chapitre 5

Chapitre 5

La réunion avec sa famille s’était éternisée, un flot incessant de préoccupations, de reproches dissimulés sous des airs de bienveillance. Ils avaient tous la même inquiétude : Victor. Ce mari, cette ombre glacée qui se tenait en retrait, comme s’il n’était qu’un figurant dans une histoire à laquelle il n’adhérait pas. La jeune femme avait vu l’expression de son père se durcir à chaque mention de son nom. C’était palpable, ce malaise qu’il ne parvenait pas à dissimuler. Il n’avait pas confiance en lui. Et, plus grave encore, il ne semblait pas faire d’efforts pour la convaincre que tout allait bien se passer.

Elle s’efforçait de maintenir un visage impassible, de jouer son rôle comme on attendait d’elle, mais l’amertume commençait à lui ronger l’esprit. Ce mariage n’était pas une simple affaire de contrats et de calculs. C’était un échiquier où elle était une simple pièce qu’on déplaçait sans égard. Une figure dans une guerre qu’elle ne comprenait pas, ou qu’elle refusait de comprendre. Victor, avec son regard froid, ses gestes mesurés, et cette distance permanente, ne faisait que renforcer ce sentiment. Il n’était pas là pour elle, il n’était là que pour atteindre ses objectifs. Elle n’était qu’un instrument dans sa quête de pouvoir.

Mais qu’importait. Il fallait qu’elle fasse face à la situation. Il fallait qu’elle accepte ce rôle qu’on lui avait assigné. Malgré la révolte qui grondait en elle. Son père, sa mère, tous les membres de sa famille, espéraient que ce mariage serait une alliance profitable. Ils n’étaient pas dupes. Ils savaient que la présence de Victor à ses côtés ouvrait des portes, mais derrière ces portes se cachaient des rivaux, des intrigues. Son père, bien qu’il ne le montrait pas, s’inquiétait profondément. Il avait vu, lui aussi, le manque d’implication de Victor, cette froideur qu’il n’arrivait pas à masquer. La jeune femme avait vu ses sourcils froncés, sa mâchoire serrée quand il parlait de lui. Ce n’était pas seulement de la méfiance. C’était une peur, un pressentiment de ce qui pourrait arriver si les choses continuaient ainsi.

Elle ne pouvait plus fermer les yeux sur la vérité. Elle était un pion dans un jeu d’échecs, manipulée par des mains invisibles, mais très puissantes. La jeune femme savait bien que, sous cette façade de mariage, il y avait des enjeux bien plus grands qu’un simple bonheur à deux. Elle était là pour unir des forces, pour créer des liens, pour asseoir une position. Mais rien de tout cela n’avait de sens pour elle. Rien de tout cela ne venait de son cœur. Et c’était ce qui la blessait profondément.

Victor ne répondait à rien. Pas de gestes affectueux, pas de paroles tendres. Il semblait indifférent à tout. Ses yeux fixaient l’horizon, comme s’il était ailleurs, toujours ailleurs. Elle lui avait tendu la main plusieurs fois, mais à chaque tentative de briser la glace, il l’avait repoussée avec la même froideur, la même distance. Comme s’il la voyait à peine. Il n’avait pas de place pour elle dans son monde. Ni de place pour les émotions. Son univers était fait de pouvoir, de stratégies, de chiffres et de contrats. Pas de place pour l’amour. Pas de place pour la tendresse.

“Tu as vu comment il se comporte, n’est-ce pas ?” Sa mère, enfin seule avec elle après le dîner, la regarda d’un air lourd de sous-entendus. “Il est comme un bloc de glace. Il faut que tu sois forte. Il ne te donnera pas ce que tu attends. Tu dois accepter ça.”

Les mots résonnaient comme un glas. Elle hocha la tête, cherchant ses propres pensées dans cette mer de confusion. “Je sais.”

“Non, tu ne sais pas. Victor est un homme d’affaires. Il n’a pas de temps pour les sentiments. Si tu veux réussir dans ce mariage, il va falloir que tu joues avec ses règles.”

Elle se mordit la lèvre. Elle avait accepté ce mariage pour protéger sa famille, pour donner à son entreprise un avenir solide. Mais plus elle y pensait, plus l’idée qu’elle était un simple outil pour ses propres ambitions l’énervait. Elle ne voulait pas de ce rôle. Elle refusait d’être réduite à un instrument dans un combat qui n’était pas le sien. Elle était bien plus que cela. Elle était sa propre personne. Elle en avait assez de se soumettre à des décisions qui n’étaient pas les siennes.

Le lendemain, elle décida d’affronter la réalité de sa situation, de la regarder en face, sans détour. Elle entra dans le bureau de Victor sans frapper, comme une forme de défi.

Victor leva à peine les yeux, toujours plongé dans ses papiers. Sa voix, glaciale, résonna dans la pièce. “Je suppose que tu viens pour discuter des modalités de notre prochain déplacement.”

Elle s’arrêta net. “Non. Je viens parler de nous. Enfin, de moi.”

Il la regarda enfin, ses yeux froids s’ancrant dans les siens. “Je t’écoute.”

“Je sais que tout ceci n’est qu’une question d’affaires. Une alliance stratégique. Mais tu dois comprendre que je ne suis pas une marchandise, ni une simple pièce dans ton jeu. Si je suis ici, c’est pour ma famille. Pas pour toi. Alors arrête de me traiter comme un instrument de plus dans ton armée.”

Victor se leva lentement, ses gestes mesurés mais pleins d’une tension palpable. Il s’avança vers elle, son regard ne quittant pas le sien.

“Tu crois que je ne le sais pas ? Que tu n’es qu’un pion dans cette guerre ? Tu n’es pas la seule à avoir compris ça.” Sa voix était dure, presque violente. “Mais je ne te permettrai pas de me défier de cette manière. Tu fais partie de l’équation. Il n’y a pas de retour en arrière.”

Il marquait un point. Elle savait que tout était déjà décidé. Mais cela ne signifiait pas qu’elle devait l’accepter sans réagir. Elle se redressa, croisant les bras, défiant son regard. “Je refuse de me laisser réduire à cela. J’ai aussi mes propres objectifs. Si tu penses que je vais me contenter de rester dans l’ombre de tes décisions, tu te trompes.”

Le silence qui suivit était lourd, une lutte silencieuse entre eux, deux volontés opposées mais pourtant liées par un même destin. Ils étaient pris dans une spirale, une danse de pouvoir et de contrôle. Elle ne savait pas si elle parviendrait à sortir de ce piège. Mais elle n’avait pas l’intention de se laisser faire.