je l'adore mais ce n'est pas pareil. Peut-être que je m'offrirai un nouvel appareil un de ces jours.
-J'aimais bien moi quand tu me piquais mon polaroïd. Un peu comme si tu m'embarquais avec toi.
-Dis plutôt que tu l'as utilisé pour me draguer ! Tu crois vraiment que je n'ai pas compris ton petit jeu quand tu enchainais les tours de piste pour rendre ton corps luisant de sueur ?
-Si j'avais su que ça te faisait de l'effet, j'aurais exhibé mon corps de rêve bien plus tôt ! riposte-t-il, narquois.
-Prétentieux !
-Je dirais plutôt réaliste !
Nous continuons de nous taquiner à mesure que notre auto file. Nous quittons l'autoroute au profit de petites routes de montagne. La faible luminosité cède la place à la pénombre qui nous offre un magnifique coucher de soleil, teinté de couleurs flamboyantes que nous admirons en silence, le cœur en paix. A travers la fenêtre, je devine un paysage désormais blanc. Une fine couche de givre orne les derniers brins d'herbe illuminés par nos phares. La main posée sur ma cuisse, marque le tempo d'un air de rock qui palpite à travers l'autoradio. Son regard apaisé est toujours fixé droit devant lui à mesure que nous gagnons en altitude. Des frissons commencent à courir le long de mon dos, je monte le chauffage.
-Tu as froid ? Attrape mon manteau sur la banquette arrière.
Je ne me fais pas prier et enfile ce vêtement dopé au parfum de mon homme. Machinalement, je loge mon nez dans le col que je remonte pour profiter pleinement de son odeur. A l'orée d'une intersection, s'arrête un moment pour consulter son téléphone. Son front se plisse, ses sourcils tendent l'un vers l'autre et d'adorables petites stries font leur apparition à la commissure de ses yeux jusqu'à ce qu'il trouve ce qu'il recherche. Quelques minutes plus tard, alors que la neige s'est totalement emparée du petit village dans lequel nous accostons, il arrête la voiture devant une vielle maison en bois dont la devanture n'est éclairée que par la lumière vacillante d'une minuscule ampoule.
Sans s'encombrer d'explication, sort du véhicule pour toquer à la porte. Une femme d'une quarantaine d'année apparait, cachée dans une énorme veste en laine. Je les vois échanger quelques paroles puis la femme sourit en ouvrant grand sa porte. J'ouvre la portière et rejoins .
-On va dormir ici cette nuit, c'est une maison d'hôte.
-D'accord, bredouillé-je, surprise.
Nous suivons notre hôte –qui nous dit s'appeler Carine- pour découvrir un antre chaleureux. J'entends le crépitement d'un feu de cheminée et le rire d'enfants se chamaillant gentiment. Carine nous fait visiter sa petite demeure, nous présente ses deux fils d'une dizaine d'années et nous conduit à notre chambre, à l'étage. Un lit double, une petite armoire en vieux bois sombre, un fauteuil en velours, deux tables de chevet, une télévision, un joli bouquet de fleurs et des bougies un peu partout. La pièce est simple mais pourtant si belle ! J'attrape par la taille dès que Carine referme la porte derrière elle.
-J'aime beaucoup cet endroit, comment l'as-tu trouvé ?
-Par hasard sur internet. Tu es sûre que ça te plait ? Je peux trouver autre chose si tu veux.
-C'est parfait, murmuré-je sur ses lèvres avant de fondre entre ses bras.
Les mains de font disparaitre son manteau accroché à mes épaules pour caresser mon cou, mes bras, mes hanches. Je passe mes doigts dans ses cheveux pour le retenir, pour ne jamais plus le laisser s'échapper mais il se rapproche, il essaie par tous les moyens de se confondre avec mon propre corps.
Nos langues se démêlent, nos bouches se dessoudent mais le froid ne s'infiltre pas en nous. Notre amour réchauffe désormais chacune de nos cellules à mesure que nous nous sourions comme deux ados un peu idiots. Bon d'accord, très idiots.
-Je vais aller acheter des trucs à manger et on ensuite, on s'enferme dans cette chambre, ok ?
