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- ! Arrête de rêvasser comme une idiote et rejoins-moi, elle est trop bonne !
Je secoue la tête pour effacer ces pensées. Je ne doute pas que l'eau soit exquise mais il est hors de question que j'ôte mes vêtements et que j'exhibe devant mon frère ce que personne ne doit jamais voir. Je secoue la tête et me contente de m'asseoir dans le sable en regardant mon frère plonger la tête la première dans l'eau.
Quand nous étions petits, nous partions souvent nous balader avec nos parents, à bord de cette belle Mustang aux lignes sportives. A chaque fois, mon père finissait par dégoter un petit coin de paradis semblable à celui-ci. Nous courions alors dans l'eau, main dans la main avec Enzo, et nous passions des heures à nous éclabousser et à rire à gorge déployée. nous accompagnait parfois mais mon frère boudait toujours. Il disait que mon ami lui volait sa sœur. Il n'avait pas vraiment tort. Aujourd'hui encore, mon ami subtilise toutes mes pensées pour les cristalliser en une paire d'iris au bleu si translucide que j'en ai des frissons.
La douceur de la fin de journée nous effleure tandis que nous regagnons la voiture. Nous reprenons la route et lorsque nous atteignons le centre-ville, nous décrétons qu'il est temps de boire un coup. Lorsque je sors de la voiture, je tombe subitement nez à nez avec Sophia, la jolie infirmière qui s'est occupée de moi pendant mon séjour à l'hôpital, main dans la main avec un jeune homme aux cheveux bouclés et aux joues rougissantes.
-Sophia ?!
La ravissante brunette me dégaine un immense sourire qui se reflète sur mes lèvres. Je ne peux m'empêcher de me focaliser sur sa main, moulée dans celle de...
-Bah ça alors ! Toi et le kiné ? Mais c'est grâce à moi tout ça ! fanfaronné-je.
-Oh la la, elle va redevenir insupportable, grogne le fameux kiné en levant les yeux au ciel.
-Je suis contente de te voir, nous coupe Sophia. Comment vas-tu ?
-Je vais bien. Et vous ? C'est une affaire qui marche tous les deux ?
Je joue des sourcils juste pour emmerder un peu ce foutu kiné que j'aime bien dans le fond.
-Si tu veux des potins, il va falloir qu'on se retrouve autour d'un verre, me propose Sophia.
D'abord surpris par la proposition de sa copine, le bouclé finit par la couver du regard, ce que je trouve foutrement mignon. Cet air un peu niais lui va finalement très bien !
-Avec plaisir ! Je passe un moment avec mon frère là mais si ça vous dit, on peut se retrouver au Sick one vendredi. Mes amis ont prévu de donner un concert.
Sophia interroge silencieusement son petit-ami qui hausse tranquillement les épaules. Nous échangeons nos numéros de téléphone et convenons de nous retrouver directement au bar vendredi soir. Sophia et Alexandre s'éloignent en ignorant mes petits commentaires gênants sur leur couple. Je sens que je vais bien m'amuser à asticoter mon infirmière préférée pour lui soutirer des potins !
Je rejoins mon frère qui s'est déjà installé dans un bar plutôt tranquille du centre-ville et nous commandons deux grands verres pour nous rafraichir. La chaleur de cet été est vraiment exceptionnelle. Quand la serveuse nous apporte nos consommations, nous nous jetons littéralement dessus ! Au bout de quelques minutes, je me rends compte que mon frère garde le nez baissé sur son verre et joue distraitement avec le petit parasol que la serveuse avait accroché à nos boissons.
-Qu'est-ce qu'il y a Enzo ?
-Rien, rien... je réfléchissais c'est tout.
-A quoi ?
-A... Anna.
-Hum et qui est cette Anna ? l'interrogé-je, soudainement très intéressée.
Ai-je déjà précisé que j'adore les commérages ?
