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16

Après seulement dix minutes de trajet, Jamie se gare sur un petit parking, non loin du centre ville. Une grosse enseigne aux néons rouges fluorescents scintille au dessus de la porte d'entrée de ce bâtiment très simple en apparence. Nous nous hâtons de pénétrer dans l'établissement, avides de musique et d'alcool. La salle n'est pas aussi grande que ce que je m'étais imaginée mais elle est vraiment chaleureuse. Une lumière tamisée entoure le bar où trois serveurs s'activent et plusieurs tables hautes sont installées autour d'une petite scène, au fond de la pièce. Des dizaines et des dizaines de jeunes mêlent leurs éclats de rire pour faire rugir une ambiance des plus enivrantes. La piste de danse est bondée, nous peinons à accéder au bar pour choper nos premières bières. Au moment où je porte le goulot à ma bouche, je me note mentalement de ne pas abuser de l'alcool. Les calmants que j'ai engloutis avant de partir ne feraient sûrement pas bon ménage avec cet opium qui me fait pourtant de l'œil.

Les heures passent, emportant avec elles les cris de joie de Jamie et mes fous rires. J'ai réussi à mettre le grappin sur une table et j'observe maintenant mon amie s'éclater avec un grand blond qui me paraît très à son goût. Je meurs d'envie de la rejoindre mais les douleurs sourdes qui électrisent encore mes jambes et mes hanches me forcent à rester assise. Dans mon dos, je sens les regards insistants du groupe de mecs installé à la table d'à côté et je souris. Mon mini short en sequins noirs semble faire son petit effet.

Je ferme les paupières quelques secondes en balançant ma tête en rythme. Jamie me rejoint pour vider son verre d'une traite et me coller un baiser sur la joue. Je me sens légère, enfin en phase avec moi-même. Comme si chaque note de musique éloignait un peu plus tous les souvenirs moroses qui m'ont hantée toute la journée. Ce soir, je ne veux rien connaître d'autre que l'insouciance, la folie et la liberté. C'est sans doute pour cette raison que lorsqu'un grand brun s'avance vers moi, je lui décoche un petit sourire coquin. D'un rapide coup d'œil, je m'assure qu'il est à mon goût. Plutôt bien bâti, un regard plein d'assurance, un sourire charmeur et un t-shirt qui lui dessine un buste assez ferme. Je n'en dnde pas plus pour ce soir et je continue à me remuer en rythme sur ma chaise quand il se penche vers mon oreille pour couvrir le bruit de la musique avec ses mots.

-Je t'offre un verre ?

-Evidemment !

En riant, le beau brun prend ma main et me guide vers le bar. Sa poigne est ferme mais douce. Je n'hésite pas à commander un cocktail détonnant à base de tequila, rhum, gin et vodka. Ce soir, je veux juste oublier mes ombres et profiter. Nous trinquons en verrouillant nos regards. Le scénario de cette fin de soirée semble nous convenir à tous les deux.

Après plusieurs verres et mains baladeuses, je sens ma tête qui vacille légèrement. J'ai finalement peut-être un peu trop bu. Les sons sont plus étouffés. Mes mains semblent bouger au ralenti. Mes paupières clignent un peu plus que d'habitude. Mais quand il me propose de nous isoler pour trouver un coin tranquille, je le suis. Je ne connais même pas son nom, je veux seulement qu'il me fasse oublier le mien. Il nous dirige vers la sortie et même l'air frais qui balaie mon visage ne me remet pas les idées en place. Je sais juste que je veux faire taire ce flot ininterrompu de pensées qui me tabasse la tête depuis que je suis réveillée. Je veux me servir de mon corps pour repousser tout ce qui mitraille mon cœur. Comme avant. Je veux juste que tout redevienne comme avant.

-On va chez toi ou chez moi ?

Bizarrement, sa voix me surprend. Dans le silence de l'obscurité, je la découvre plate, sans aucune profondeur. Ou peut-être que mon cerveau est trop embrumé pour assimiler toute sa complexité.

-Ni l'un ni l'autre.

Je suis peut-être bourrée mais pas assez folle pour aller dans la piaule d'un mec que je ne connais absolument pas ou pour le ramener chez . Ma réponse le laisse perplexe. Il doit s'imaginer que je l'ai chauffé toute la soirée pour me dégonfler au dernier moment.

-T'as une voiture ?