J'acquiesce en l'embrassant. Quand il rejoint Carine dans le salon, j'entends la jeune femme se moquer de son petit manteau et de ses baskets.
-Il y a au moins quinze centimètres de neige dehors ! Tenez, enfilez ces bottes et cette parka sinon vous allez geler.
Je profite de l'absence de pour prendre une douche brûlante dans la salle de bain attenante à la chambre. Dans le petit sac que a préparé, je déniche un gros sweat vert sombre que j'enfile par-dessus mon legging. Une dizaine de minutes plus tard, le garçon est de retour, des dizaines de flocons scintillant dans ses cheveux. Le bout de son nez et ses joues sont rougis, tout comme ses mains qu'il frotte vigoureusement pour se réchauffer. Putain, il est beaucoup trop mignon.
-T'as faim ?
Les grondements de mon ventre répondent pour moi. Le doux rire de emplit la pièce.
-Viens ici, femme. Je vais te nourrir.
tapote le matelas à côté de lui. Je m'esclaffe en m'asseyant en face de lui, les jambes en tailleur. Je salive déjà quand il étale ses achats entre nous.
-N'espère même pas t'approcher du paquet de chips ! déclaré-je solennellement tout en attrapant le paquet en question.
-Tu veux rire ? Rends-le-moi !
-Il va falloir me passer sur le corps.
Son regard de braise s'échoue dans le mien ; je sais aussitôt que je suis foutue. D'un bond, il se redresse et me saute dessus, bloquant mes bras au-dessus de ma tête pendant qu'il m'allonge sur le matelas. Ses hanches retrouvent leur place douillette, chaudement moulées aux miennes.
-Il suffisait de dnder..., susurre-t-il diaboliquement.
Sa bouche m'arrache un hoquet de surprise quand elle s'empare fermement de la mienne. De nouveau, ses mains sont partout sur mon corps. Elles enflamment chaque parcelle de ma peau, pourtant cachée derrière le tissu de mes vêtements. Nos bassins entament une valse langoureuse qui attise le désir tapi au creux de mon ventre. J'halète déjà, submergée par un mélange explosif. Soulagement, envie, peur, amour et tendresse me tiraillent de toutes parts mais me ramène constamment à lui, par ses baisers, ses caresses. Le cœur trépidant, je ferme les yeux à mesure que ses lèvres quittent les miennes pour se balader dans mon cou.
-Tu m'as tellement manqué poupée !
Sa voix rendue rauque par le désir n'est qu'un murmure. Je passe mes jambes de part et d'autre de ses hanches pour le laisser guider notre étreinte et profiter de ses mouvements lascifs qui me rendent déjà folle. Sa main droite s'infiltre sous mon sweat, touche ma peau nue, effleure mes cicatrices. Je me tends instinctivement. redresse aussitôt la tête. Son regard peiné plonge dans le mien mais il ne dit rien. Il se contente de m'embrasser avec la plus grande douceur mais lorsque ses doigts trouvent l'horrible cicatrice sous mon sein gauche, je me tortille.
-Qu'est-ce qui ne va pas ?
-Je... je n'aime pas quand tu touches mes cicatrices, tu le sais bien.
-Je croyais qu'on avait dépassé ça, non ?
J'hausse les épaules, gênée de lui avouer que ma carapace semble s'être reformée durant son absence. Mais il n'a pas besoin de mon aveu pour entendre ce vieux refrain. Il pose alors doucement son front contre le mien, les paupières fermées, le visage teinté de tristesse.
-Je suis désolé d'avoir abimé ce qu'il y avait de plus beau entre nous.
-Ce n'est rien juste un vieux réflexe, je...
