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Marquée par la Lune-AC

[1/10] – Le murmure deAelya ne sut jamais comb temps elle resta figée là, le regard perdu dans l’ombre où l’paru.

Le silence retomba, plus épais qu’avant. Comme si le village entier retenait son souffle pour écouter ses pensées.

Quand enfin elle parvint à bouger, elle sentit ses jambes trembler. Elle marcha sans vraiment voir où elle allait, regagna la maison familiale à pas lents, le cœur encore battant d’un rythme douloureux.

Elle referma la porte derrière elle et s’adossa au bois froid. Dans le noir, chaque craquement du parquet ressemblait à un pas. Chaque battement de son cœur, à un avertissement.

Elle n’arrivait pas à chasser ses yeux dorés de sa mémoire.

Elle voulait croire qu’elle avait rêvé. Que tout cela n’était qu’un cauchemar façonné par la fatigue et les souvenirs.

Mais au fond, elle savait.

Il était réel.

Et il l’avait reconnue.

Quand elle alluma la vieille lampe à pétrole, la lumière vacillante fit danser les ombres sur les murs.

Alors seulement elle remarqua que la rose noire avait disparu de la table.

À sa place, un mot.

Une feuille pliée, trempée de rosée.

Elle hésita avant d’y toucher, comme si le simple fait de la prendre allait changer quelque chose d’irréversible.

Puis elle la déplia.

Une écriture nette, presque ancienne, dessinait une seule phrase :

› Ne ferme pas les yeux.

[2/10] – Les souvenirs emmêlés

Elle relut le mot encore et encore, comme si ses yeux pouvaient en dissoudre le sens.

Ne ferme pas les yeux.

Ces mots résonnaient en elle avec la même force qu’un souvenir ancien qu’on croyait perdu.

Elle s’assit, ses doigts crispés sur le papier, et la mémoire revint, brutale, imprévisible.

C’était une nuit semblable à celle-ci.

Elle devait avoir treize ans. Théo, treize aussi, forcément. Ils étaient jumeaux. Deux moitiés d’un même souffle.

Cette nuit-là, une tempête avait éclaté sur Ravelore.

Le vent hurlait contre les volets, la pluie martelait les tuiles comme une armée invisible.

Elle s’était réveillée, le cœur battant, persuadée qu’on l’observait derrière la vitre.

Quand elle avait voulu appeler sa mère, aucun son n’était sorti. Sa gorge était bloquée, sa voix étouffée par une panique qu’elle ne comprenait pas.

Alors Théo était apparu dans l’encadrement de la porte.

Il ne portait qu’un vieux pull trop grand et un short d’été. Ses cheveux collaient à son front.

— Tu l’as senti aussi ? avait-il demandé.

Elle avait hoché la tête, incapable de parler.

Il avait alors prononcé ces mêmes mots :

— Ne ferme pas les yeux. Si tu fermes les yeux, c’est là qu’il entre.

Elle n’avait jamais oublié la façon dont il l’avait dit. Ni la terreur calme qu’il avait dans le regard.

Cette nuit-là, ils étaient restés assis l’un contre l’autre jusqu’au lever du jour.

Et quand enfin la lumière avait percé la brume, elle avait cru qu’ils étaient sauvés.

Mais aujourd’hui, le soleil ne se levait plus sur Ravelore.

[3/10] – La veille

Elle reposa la feuille sur la table, comme si ce simple geste pouvait repousser la peur.

Mais rien ne changea.

Le silence resta le même.

La maison resta la même.

Et ses mains, elles, tremblaient toujours.

Elle essaya de se convaincre qu’il fallait dormir. Qu’elle avait besoin de forces, qu’elle verrait plus clair au matin.

Elle monta lentement l’escalier qui menait à sa chambre, comme on monte vers l’échafaud. Chaque marche grinçait sous son poids, un cri aigu dans la nuit.

La pièce était telle qu’elle l’avait laissée. Le lit étroit, la vieille commode, la fenêtre qu’elle n’osait pas ouvrir.

Elle s’assit sur le matelas, le dos contre le mur.

Elle savait qu’elle ne dormirait pas.

Les mots tournaient en boucle dans son esprit.

Ne ferme pas les yeux.