-Ah oui mince, j'oublie toujours que t'as le cerveau qui déconne.
-Hééééé !
-Anna c'est la chanteuse du groupe de musique dans lequel je joue en Italie.
Je rrque tout de suite qu'il évoque cette période au présent, comme si elle était encore active dans son esprit, alors que moi j'en parle au passé ou je n'en parle pas du tout. Je me sens chez moi ici et je ne connais rien de cette vie que j'ai menée pendant sept ans en Italie. J'ai pourtant dû essuyer pas mal de frasque là-bas mais dans ma tête, c'est comme si cette période n'existait pas.
-Et pourquoi penses-tu à elle ?
-Quand... quand j'ai rapatrié tes affaires ici, j'ai dndé de l'aide à mes potes et... l'un d'eux m'a fait comprendre que... que... ouais, bon, je crois que c'est mort avec Anna. Apparemment, elle est avec un autre mec maintenant.
Une douce tristesse voile un instant le regard de mon petit frère mais il se reprend rapidement.
-Je me dnde juste comment les gens font pour passer si vite à autre chose. Je veux dire, ok je suis parti depuis un moment maintenant mais c'est comme si j'avais disparu de sa vie. Plus d'appel, plus de message, plus de nouvelle. Rien.
-Cette fille est naze, elle ne te mérite pas si elle te traite comme ça.
-Tu dis ça parce que tu es ma grande sœur !
-Je dis ça parce que c'est vrai ! Sérieusement, si cette fille est assez idiote pour te laisser tomber, alors elle ne vaut pas le coup que tu te prennes la tête pour elle. Maintenant, tu sais à quoi t'en tenir et tu vas pouvoir passer à autre chose.
Enzo acquiesce en silence.
-Ohhhhh ! J'ai une idée ! Je pourrais jouer les cupidons pour toi ! Tu sais, je...
-NON ! Surtout pas ! Epargne-moi tes plans foireux s'il te plait, me répond-t-il en riant.
-Mes plans ne sont pas foireux ! Regarde Sophia et Alexandre qu'on a croisés tout à l'heure, c'est grâce à moi s'ils sont ensemble auj...
-Je ne veux rien savoir, me coupe-t-il. Ne te mêle surtout pas de mes histoires c'est la honte assurée !
J'éclate de rire devant la mine horrifiée de mon ingrat de petit frère. S'il croit que je vais garder mes talents d'entremetteuse au chaud, il se fourre le doigt dans l'œil ! Après avoir vidé nos verres à deux reprises, nous remontons en voiture pour rentrer chez . Le soleil décline dans le ciel, annonçant les prémices d'une douce soirée d'été. Lorsque nous arrivons, je suis surprise de trouver la maison vide et les restes du brunch encore sur la table du jardin. Ce désordre ne ressemble pas à . Enzo, qui a retrouvé son habituelle joie de vivre, s'autoproclame « chef du barbecue » pour la soirée. Pendant qu'il se charge d'allumer le feu et de préparer la viande, j'en profite pour débarrasser la table du jardin et remettre de l'ordre dans la maison. Je déteste clairement faire le ménage mais sera peut-être content de voir que je fais des efforts pour ne plus me comporter comme une ado.
La nuit est tombée et nos estomacs sont pleins lorsqu'il passe la porte d'entrée. Enzo monte rapidement dans sa chambre pour soi-disant écouter de la musique tranquillement. Je le soupçonne de vouloir nous laisser un peu d'intimité. porte un grand sac noir sur son épaule qu'il laisse retomber au pied des escaliers. Il se fige quand son regard balaie la cuisine puis le salon fraichement nettoyés. Ses yeux atterrissent dans les miens ; ronds, verts et pleins d'espoir, puis son sourire se dessine sous sa barbe brune. Le mien s'étire au même rythme sans que je ne sache vraiment pourquoi. Je crois que je suis simplement heureuse de le retrouver après cette journée chargée en émotions.