-Je t'aime Em'. Tu le sais, n'est-ce pas ? Je t'aime et je te trouve incroyablement belle. Ouais, t'es belle parce que tu ne sais même pas tu l'es, que tu ne fais rien pour l'être et que tu rayonnes. Tu as beau essayer de te cacher derrière tes vêtements, tu n'es jamais aussi belle que lorsque tu es nue.
attrape mon sweat et le passe par-dessus ma tête. Je m'ancre à son regard aimant, à ce feu qui brûle derrière ses iris turquoise pour me défaire de mes barrières. Il passe ensuite ses pouces sous l'élastique de mon legging et le fait glisser jusqu'à mes pieds, emportant au passage mon sous-vêtement. Le garçon se redresse et enroule délicatement ses doigts autour de mes chevilles. Ses yeux remontent le long de mes jambes au même rythme que la pointe de ses doigts qui dépose une myriade de frissons sur ma peau. Je tremble. Habilement, écarte mes jambes, s'accordant une vue imprenable sur mon intimité. Je suis entièrement nue, à sa merci, mon corps abimé offert dans toute sa vulnérabilité. Mais l'envie que je lis dans ses beaux yeux terrasse tout sur son passage.
Je suis incapable de bouger. Telle une poupée de chiffon, je repose entre ses bras puissants.
-Tourne-toi poupée.
Je fais ce qu'il me dit sans poser la moindre question. Je plane bien trop haut. Je plane si haut que je ne me soucie plus des marques dégoutantes qui salissent la peau de mon dos. Mais ne les a pas oubliées et il dépose déjà sa bouche sur la première qu'il trouve.
-Ecarte tes jambes s'il te plait.
Sa main retrouve le nid douillet de mon intimité alors que je ne suis pas encore totalement remise de mon premier orgasme. Ses baisers descendent le long de mon dos tandis que ses caresses se déploient et réveillent le brasier qui vient de me ravager.
-Oh je...
Je, je, je... je ne savais même pas qu'on pouvait ressentir autant de plaisir mais me le prouve majestueusement en me vénérant de tous ses talents. Sa bouche est partout, distillant des miracles sur des parties de mon corps que j'ignorais. Je me libère totalement. Pour la première fois de ma vie, je ne me soucie pas de l'image que je renvoie. Je me juste laisse emporter.
-Laisse-toi aller mon amour, donne-moi tout.
Je tourbillonne de plaisir, atteignant des sommets inconnus tandis que la bouche de s'affaisse sur mes cicatrices. Je perds tout contrôle. Je sens quelque chose se fendiller en moi, une lumière s'infiltrer. Elle se loge au creux de mon âme alors que les bras de se referment autour de mes hanches. Elle me libère, de quoi je ne sais pas vraiment. De moi, sûrement. De ces peurs qui régissent ma vie. Et lorsque j'ouvre les paupières, j'entre en collision avec les prunelles de qui me hurlent leur amour. Alors je décide de ne plus me cacher.
-Je t'aime je t'aime, tellement.
inspire furieusement le parfum de mes cheveux avant de me faire rouler sur son corps. Je le déshabille à la vitesse de l'éclair, manquant presque de déchirer des bouts de tissus mais il faut qu'il sache. Il faut qu'il le ressente au plus profond de lui-même, lui aussi. Alors je lui fais l'amour à la lueur des bougies qui ne cachent rien de mon corps. Je le chevauche comme une déesse et je lui chuchote que je l'aime sans jamais m'arrêter. Quand il jouit, nous restons emboités l'un dans l'autre. La nuit tombe mais nous continuons de nous aimer. Si nous nous séparons pour manger, ce n'est que pour mieux nous retrouver sous les draps. Nos soupirs se perdent au milieu des étoiles mais cette nuit restera gravée dans nos cœurs, comme un merveilleux souvenir qu'on se repasse au son d'une douce mélodie.
Au petit matin, mes paupières papillonnent, mon corps délicieusement engourdi se réveille paisiblement. Je suis emmitouflée dans les bras de lovée contre son torse chaud et rassurant. Ses bras m'encerclent, ses jambes me tiennent prisonnière. Son souffle apaisé s'échoue sur mes cheveux. Je suis nue mais sa confiance et son amour m'habillent.
Lorsque se réveille, ses doigts se mettent à pianoter sur ma peau. Ils s'imprègnent de ses grains, de ses marques. Je lève la tête pour deviner ses pensées mais son regard est perdu dans le vague.
-A quoi tu penses ?
Ma question le ramène à moi. Ses lèvres s'étirent sitôt qu'il pose ses yeux sur mon visage.
-A tes cicatrices. Je me disais que je pourrais dessiner quelque chose si tu veux.