Les pas dans la brume.

Le seau renversé.

La silhouette qui disparaissait dès qu’elle osait le regarder.

Et ces yeux.

Ces yeux d’or qui semblaient capables de traverser ses souvenirs.

La lampe à pétrole jeta une lueur fragile sur les murs, chassant à peine l’obscurité.

Elle resta là, toute la nuit, sans oser allonger ses jambes.

Sans oser fermer les paupières.

Parfois, elle croyait entendre des pas dans l’escalier.

Parfois, elle avait l’impression qu’il était là, derrière la porte, à écouter son souffle.

Elle n’osa pas vérifier.

Au petit matin, ses yeux brûlaient de fatigue, mais son esprit, lui, était plus clair.

Elle comprit qu’elle ne pourrait plus fuir.

Et qu’à partir de maintenant, elle devrait affronter seule les mystères de Ravelore s'abstinait à lui cacher.

[4/10] – La forêt

Le matin se leva sans qu’elle ait vraiment fermé l’œil.

La lumière grise filtrait à peine à travers les rideaux, posant sur la pièce une clarté blafarde qui ne réchauffait rien.

Elle se sentait vidée.

Son corps réclamait le repos, mais son esprit refusait de céder.

Elle savait qu’elle ne supporterait pas une journée de plus à attendre, immobile, que les ombres viennent la trouver.

Si elle voulait comprendre ce qui était arrivé à Théo, si elle voulait percer les mystères que Ravelore dissimulait depuis dix ans, il fallait agir.

Elle prépara un sac, y glissa une lampe torche, une gourde, un carnet. Puis elle sortit, referma la porte derrière elle et prit le sentier qui menait à la forêt.

Les arbres l’accueillirent comme une frontière qu’elle n’aurait jamais dû franchir.

L’air y était plus froid, plus dense.

Chaque pas semblait réveiller un écho ancien.

Elle marcha longtemps, fouillant les fourrés, inspectant les racines, cherchant un indice. Une trace. Un signe.

Mais il n’y avait rien.

Rien que le murmure du vent dans les branches et le sentiment qu’elle dérangeait quelque chose qu’elle ne comprenait pas.

Quand le soleil commença à descendre derrière la crête, elle dut se rendre à l’évidence : sa quête était vaine.

Elle rebroussa chemin, le cœur encore plus lourd qu’au matin.

[5/10] – L’absence

La nuit tombait quand elle regagna le village.

Elle laissa son sac dans l’entrée, se lava le visage, changea de chemise.

Puis elle reprit le chemin du Croc de Lune.

Elle n’attendait pas vraiment de réponses.

Elle voulait juste… voir s’il serait là.

Si ses yeux dorés la chercheraient encore.

Quand elle poussa la porte du bar, l’odeur familière de bois et d’alcool la frappa.

Mara lui adressa un signe de tête fatigué, comme chaque soir.

Aelya noua son tablier et se mit au travail.

Elle servit des bières, essuya des verres, observa les habitués.

Mais la table du fond était vide.

La chaise où il s’asseyait, abandonnée.

Elle jeta un regard par la fenêtre, comme si elle s’attendait à le voir apparaître dans la brume.

Rien.

Il ne vint pas.

Et c’était peut-être cela, le plus inquiétant.

[6/10] – La maison changée

Quand elle quitta le Croc de Lune, la nuit était déjà épaisse.

Le village semblait figé, plus silencieux encore qu’à son arrivée.

Elle marcha d’un pas rapide, le cœur battant, pressée de s’enfermer chez elle pour échapper à cette impression d’être épiée.

Mais avant même d’atteindre la porte, elle s’arrêta net.

Une odeur chaude flottait dans l’air.

Quelque chose d’incongru, presque absurde dans ce décor de pierre froide : l’odeur d’un ragoût mijoté, riche et appétissant, comme si quelqu’un préparait un repas de fête.

Elle fronça les sourcils, la main sur la poignée.

Elle était pourtant sûre d’avoir fermé à clé.

Elle inspira, fit tourner la poignée… et la porte s’ouvrit sans résistance.

Son souffle se bloqua dans sa gorge.

La pièce était méconnaissable.

Les voilages avaient été tirés.

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