Pour toute réponse, il nous guide vers une auto noire des plus banales. Je le laisse s'installer et éloigner le siège du volant. Je ne me fais pas prier, je grimpe tout de suite à califourchon sur ses genoux. Hésitantes, ses mains se posent sur mes hanches. Je l'embrasse à pleine bouche pour lui signifier que je veux exactement la même chose que lui. Ses lèvres dévorent les miennes pendant un long moment jusqu'à ce que ma tête se vide enfin. Quand il essaie de se débarrasser de mon débardeur à fines bretelles, je l'en empêche brusquement. Aucune chance que j'exhibe mon ventre immonde recouvert de cicatrices. Pour faire diversion, ma main se faufile entre nos deux corps pour déboutonner son jean's. Je mène la danse et il n'a pas l'air de s'en plaindre. Tant mieux, ça m'aurait fait chier d'avoir à le jeter alors qu'on est bien partis pour passer un bon moment.

Les caresses se mêlent aux soupirs, les mouvements de nos hanches s'accélèrent et notre désir s'enflamme. Je ne lui dnde rien de plus que cette fausse liberté qu'il est en train de me donner. Quand il fait glisser un préservatif sur son sexe tendu, je connecte immédiatement nos corps. Je lui impose mon rythme et ses mains suivent mes courbes à travers le tissu de mon vêtement. Ses gestes sont à la fois doux et assurés. Ils me propulsent toujours un peu plus loin dans l'oubli mais ironiquement, c'est ce moment précis que choisit ma mémoire pour se réveiller.

Flash.

De la sueur. Des corps imbriqués. Une fougue presque désespérée. Un inconnu. Une fille perdue. La délivrance.

Et le vide, le vide, le vide.

Cette vision furtive me trouble un instant. Un profond mal-être s'empare de moi sans que je ne puisse vraiment l'identifier. Mais les mains de mon amant me reconnectent à la réalité quand elles commencent à tourbillonner entre mes cuisses. Une ardeur nouvelle me pousse à accélérer nos mouvements jusqu'à l'explosion. Je crois que je jouis mais je n'en suis même pas sûre. Je suis perdue dans un brouillard qui me laisse morose. Je prends à peine le temps de recouvrer mon souffle que je remonte déjà ma culotte et mon short. Le beau brun me regarde faire sans dire un mot. Nous nous dirigeons en silence vers le bar mais je sais déjà que la soirée est terminée pour moi. Je n'ai plus envie de m'enivrer. Au moment où nous regagnons la pièce aux lumières tamisées, mon coup d'un soir pose délicatement sa main sur mon bras pour attirer mon attention.

-C'était très sympa ce moment avec toi. Si on se croise à nouveau, n'hésite pas à me faire signe.

Il se penche pour effleurer mes lèvres avec tendresse et m'offre un dernier clin d'œil avant de rejoindre ses amis. Même si je ne connais absolument rien de ce garçon, je m'estime chanceuse d'être tombée sur un mec mignon, sympa et doux. Je repère le déhanché endiablé de Jamie sur la piste de danse et je m'approche pour lui faire comprendre que je rentre. Le gars avec lequel elle dansait tout à l'heure a été remplacé par un autre qui semble lui aussi très intéressé par mon amie. Elle acquiesce d'un petit signe et je quitte rapidement le bar.

La trentaine de minute de marche qui sépare le bar de la maison de ne fait qu'accentuer la boule qui s'est logée au creux de mon ventre. Je suis sortie pour oublier et me voilà encore plus mal que cet après-midi. Si les souvenirs de mes parents m'ont plongée dans une douloureuse nostalgie, mon petit manège avec ce mec mignon ne m'a pas du tout libérée. Au contraire, il n'a fait que souligner mon côté pathétique. Je ne me souviens peut-être pas des sept dernières années de ma vie mais je sais que je me suis toujours servie de mon corps pour combler un vide dont je ne connais même pas l'origine. Alors pourquoi est-ce que ce soir je n'ai même pas réussi à m'oublier quelques instants ?

Je ne sais plus qui je suis. L'ai-je déjà su ? J'en doute. Mais mes mécanismes de défense me font aujourd'hui plus mal que jamais. C'est le cœur en berne que je passe la porte d'entrée. Je me faufile sans un bruit jusqu'à ma chambre et je m'endors en me débattant avec l'angoisse qui m'étreint la poitrine. Je ne sais plus qui je suis.

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