-Comment ça ? Tu veux me tatouer ?
-J'ai toujours voulu te tatouer mais il ne s'agit pas de moi là. Je pourrais dessiner quelque chose pour habiller tes cicatrices, pour que tu n'aies plus à te sentir gênée.
-Je... j'en sais rien . Je n'ai jamais pensé faire un truc pareil.
-Tu n'es pas obligée d'accepter. Tu n'es même pas obligée de répondre maintenant. Penses-y tranquillement, ajoute-t-il en haussant les épaules.
-D'accord, acquiescé-je en me redressant pour l'embrasser. Mais d'abord, je veux prendre mon petit-déjeuner. Je ne sais pas réfléchir le ventre vide.
rit en me regardant enfiler mes vêtements à la hâte. Une délicieuse odeur sucrée me chatouille les narines depuis quelques minutes et je ne résiste plus. Je veux découvrir ce que Carine nous a concocté.
Nous rejoignons le rez-de-chaussée au son de nos estomacs en colère. Carine nous accueille avec un grand sourire, fièrement installée au bout d'une grande table en bois, ornée de mille-et-uns délices. Le feu crépite dans la cheminée et déploie une lumière ambrée dans le séjour. Les enfants encore en pyjama regardent un dessin animé, enroulés dans une grande couverture en laine. Mais ce spectacle n'a rien à envier à celui qui se cache derrière les vitres.
La neige a installé son grand manteau dans le petit village. Je m'approche de la fenêtre pour profiter de ce paysage idyllique quand passe ses bras autour de mon ventre, son menton posé sur mon épaule.
-C'est magnifique, chuchote-t-il en observant des dizaines de flocons tourbillonner en l'air.
-C'est vrai mais allons manger. J'ai une faim de loup !
-Je me dnde bien pourquoi...
Je rougis légèrement quand je m'attable. Nous profitons de la convivialité de ce moment pour discuter avec Carine qui vit dans ce petit village depuis toujours. Elle nous apprend qu'une station de ski très prisée se trouve à une trentaine de kilomètres et qu'elle héberge régulièrement des skieurs qui font halte ici pour la nuit. Je lui parle de la musique de et du succès qui l'attend. Le garçon ne sait pas vraiment où se mettre mais je m'en fous. Je suis bien trop fière. Le ventre repu, nous aidons Carine à ranger.
-Em' ? m'appelle posté devant la porte d'entrée.
-Oui ?
Mon amoureux m'offre un sourire étincelant en me montrant une luge du bout du doigt. Comme deux gamins, nous courrons attraper nos manteaux, nos écharpes et nos gants et nous empruntons la luge pour grimper tout en haut d'un champ situé derrière le petit gîte.
Je m'installe entre les jambes de . Un dernier baiser et nous voilà partis pour notre première descente. Il fait froid, il neige, nous rions aux éclats et aucun de nous ne maitrise cette luge qui semble n'en faire qu'à sa tête mais nous nous amusons comme des fous. Bien évidemment, nous finissons la tête dans la neige. Une minute plus tard, nous regagnons à nouveau le point de départ, main dans la main.
Notre deuxième descente n'est pas plus réussie que la première. Nous frôlons un sapin pour mieux nous fracasser dans un tas de neige. Le rire de est la plus belle des mélodies et je réalise à cet instant que je veux réellement tout de ce garçon. Tout, à tout jamais.
-Je veux bien que tu me tatoues . Pas parce que je veux me cacher mais parce que l'idée de porter une de tes créations me rend folle.
-C'est... c'est vrai ? se fige-t-il, le regard écarquillé de surprise.
-Oui. Je veux juste que tu dessines un truc pour moi, rien que pour moi. Ce que tu veux, je te laisse décider les yeux fermés. Je veux garder ce petit bout de toi avec moi.
-Ca compte tellement pour moi mon amour, murmure-t-il les paupières closes, le front collé au mien.
-J'aime bien quand tu m'appelles ça...
-Mon am-...
Ces quelques lettres se perdent entre nos lèvres, au milieu de nos baisers, entre la chaleur de notre étreinte et la fraicheur de la neige.
