Les premières ombres

Les jours qui suivirent son installation dans la maison de Samuel furent étranges pour Amina. Elle avait beau être entourée de confort, elle se sentait comme une intruse dans ce lieu où tout semblait parfaitement à sa place. Les meubles étaient impeccables, les draps d’un blanc immaculé, et les repas toujours prêts à être servis par le personnel de la maison. Ce luxe la dépassait.

Samuel, quant à lui, restait discret. Il était souvent absent, rentrant tard dans la soirée. Lorsqu’il était là, il s’assurait qu’Amina ne manquait de rien. Pourtant, elle ne pouvait s’empêcher de ressentir une tension indescriptible chaque fois qu’il entrait dans une pièce.

Une après-midi, alors qu’elle était assise près de la grande baie vitrée donnant sur le jardin, Samuel apparut soudainement. Il portait une chemise blanche légèrement déboutonnée, révélant un médaillon qu’il portait autour du cou. Il s’arrêta à quelques pas d’elle, les mains dans les poches.

“Comment vous sentez-vous aujourd’hui ?” demanda-t-il.

Amina, encore surprise par sa présence, balbutia une réponse. “Je vais mieux… Merci encore pour tout ce que vous faites.”

Samuel hocha la tête, mais son regard restait fixé sur elle, comme s’il essayait de lire ses pensées. Cela mit Amina mal à l’aise.

“Vous n’avez pas à me remercier. C’est la moindre des choses après ce qui s’est passé.”

Un silence s’installa entre eux, seulement troublé par le bruit du vent dans les arbres du jardin. Amina, pour briser cette tension, décida de poser une question qui lui brûlait les lèvres depuis des jours.

“Vous… travaillez dans quoi exactement ?”

Samuel esquissa un sourire, mais ses yeux restaient sérieux. “Je suis dans les affaires. Disons que je gère plusieurs entreprises.”

Sa réponse était vague, presque évasive. Amina sentit qu’il ne voulait pas entrer dans les détails, et elle choisit de ne pas insister.

Les jours passèrent, et malgré son rétablissement progressif, Amina se sentait de plus en plus oppressée. Elle avait l’impression d’être surveillée en permanence. Le personnel de maison, bien qu’attentionné, la regardait parfois d’un œil curieux. Et puis, il y avait Samuel, toujours présent dans son esprit même lorsqu’il était absent.

Un soir, alors qu’elle s’apprêtait à se coucher, elle entendit des éclats de voix venant du rez-de-chaussée. Intriguée, elle sortit discrètement de sa chambre et descendit les escaliers.

Elle trouva Samuel dans le salon, en pleine conversation avec un homme qu’elle ne connaissait pas. Ce dernier avait une apparence imposante, avec des traits durs et un regard perçant.

“Je t’ai déjà dit de ne pas te mêler de ça,” disait Samuel d’un ton glacial.

“Et je t’ai dit que tu prenais des risques inutiles,” rétorqua l’homme en croisant les bras.

Amina se figea, son cœur battant à tout rompre. Elle savait qu’elle n’aurait pas dû écouter, mais les mots qu’elle entendait étaient lourds de sous-entendus.

Samuel, sentant une présence, tourna brusquement la tête vers l’escalier. Ses yeux rencontrèrent ceux d’Amina, et une ombre passa sur son visage.

“Tout va bien, Amina ?” demanda-t-il d’un ton neutre, mais ferme.

Elle bafouilla une excuse maladroite. “Je… Je voulais juste boire un verre d’eau.”

Samuel hocha la tête et lui fit signe de remonter. Elle obéit, mais son esprit était en ébullition. Qui était cet homme ? Et de quoi parlait-il avec Samuel ?

Le lendemain matin, Samuel frappa à la porte de sa chambre. Lorsqu’elle ouvrit, il se tenait là, une expression grave sur le visage.

“Amina, je crois qu’il est temps que nous ayons une discussion.”

Elle sentit une boule se former dans son estomac. “À propos de quoi ?”

“De ce que vous avez entendu hier soir.”

Amina resta silencieuse, ne sachant pas quoi répondre. Samuel entra dans la pièce et ferma doucement la porte derrière lui.

“Je veux que vous sachiez que je ne vous cache rien qui puisse vous mettre en danger,” dit-il d’un ton apaisant. “Mais mon travail implique parfois des conversations délicates.”

“Quel genre de travail ?” demanda Amina, rassemblant son courage.

Samuel la fixa un moment avant de répondre. “Je gère des affaires internationales. Ce n’est pas toujours simple, mais cela me permet de maintenir un certain niveau de vie… et de pouvoir aider des personnes comme vous.”

Sa réponse, bien que formulée avec soin, laissa Amina avec plus de questions que de réponses. Elle ne pouvait s’empêcher de se demander si elle avait fait le bon choix en venant ici.

Plus tard dans la journée, alors qu’elle errait dans la maison, elle tomba sur une porte entrebâillée. Curieuse, elle jeta un coup d’œil à l’intérieur et vit une pièce remplie de documents, d’écrans et d’objets qu’elle ne reconnaissait pas. C’était un bureau, mais pas comme les autres.

Avant qu’elle ne puisse entrer, une voix derrière elle la fit sursauter.

“Ce n’est pas un endroit pour vous.”

Samuel se tenait là, ses yeux plus sombres que jamais.

“Je suis désolée, je ne faisais que passer,” balbutia-t-elle.

Samuel s’approcha, son expression s’adoucissant légèrement. “Je comprends que tout ceci soit nouveau pour vous, mais je vous demande de respecter ma vie privée, comme je respecte la vôtre.”

Amina hocha la tête, mais une sensation persistante d’inquiétude s’installa en elle. Elle savait que Samuel cachait quelque chose. Et même si elle ne voulait pas le découvrir, elle pressentait que son séjour ici allait changer sa vie de façon irréversible.