Marquée par la Lune -AB
Et dans le même instant, Aelya sentit quelque chose changer. L’air devint plus lourd. Le silence autour de l’inconnu s’étendit comme une brume invisible.
Elle osa un regard. Il était toujours là. Toujours figé.
Mais ses yeux, eux, ne souriaient plus.
Ce fut lui qui parla le premier
--Ce village a perdus sa voix depuis longtemps ,dit-il sans la regarder. Et ceux qui osent encore parler disparaissent.
Aelya resta figée. Sa voix était grave, basse, teintée d'un accent ancien. Elle ne savait pas quoi répondre.
--Qui êtes vous ?murmura-t-elle
Il tourna lentement la tête vers elle, un demi sourire au coin de ses lèvres.
--Celui qui sait pourquoi tu es revenu .
Et avant qu'elle ne puisse dire un mot de plus,il se leva, laissa des pièces au comptoir...et disparu dans la nuit. Sans un bruit comme une ombre qui sait exactement où aller.
[5/10] – L'ombre
Aelya resta un long moment immobile, le regard perdu dans la porte que l'inconnu venait de franchir. Son cœur battait à une vitesse folle. Son souffle était court. Elle savait qu'elle aurait dû courir après lui, le rattraper, le questionner. Mais quelque chose, plus fort que sa volonté, l'en empêchait. Un pressentiment ancien, presque animal. Comme si chaque cellule de son corps savait qu'il était dangereux... et inévitable.
Elle inspira profondément, reposa le verre qu'elle tenait et ôta son tablier. Elle se sentait incapable de rester ici une minute de plus. Chaque murmure, chaque regard fuyant la ramenait à ce qu'elle redoutait : elle était revenue dans un endroit qui avait cessé d'être un village depuis longtemps.
Quand elle sortit dans la nuit, la brume avait épaissi, couvrant les ruelles d'un voile humide. Et là, entre deux réverbères, elle crut voir une silhouette. Grande. Immobile. Qui l'attendait.
[6/10] – La fuite
Le cœur battant, Aelya recula d’un pas. La silhouette restait là, immobile, comme une ombre découpée dans le brouillard. Elle sentit la panique monter, froide et rapide, se glisser le long de sa colonne vertébrale.
Sans réfléchir, elle tourna les talons et s’élança dans la ruelle. Ses bottes claquaient contre les pavés, résonnant comme un appel qu’elle ne contrôlait plus. Elle courut sans s’arrêter, bousculant l’air, le silence, ses propres certitudes.
Au coin d’une impasse, elle osa se retourner.
Rien.
Le vide.
Elle inspira, tremblante, le front perlé de sueur.
Puis, un mètre plus loin, un souffle se fit entendre.
Elle pivota brusquement.
Encore cette silhouette.
Toujours immobile.
Elle serra les dents et recula à nouveau, prête à hurler.
Quand elle cligna des yeux… il n’y avait plus rien.
Juste la brume.
Et le sentiment qu’elle n’était pas seulement revenue.
Elle était attendue.
[7/10] – La traque
Aelya serra ses bras contre elle, respirant avec difficulté. Elle savait qu’elle n’aurait pas de repos si elle fuyait encore. Si elle voulait comprendre, il lui fallait avancer.
Elle balaya la ruelle du regard. Aucun mouvement. Pourtant, elle sentait cette présence tapie dans chaque recoin.
Elle décida de longer la grande rue qui menait jusqu’au vieux lavoir, là où autrefois les enfants jouaient et où sa mère lavait le linge en chantonnant. Le lavoir était aujourd’hui à l’abandon, envahi par la mousse et les feuilles mortes.
Elle fouilla chaque recoin, écartant les branchages, cherchant un indice, un signe, n’importe quoi qui expliquerait ces apparitions. Le silence l’accompagnait comme un second souffle. La brume collait à sa peau.
Près du bassin vide, elle trouva des traces. Des empreintes plus grandes que celles d’un homme, profondément enfoncées dans la terre humide.
Elle posa sa main sur le rebord du lavoir et inspira.
Si elle voulait des réponses, c’était ici qu’elle devait les chercher.
[8/10] – Le bruit
Elle restait immobile, le regard fixé sur ces empreintes trop larges, trop profondes. L’air semblait vibrer autour d’elle, lourd de présages.
Puis, derrière elle, un craquement retentit. Clair. Sec. Comme un pas sur une branche morte.
Aelya se figea. Son cœur bondit dans sa poitrine.
Elle savait qu’elle devait se retourner. Qu’elle ne supporterait plus longtemps de sentir cette présence sans la voir.
Elle inspira. Lentement. Rassembla son courage. Et pivota d’un coup.
Personne.
Le lavoir vide. La brume plus épaisse.
Elle recula, cherchant le moindre signe, la moindre silhouette. Mais il n’y avait rien.
Juste ce bruit, encore. Un second craquement, plus proche.
Elle serra les poings.
Elle n’était pas seule.
[9/10] – La menace
Elle tendit l’oreille, le souffle suspendu. Le silence qui suivit le second craquement était plus glaçant que le bruit lui-même.
Puis, soudain, un fracas éclata derrière elle.
Un seau de métal, posé contre le mur du lavoir, fut projeté à terre comme si une main invisible l’avait violemment repoussé. Le bruit résonna dans la ruelle, aigu et sinistre.
Aelya sursauta, le cœur battant à se rompre. Elle recula, heurtant la pierre froide du bassin.
Elle chercha une explication rationnelle, mais rien ne tenait. Il n’y avait pas de vent. Personne n’était là.
Et pourtant, elle sentait cette présence.
Une menace sourde, qui s’approchait.
[10/10] – L'apparition
Son regard fouillait les ombres, haletante, les mains crispées contre la pierre du lavoir.
Alors elle le vit.
Il se tenait à l’orée de la brume, à quelques mètres seulement. Silhouette sombre. Immobile. Son manteau noir flottait légèrement, comme mû par un vent qu’elle ne sentait pas.
Ses yeux dorés la fixaient. Sans ciller. Sans émotion apparente.
Elle voulut parler. Aucun son ne franchit ses lèvres.
Il fit un pas vers elle.
Aelya sentit sa gorge se serrer, un frisson glacé parcourir ses bras.
Un deuxième pas. Lent. Inéluctable.
Il s’arrêta à deux mètres. Le silence entre eux pesait plus que tous les mots.
— Vous... qui êtes-vous ? souffla-t-elle enfin.
Un sourire presque triste se dessina sur son visage.
— Celui qui ne te laissera plus fuir.
Sa voix résonna dans l’air comme un écho ancien.
